Question de Mme GOURAULT Jacqueline (Loir-et-Cher - UC-UDF) publiée le 17/11/2006

Question posée en séance publique le 16/11/2006

Mme Jacqueline Gourault. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, à quelques jours de l'ouverture à la fois du congrès des maires et du débat budgétaire au Sénat, je souhaiterais vous alerter sur le fossé qui ne cesse de se creuser entre les collectivités locales et l'État. En effet, depuis plus de vingt ans, avec une constance malheureusement exemplaire, l'État réduit l'autonomie financière et politique de nos collectivités,...

M. Gérard Dériot. Les régions !

Mme Jacqueline Gourault. ...ce que je voudrais illustrer par deux exemples.

Premier exemple : la réforme de la taxe professionnelle a été élaborée sans concertation, vous le savez bien. Plus grave encore, alors même qu'un accord transpartisan et équilibré dans ses effets avait été trouvé par la commission Fouquet, vous persistez à vouloir mettre en oeuvre votre réforme en 2007.

Monsieur le ministre, il n'est pas nécessaire d'être membre du Gouvernement pour comprendre la nécessité d'alléger les charges des entreprises. Mais faire porter cet effort uniquement sur les collectivités locales, au-delà du problème du non-respect du principe d'autonomie, c'est à la fois injuste, et déséquilibré, lorsqu'on connaît le poids des prélèvements nationaux qui pèsent sur les entreprises de France.

M. René-Pierre Signé. Oui !

Mme Jacqueline Gourault. Vous allez me dire qu'il y a compensation. Mais croyez-vous que ce soit ce qu'attendent les élus locaux ? Ils ne sont pas là pour être les simples ordonnateurs de dépenses ou de recettes nationales. Ils sont élus pour engager des projets, répondre aux attentes des habitants de leurs territoires et prendre aussi leurs responsabilités devant l'impôt.

Deuxième exemple : M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a annoncé la création de 40 000 places de crèches en France.

M. Didier Boulaud. C'est du vent !

M. Alain Vasselle. Mais non !

Mme Jacqueline Gourault. Mais, monsieur le ministre, qui paie ces investissements, qui assume le fonctionnement de ces structures face au désengagement des financements de la Caisse nationale des allocations familiales ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Un sénateur de l'UMP. Démago !

M. Didier Boulaud. Rien n'a été fait depuis cinq ans !

Mme Jacqueline Gourault. Je vais vous le dire : ce sont les communes, avec les autres collectivités. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. Et les contribuables !

Mme Jacqueline Gourault. Bien sûr, les contribuables aussi.

Comment l'État peut-il, dans ces conditions, faire de telles annonces et donner continuellement des leçons de bonne gestion aux collectivités quand il leur impose des dépenses qui n'ont été ni décidées ni prévues ?

M. René-Pierre Signé. Ce seront les dernières !

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le ministre, il faut de la sincérité dans les rapports entre l'État et les collectivités.

M. Nicolas About. Ah oui !

Mme Jacqueline Gourault. Sachez que celles-ci ne demandent pas l'aumône, mais qu'elles réclament d'être traitées en acteurs responsables et non en simples exécutantes.

Monsieur le ministre, la France a besoin d'un État fort, d'un État qui assume ses décisions, ses responsabilités et qui respecte celles de ses partenaires, c'est-à-dire qui fasse confiance aux collectivités.

M. le président. Madame Gourault, veuillez conclure, s'il vous plaît !

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le ministre, les collectivités sont prêtes à participer à cet effort de maîtrise des dépenses publiques, mais dans le respect de deux principes : qu'elles soient confortées dans leur autonomie et leur capacité à gérer l'argent public, que l'effort soit équitablement réparti entre État et collectivités, chacun assumant ses responsabilités.

Ma question est donc simple, monsieur le ministre : croyez-vous que l'on puisse mettre en oeuvre concrètement ces principes ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur les travées du groupe socialiste. - M. François Autain applaudit également)

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 17/11/2006

Réponse apportée en séance publique le 16/11/2006

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame la sénatrice, nous entendons ce que vous venez de dire.

M. René-Pierre Signé. Vous l'entendez, mais vous n'en tenez pas compte !

M. Thierry Breton, ministre. Je voudrais rappeler certains chiffres, qui vous montreront l'effort du Gouvernement, même si l'on peut toujours s'améliorer, ce que nous souhaitons. La Conférence nationale des finances publiques nous a, à cet égard, donné l'occasion d'exposer nos propositions.

D'abord, je rappellerai que l'État, en 2007, consacrera plus de 80 milliards d'euros au soutien aux collectivités locales et au financement de la décentralisation. C'est le premier poste de l'État, devant l'éducation nationale, qui ne recevra que 60 milliards d'euros.

M. Yannick Bodin. M. Gilles de Robien nous a dit le contraire hier, en commission !

M. Thierry Breton, ministre. Je dirai ensuite que le projet de loi de finances pour 2007 fournira clairement l'illustration de cet effort de l'État en direction des collectivités locales : les dépenses de l'État en leur faveur augmenteront de 2,8 milliards d'euros, soit, mesdames, messieurs les sénateurs, une progression de 4,3 % par rapport à 2006.

M. Didier Boulaud. Cet État est impécunieux !

M. Thierry Breton, ministre. Cet effort se décompose en quatre éléments fondamentaux : en premier lieu, la reconduction de l'indexation du contrat de croissance et de solidarité, soit plus de 1 milliard d'euros ;...

M. René-Pierre Signé. On verra les résultats !

M. Thierry Breton, ministre. ...en deuxième lieu, un abondement du Fonds de compensation pour la TVA, soit 700 millions d'euros ; en troisième lieu, un abondement du fonds départemental de mobilisation au titre du financement du RMI, soit 500 millions d'euros ;...

M. Didier Boulaud. Allez !

M. Thierry Breton, ministre. ...enfin, en quatrième lieu, l'augmentation des compensations des exonérations et dégrèvements d'impôts locaux, soit plus de 700 millions d'euros.

M. René-Pierre Signé. Cela réduira l'autonomie financière des collectivités locales !

M. Didier Boulaud. D'où sortent-ils tout cela ?

M. Thierry Breton, ministre. Je souhaite que cette augmentation de l'effort de l'État en faveur des collectivités locales soit mesurée à sa juste valeur. Elle doit être comparée à l'évolution de la totalité des dépenses de l'État en 2007, qui n'est que de 2,2 milliards d'euros, puisque, comme vous le savez, nous pratiquons le « moins 1 % » en volume.

Par ailleurs, l'acte II de la décentralisation offre aux collectivités locales plus de garanties qu'elles n'en ont jamais eues. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. René-Pierre Signé. Et plus de charges !

M. Thierry Breton, ministre. On doit faire plus, certes, mais regardez ce qui est déjà mis en oeuvre. (Mme Catherine Tasca s'exclame.)

M. Didier Boulaud. Vous allez nous l'expliquer !

M. Thierry Breton, ministre. Nous avons inscrit dans la Constitution un article précisant que les transferts seraient compensés. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Nous avons accepté de placer l'évaluation de ces transferts sous le contrôle d'une commission impartiale, la Commission consultative d'évaluation des charges.

M. Yannick Bodin. Il a rencontré les maires !

M. René-Pierre Signé. Le congrès des maires a lieu la semaine prochaine !

M. Didier Boulaud. À la Porte de Versailles !

M. Thierry Breton, ministre. Enfin, nous avons compensé les transferts par le partage d'impôts nationaux.

Il s'agit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, ou TIPP, en faveur des régions, lesquelles ne se privent pas, comme vous le savez, d'augmenter les impôts locaux beaucoup plus que les départements, pour financer, notamment - il faut le dire - des dépenses de fonctionnement, dont certaines sont vraiment somptuaires ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Serge Lagauche. Oh, cela suffit !

M. Thierry Breton, ministre. Il s'agit également de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances, la TSCA, au profit des départements.

Oui, aujourd'hui dans le projet de loi de finances pour 2007, près de 800 millions d'euros sont inscrits au profit des départements, contre près de 1,4 milliard d'euros à celui des régions.

Je suis d'accord avec vous, madame Gourault, nous devons aller plus loin...

M. René-Pierre Signé. On ne vous en laissera pas le temps !

M. Thierry Breton, ministre. ...dans la clarification des relations financières. Telle est précisément l'ambition de la Conférence nationale et du Conseil d'orientation des finances publiques, au sein desquels nous pourrons tout nous dire, afin de poursuivre nos efforts déjà considérables. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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