Question de M. BOYER Jean (Haute-Loire - UC-UDF) publiée le 02/11/2006

M. Jean Boyer interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le manque de lisibilité résultant de la multiplication des exonérations pratiquées sur les quatre impôts directs locaux. Certes, l'État a mis en place des dispositifs de compensation pour chacune des exonérations mais les collectivités locales se trouvent le plus souvent confrontées à une véritable opacité quant à leur mode de calcul. Ainsi, il a été recensé au moins 10 exonérations : 5 pour la taxe professionnelle, 2 touchant la taxe foncière sur les propriétés bâties, 2 également pour la taxe foncière sur les propriétés non bâties et 1 pour la taxe d'habitation. En ce sens, l'association des maires de France, dans son numéro de janvier 2006, n'a-t-elle pas eu raison de rappeler avec énergie que : « D'aménagements en replâtrages, de dégrèvements en exonérations, le lien avec les contribuables locaux est de plus en plus ténu, l'État étant devenu le premier d'entre eux. Les bases des quatre taxes sont archaïques, injustes et inadaptées aux besoins des collectivités locales. » ? En effet, un exemple parmi d'autres : la loi n°90-669 du 30 juillet 1990 a posé notamment le principe d'une révision générale des évaluations cadastrales et renvoyé à une loi ultérieure le soin de déterminer la date d'entrée en vigueur de cette révision. En 2006 la rénovation des bases des impôts directs locaux est toujours en suspens. Il semble totalement indispensable que l'État, qui souhaite obtenir l'adhésion de l'ensemble des collectivités locales à l'Acte II de la décentralisation marquant leur autonomie financière - désormais garantie par la Constitution - clarifie sa position en matière d'exonération et de compensation des impôts locaux. Ainsi, il est indispensable que les mesures prises soient lisibles et qu'elles prévoient des mécanismes pour compenser intégralement et cela de manière pérenne. Il souhaite donc savoir quelles mesures pourraient ainsi être adoptées pour rassurer les élus locaux sur ce point, leur permettant de disposer d'une information claire et objective, afin de connaître précisément par type d'exonération la compensation allouée chaque année. La décentralisation ne se décrète pas, elle doit s'exprimer autour d'un rapport de confiance entre l'État et les collectivités locales.

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Réponse du Ministère délégué aux relations avec le Parlement publiée le 22/11/2006

Réponse apportée en séance publique le 21/11/2006

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 1156, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, on parle beaucoup d'autonomie des collectivités locales, mais, en la matière, il faut distinguer le « vouloir » et le « pouvoir ».

C'est pourquoi j'attire votre attention sur les interrogations nées de la multiplication des exonérations visant les quatre impôts directs locaux.

Certes, l'État a mis en place des dispositifs de compensation pour chacune de ces exonérations, mais les collectivités locales sont très souvent confrontées à l'opacité de leur mode de calcul.

Ainsi, ont été recensées une dizaine d'exonérations possibles : cinq pour la taxe professionnelle, deux pour la taxe foncière sur les propriétés bâties, deux également pour la taxe foncière sur les propriétés non bâties et une pour la taxe d'habitation.

Dès lors, l'Association des maires de France n'a-t-elle pas eu raison de rappeler avec une certaine énergie, dans le numéro de janvier 2006 de sa Lettre, que « d'aménagements en replâtrages, de dégrèvements en exonérations, le lien avec les contribuables locaux est de plus en plus ténu, l'État étant devenu le premier d'entre eux » ? L'auteur de l'article ajoutait à juste titre que les bases des quatre taxes étaient souvent injustes et inadaptées aux réalités et donc aux besoins des collectivités locales.

En effet, exemple parmi d'autres, la loi du 30 juillet 1990 relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux a posé notamment le principe d'une révision générale des évaluations cadastrales et renvoyé à une loi ultérieure le soin de déterminer la date d'entrée en vigueur de cette révision.

Nous sommes en 2006 et la révision des bases des impôts directs locaux est toujours en suspens. Certes, de nombreux gouvernements ont précédé celui auquel vous appartenez, monsieur le ministre, mais il semble vraiment indispensable que l'État, pour obtenir l'adhésion de l'ensemble des collectivités locales à l'acte II de la décentralisation marquant leur autonomie financière, désormais garantie par la Constitution, clarifie sa position sur les mécanismes de compensation des exonérations visant les impôts locaux.

Ainsi, il est essentiel que les mesures prises soient de nature à compenser intégralement et de manière pérenne le manque à gagner pour les collectivités locales.

Quelles mesures pourraient être adoptées pour rassurer les élus locaux sur ce point ? Ils ont besoin de disposer d'une information claire et objective, afin de connaître précisément, par type d'exonération, la compensation allouée chaque année. La décentralisation doit être transparente et apporter aux élus locaux les éléments nécessaires à l'établissement de leur budget.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, la multiplication des mécanismes d'exonérations compensées les rend parfois peu lisibles pour les élus et les contribuables locaux. Il en va de même des bases des impôts directs, toujours fixées par référence aux travaux de la révision de 1970.

S'agissant du vieillissement des bases, les travaux menés à la suite de la loi du 30 juillet 1990 ont mis en évidence que cette révision aboutissait à des transferts importants entre contribuables, dans des conditions inéquitables.

Si le principe d'une révision générale paraît aujourd'hui écarté, des pistes de travail sont à l'étude pour l'amélioration des outils de connaissance et de mise à jour de la matière imposable.

Dans ce contexte, les diverses exonérations, compensées par l'État, instituées au cours des dernières années ont pour objectif légitime de limiter la pression fiscale tout en préservant les ressources des collectivités locales.

Les élus bénéficient d'un dispositif complet d'information sur les modalités de calcul de ces compensations.

Premièrement, des commentaires sont apportés par les instructions de la direction générale des impôts, les circulaires de la direction générale des collectivités territoriales et sur le site Internet du ministère de l'économie.

Deuxièmement, le montant annuel de ces compensations et leurs modalités de calcul figurent sur les états de notification prévisionnels n°1259 communiqués chaque année aux collectivités.

Troisièmement, les élus locaux peuvent interroger les pôles de fiscalité directe locale de la direction générale de la comptabilité publique.

Enfin, monsieur le sénateur, je tiens à vous rassurer également sur l'autonomie financière des collectivités locales.

Les réformes successives ont conduit à de nombreux allégements et les compensations ont renforcé, c'est vrai, le poids de l'État dans la fiscalité directe locale. Toutefois, le Gouvernement a souhaité garantir aux collectivités territoriales le respect de leur autonomie financière. La maîtrise de leurs ressources est reconnue par l'article 72-2 de la Constitution, et la loi organique du 29 juillet 2004 garantit aux collectivités locales le maintien des ressources propres au niveau constaté au titre de 2003.

À cet égard, les allocations compensatrices ne s'analysent pas comme des ressources propres.

Les conclusions de l'audit demandé par le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État sur les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux viennent d'être mises en ligne sur le site du forum de la performance.

On y trouve un certain nombre de propositions, notamment la création d'un tableau de bord départemental permettant d'analyser les opérations de dégrèvements et de calculer le taux de recouvrement des indemnités compensatrices, l'investissement dans la dématérialisation, en particulier par la création d'un compte fiscal des collectivités, et, enfin, l'information des contribuables dont le montant d'impôt à payer devient nul.

Les suites de ces propositions seront discutées dans le cadre de la Conférence nationale des finances publiques.

L'amélioration de l'information doit ainsi permettre de mieux éclairer les choix politiques, de responsabiliser chaque collectivité et de rendre perceptible par le contribuable la politique d'allégement fiscal menée par l'État.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre - et ce n'est pas un merci convenu, c'est un merci vrai -, car vous avez été complet, précis et objectif.

Les élus sont des généralistes, et la technologie d'aujourd'hui, qui permet d'accéder à toutes les informations, n'a peut-être pas encore pénétré la France profonde. Mais j'ai beaucoup apprécié votre volonté de ne pas créer un fossé avec les collectivités locales et de leur donner toute la possibilité d'obtenir les éléments qui leur permettront d'établir leur budget.

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