Question de M. MUZEAU Roland (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 15/12/2006

Question posée en séance publique le 14/12/2006

M. Roland Muzeau. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Alors que le vote, le 8 novembre dernier, de la loi relative au secteur de l'énergie reposait principalement sur l'engagement du Gouvernement à maintenir les tarifs réglementés, l'avenir de ces derniers semble plus que jamais compromis en raison de la décision du Conseil constitutionnel du 30 novembre dernier.

M. Robert Hue. Très bien !

M. Roland Muzeau. Aux termes de cette décision, la France devrait accepter la suppression des tarifs réglementés, alors même que la loi relative au secteur de l'énergie n'aurait jamais été adoptée sans l'assurance de leur maintien. D'ailleurs, monsieur le ministre, sur les bancs de la majorité, cette décision du Conseil constitutionnel est largement contestée, puisque certains la qualifient même « d'ahurissante ».

Pourtant, le 7 décembre dernier, le Président de la République a promulgué cette loi, amputée de certaines dispositions de son article 17, qui concernaient les tarifs réglementés.

Nous estimons qu'il s'agit d'un véritable déni de démocratie, qui profitera non pas aux usagers, lesquels vont subir la forte hausse des tarifs du marché, mais aux actionnaires, qui se sont vu promettre un accroissement de leurs dividendes, comme le prouve d'ailleurs l'augmentation de 10 % du cours de l'action d'EDF après la décision du Conseil constitutionnel.

Monsieur le ministre, vous ne disposez plus, aujourd'hui du mandat nécessaire pour mettre ce texte en oeuvre, et c'est pourquoi nous vous demandons de suspendre tous les décrets d'application.

L'arrêt du Conseil constitutionnel est très contestable, et il apparaît comme une décision d'opportunité. Ainsi, pour supprimer les tarifs réglementés, cette juridiction avance comme unique argument qu'une entreprise privée ne peut subir d'obligations tarifaires imposées par la puissance publique.

A contrario, nous en déduisons que si le caractère d'entreprise nationale d'intérêt public de GDF était reconnu et réaffirmé, le maintien des tarifs réglementés aurait probablement été accepté !

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a décidé que la privatisation ne pourrait intervenir qu'au 1er juillet prochain, donc une fois passées les échéances électorales.

En conséquence, et au regard du caractère central des questions énergétiques pour notre pays, nous estimons qu'il appartiendra à la nouvelle majorité élue en 2007 d'engager - ou non - la privatisation de GDF.

Notre question est donc simple : alors qu'après la décision du Conseil constitutionnel l'État demeure responsable de GDF, comptez-vous, monsieur ministre, passer en force en acceptant la suppression des tarifs réglementés, et ce malgré les engagements que vous avez pris devant la représentation nationale ? Ou signifierez-vous à M. Cirelli, P-DG de GDF, qu'il doit mettre un terme à la procédure de fusion que vous n'avez plus la légitimité de mener ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 15/12/2006

Réponse apportée en séance publique le 14/12/2006

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Muzeau, je dois constater que ce ne sont vraiment pas les scrupules qui vous étouffent ! (Vives exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes mal placé pour dire cela !

Mme Hélène Luc. Vous êtes un provocateur !

M. René-Pierre Signé. Quel manque de respect !

M. Roland Courteau. Vous bafouez le Parlement !

M. Thierry Breton, ministre. À vous écouter, les bras m'en tombent ! Je voudrais tout de même rétablir la vérité.

Sur ce sujet, nous avons mené pendant trois semaines des débats républicains, qui ont été du reste d'une grande qualité, notamment à la Haute Assemblée, je tiens à le souligner, monsieur le président.

Conscients que le 1er juillet 2007 nous allions entrer dans un nouveau monde (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste), ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel nouveau monde ?

M. René-Pierre Signé. Il dit n'importe quoi !

M. Thierry Breton, ministre. ... comme l'avaient décidé en 2002, à Barcelone, M. Jospin et d'autres, à savoir l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence, ...

M. Paul Raoult. C'est faux, et vous le savez !

M. Thierry Breton, ministre. ... le Gouvernement et la majorité ont estimé qu'il était de leur devoir d'y préparer la France. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Or, pendant des jours, vous nous avez affirmé - et vous étiez sans doute de bonne foi - qu'il ne se passerait rien le 1er juillet 2007, que la Constitution de 1946 continuerait de s'appliquer au secteur de l'énergie, ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne répondez pas à la question !

M. Thierry Breton, ministre. ... et que celui-ci compterait encore des monopoles après cette date. Vous pensiez donc que nous ne pouvions privatiser une entreprise du secteur de l'énergie.

Mme Hélène Luc. On continue de le penser !

M. Thierry Breton, ministre. En conséquence, tout ce que vous proposiez aux Français, pour préparer notre pays à cette échéance, c'était de nationaliser EDF et GDF et de les fusionner.

Mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, vous avez souhaité déférer le texte qui a été voté par le Parlement au Conseil constitutionnel (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations prolongées sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste). C'est, d'ailleurs, votre droit !

M. Yves Coquelle. Restez calme, monsieur le ministre !

M. Thierry Breton, ministre. Qu'a décidé le Conseil constitutionnel ?

Il a souligné, premièrement, qu'au 1er juillet 200, nous entrerions dans un nouveau monde, que vous n'avez pas voulu voir, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition ; deuxièmement, que la Constitution de 1946 et la loi de 1948 ne s'appliquaient plus au secteur de l'énergie ; troisièmement, qu'il fallait donc considérer qu'il n'y avait plus de monopole dans ce secteur ; ...

Mme Hélène Luc. Répondez sur la question des tarifs !

M. Thierry Breton, ministre. ... quatrièmement, ...

M. René-Pierre Signé. Vous êtes viré !

M. Thierry Breton, ministre. ... que Gaz de France était donc privatisable. Cinquièmement - j'allais oublier ce point -, pour faire en sorte que la France entre progressivement dans ce régime de concurrence, le Parlement et le Gouvernement ont voulu que les tarifs réglementés soient préservés, ce qui a été voté par la majorité ...

M. Paul Raoult. Et par le marché !

M. Thierry Breton, ministre. ... mais pas par l'opposition ! (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Paul Raoult. Les prix ont augmenté de 80 % !

M. Thierry Breton, ministre. Or, contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur Muzeau, le Conseil constitutionnel a décidé que les tarifs réglementés continueraient à s'appliquer, après le 1er juillet 2007, à tous les Français qui en bénéficient, à la seule exception, toutefois, de ceux qui déménageront après cette date, et ce en raison de votre saisine ! (Protestations continues sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau. Ce n'est pas vrai !

M. Thierry Breton, ministre. Les 90 000 Français qui déménageront ne pourront plus bénéficier des tarifs réglementés, dont il est faux, monsieur Muzeau, d'affirmer qu'ils disparaîtront. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.) Grâce à la loi qui a été votée courageusement par la majorité, ces tarifs seront maintenus pour la plupart des Français !

M. Paul Raoult. Les électeurs s'en souviendront !

M. Thierry Breton, ministre. Enfin, Gaz de France peut désormais compter sur un cadre réglementaire adapté, qui lui permettra de mener à bien son projet et de se préparer, avec le partenaire de son choix, à la nouvelle donne. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Vives exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) )

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