Question de Mme VOYNET Dominique (Seine-Saint-Denis - SOC-R) publiée le 15/12/2006

Question posée en séance publique le 14/12/2006

Mme Dominique Voynet. Ma question s'adressait à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, mais il n'est pas parmi nous ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau. Il n'est jamais là !

M. René-Pierre Signé. Il n'aime pas le Sénat !

M. Jean-Pierre Sueur. Il ne vient jamais au Sénat, ce n'est pas normal !

Mme Dominique Voynet. Monsieur le ministre, nous ne partageons pas votre point de vue sur la question de la migration. Vous la traitez comme une menace, alors que j'y vois une chance non seulement pour notre vieille Europe, où le rapport entre actifs et inactifs ne cesse de se dégrader, mais aussi pour les pays d'origine des migrants, au développement desquels ceux-ci contribuent activement.

C'est sur l'efficacité de votre politique au regard non pas de mes voeux mais de vos ambitions affichées que je veux vous interroger.

Vous vous vantez d'avoir intensifié les reconduites à la frontière. Elles concerneront, en effet, 24 000 personnes au 31 décembre prochain, en incluant des enfants nés et scolarisés en France qui ne parlent que le français, des touristes munis de leur billet de retour mais qui ont dépassé de quelques jours le délai fixé par leur visa, et un malheureux étudiant boursier qui a égaré son titre de séjour !

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Et alors ?

Mme Dominique Voynet. Est-ce efficace ? Je ne le crois pas.

M. Yvon Collin. Très bien !

Mme Dominique Voynet. Ce résultat n'a pu être atteint que parce que vous avez demandé aux préfets de faire du chiffre - ils ont mobilisé à cette fin l'essentiel des forces de police - ; il reste d'ailleurs dérisoire par rapport à la réalité des migrations. Selon vos propres données, entre 200 000 et 400 000 personnes résideraient de façon irrégulière en France, et de 80 000 à 100 000 individus rentreraient dans notre pays chaque année.

Si ces chiffres sont justes, c'est un constat d'échec qu'il faut dresser, qui incite à remettre en cause cette politique, non à l'intensifier.

M. Roland Courteau. Oui, toute la politique de Sarkozy !

Mme Dominique Voynet. Cette politique inefficace est-elle au moins « juste et humaine » ? Je ne le pense pas non plus. Vous dites avoir réglé le problème. C'est faux !

J'étais hier à Calais. Les associations que vous avez refusé de recevoir servent de 300 à 500 repas par jour et elles sont très loin de répondre aux besoins.

Les migrants - des hommes jeunes pour la plupart - viennent d'Afghanistan, d'Iraq, du Pakistan, de l'Érythrée, du Soudan. Vos services les connaissent bien : ils dorment dehors, sous des huttes de branches et de toile, sans eau, sans douche, sans toilettes, parce que, s'il y avait des toilettes, cela ferait un « appel d'air » pour l'immigration !

Parmi eux, se trouvent des femmes enceintes, des enfants, des malades, des blessés. On contrôle leur identité, on relève leurs empreintes, on les emmène en centre de rétention, on les relâche... et on recommence le lendemain ! C'est inhumain. C'est aussi très inefficace, car des centaines de fonctionnaires de police et de gendarmerie y consacrent leurs jours et leurs nuits.

Je m'intéresserai, pour conclure, à l'efficacité de la dépense publique engagée.

Vous avez consacré des moyens considérables à l'expulsion de la famille Raba, d'origine kosovare, entrée en 2000 et déboutée du droit d'asile.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. La question !

M. Alain Gournac. C'est long !

M. René-Pierre Signé. C'est une candidate !

Mme Dominique Voynet. Quel feuilleton, monsieur le ministre délégué : mobilisation de dizaines de fonctionnaires de police pendant des semaines à Gray, à Lyon, à Paris, à Toulouse, affrètement d'avions spéciaux, convois routiers de haute sécurité !

M. le président. Posez votre question, madame la sénatrice !

Mme Dominique Voynet. S'agit-il de grand banditisme, de terrorisme ? Non, ce sont de simples sans papiers, deux parents et trois jeunes enfants !

M. Alain Gournac. Démagogie !

Mme Dominique Voynet. J'attends vos explications, monsieur le ministre. Ne me répondez pas dire qu'il y aurait, d'un côté, des gens simples et bons, qui connaissent la réalité, et, de l'autre, de beaux esprits bien pensants, qui font de l'idéologie en mélangeant angélisme et irresponsabilité !

Monsieur le ministre, les bénévoles qui préparent et servent des repas à Calais, tous les jours, midi et soir, depuis quatre ans, sous le soleil ou dans le froid, sauvent l'honneur : le vôtre et le mien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du Ministère délégué à l'aménagement du territoire publiée le 15/12/2006

Réponse apportée en séance publique le 14/12/2006

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Madame la sénatrice, le choix que Nicolas Sarkozy et moi-même...

M. Yannick Bodin. Vous avez des nouvelles du ministre de l'intérieur ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... avons fait en matière d'immigration était fondé sur une idée simple et juste : nous avons tout simplement veillé à ce que, au cas par cas, les services des préfectures traitent les situations individuellement, en fonction de leurs aspects humanitaires. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Alain Gournac. Tout à fait !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est raté !

Mme Hélène Luc. Ils disent qu'ils ont eu des ordres de Nicolas Sarkozy !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dans ce cadre, nous avons reçu 33 538 demandes de régularisation, notamment celle de la famille serbe...

M. Didier Boulaud. Kosovare !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... à laquelle vous faites allusion.

Je vous précise qu'à plusieurs reprises ce couple a demandé asile. Au terme d'un examen individuel approfondi, l'OFPRA et la Commission des recours des réfugiés, qui est une juridiction indépendante, ont estimé que la famille ne courait pas de risque au Kosovo et qu'elle ne devait donc pas bénéficier du statut de réfugié. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

L'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière a été confirmé par le tribunal administratif de Besançon ; les autorités de l'ONU au Kosovo ont délivré le laissez-passer et ont fait savoir que le retour de la famille n'exposait celle-ci à aucun danger particulier.

M. Yannick Bodin. C'est cela !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Voynet, sur 33 538 demandes, près de 6 500 régularisations ont été accordées à titre humanitaire.

M. Yannick Bodin. Non, a priori !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je salue le travail exceptionnel qu'ont accompli les agents de l'État dans nos préfectures tant dans l'examen individuel des dossiers que dans l'écoute des arguments qui ont été avancés par un certain nombre de ces familles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur. C'est faux !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je le répète : 24 000 expulsions auront lieu d'ici à la fin de l'année, soit parce que les individus concernés ont un lien avec leur pays d'origine, soit parce qu'ils ont fait une demande d'asile dans un autre pays de l'Union européenne, conformément à nos accords.

L'année prochaine, nous passerons de 24 000 à 28 000 expulsions.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment le savez-vous à l'avance ?

Mme Hélène Luc. Il faut examiner les demandes au cas par cas !

M. Roland Courteau. Vous ne serez plus là !

M. René-Pierre Signé. Vous serez en exil !

MM. Didier Boulaud et Jean-Pierre Sueur. Bon voyage !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Voynet, le gouvernement auquel vous apparteniez en 1997 a régularisé 87 000 clandestins, contre 22 000 auparavant.

Pour la première fois, en 2005, le nombre de titres de séjour a baissé de près de 3 %. Le nombre de demandeurs d'asile a chuté de 10 % l'an dernier et de 35 % en 2006.

Nous avons deux visions différentes.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est sûr !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Face à l'immigration subie en faveur de laquelle vous avez généré un véritable appel d'air,...

M. Roland Courteau. C'est faux !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'immigration est stable depuis des années !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...nous avons décidé de nous inscrire dans une politique d'immigration choisie, parce que nous considérons que seuls ceux qui adhèrent au pacte républicain, aux droits et devoirs de notre pays peuvent être accueillis !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est notre choix et c'est, aujourd'hui, la politique que nous avons décidé de mener.

Si, en tant que ministre de l'écologie, madame Voynet, vous aviez autant lutté contre les émissions de gaz à effet de serre (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE)...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...et obtenu autant de résultats que Nicolas Sarkozy et moi-même en avons eus dans le domaine de l'immigration, la France n'en serait pas là où elle en est aujourd'hui ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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