Question de Mme CERISIER-ben GUIGA Monique (Français établis hors de France - SOC) publiée le 14/12/2006

Mme Monique Cerisier-ben Guiga appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les retards de délivrance des certificats de nationalité française aux Français établis hors de France. Le tribunal d'instance de Paris enregistre de nombreux mois de retard dans le traitement du courrier de demandes de CNF. Deux raisons à cela : d'une part, l'afflux des demandes (passées de 10 000 en 2005 à 28 000 en 2006, soit une augmentation de 160 % des demandes) ; d'autre part, un manque de personnel d'autant plus alarmant que, depuis juin 2005, les consulats n'ont plus la tâche d'aider les demandeurs à constituer leur dossier. Le travail des greffiers en est considérablement alourdi. Désormais, au moins dix mois d'attente sont nécessaires avant de recevoir un accusé de réception du tribunal d'instance confirmant qu'un dossier est bien parvenu à ses services. Pour le traitement du dossier, et selon sa complexité, c'est-à-dire la nécessité de vérifier ou non les pièces qui le composent, le délai d'attente atteint environ un an et peut se porter à deux ans. Cette thrombose d'un service administratif n'est pas une fatalité. Le ministère des affaires étrangères a su régler le problème pour le service central de l'état civil à Nantes et le ministère des affaires sociales a beaucoup progressé à la sous-direction des naturalisations. Elle lui demande que le système de délivrance des certificats de nationalité française des Français établis à l'étranger soit modernisé et que les moyens humains et matériels soient enfin dégagés pour que l'Etat cesse d'infliger aux Français nés et établis à l'étranger un préjudice aussi grave que celui d'être dans l'impossibilité de prouver sa nationalité.

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Réponse du Ministère délégué au budget et à la réforme de l'État, porte parole du Gouvernement publiée le 17/01/2007

Réponse apportée en séance publique le 16/01/2007

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, auteur de la question n° 1191, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je souhaite appeler l'attention de M. le garde des sceaux sur les très graves retards de délivrance des certificats de nationalité française aux Français établis hors de France.

En certaines circonstances importantes, l'État français exige la production de ces certificats de nationalité française, en particulier des Français nés et résidant à l'étranger, mais il est incapable de les fournir à ces derniers dans des délais inférieurs à deux ou trois ans.

On avait annoncé, en 2004, que le regroupement à Paris de la compétence en matière de délivrance des certificats de nationalité aux Français résidant à l'étranger améliorerait la situation ; or elle s'est au contraire dégradée !

On enregistre de nombreux mois de retard dans le traitement du courrier par le tribunal d'instance du Ier arrondissement de Paris, pour deux raisons : d'une part, l'afflux des demandes, leur nombre étant passé de 10 000 en 2005 à 28 000 en 2006, soit une augmentation de 160 % ; d'autre part, le manque de personnel, d'autant plus alarmant que, depuis juin 2005, les consulats n'aident plus les demandeurs à constituer leur dossier, le travail des greffiers s'en trouvant considérablement alourdi.

Désormais, au moins dix mois d'attente sont nécessaires avant de recevoir un accusé de réception dudit tribunal d'instance attestant que le dossier est bien parvenu à ses services. Ensuite, selon la complexité du dossier, le délai de traitement atteint un an, deux ans, voire trois ans, soit un total de trois à quatre ans d'attente pour obtenir le certificat de nationalité française, dont la production est nécessaire pour demander une carte nationale d'identité, liquider une retraite ou s'inscrire à un concours de recrutement de la fonction publique.

J'affirme qu'une telle « thrombose » n'est pas une fatalité. D'autres ministères donnent l'exemple à cet égard : ainsi, le ministère des affaires étrangères a bien résolu le problème pour le service central de l'état civil à Nantes ; le ministère chargé de la cohésion sociale, quant à lui, a beaucoup progressé s'agissant du fonctionnement de la sous-direction des naturalisations.

Je demande donc que le système de délivrance des certificats de nationalité française aux Français établis à l'étranger soit modernisé, qu'il soit, si possible, installé à Nantes et que des moyens humains et matériels suffisants soient enfin dégagés pour que l'État cesse d'infliger aux Français de l'étranger un préjudice très grave en ne leur permettant pas d'obtenir dans des délais raisonnables la preuve de leur nationalité, qu'il exige pourtant d'eux.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Madame la sénatrice, je voudrais tout d'abord vous prier d'excuser l'absence de M. Pascal Clément, qui, empêché, m'a demandé de vous répondre en son nom.

Vous avez souhaité l'interroger sur la longueur des délais de délivrance des certificats de nationalité française aux Français établis hors de France. Pour avoir eu récemment l'occasion d'en parler avec vous, je sais que ce sujet vous tient à coeur.

J'avais alors déploré le travers bien français consistant à voir le verre à moitié vide plutôt qu'à moitié plein ! En effet, nous venons tout de même de loin en matière de délivrance des certificats de nationalité - documents qui peuvent certes être indispensables -, puisque ce n'est que depuis un décret du 13 mai 2005 que le traitement des demandes est centralisé à Paris. Il s'agissait de simplifier les démarches administratives, par un regroupement de l'accomplissement de cette tâche au sein d'une seule juridiction, et d'unifier la jurisprudence, pour éviter que des cas identiques ne fassent l'objet de réponses différentes à Bordeaux et à Marseille.

Je tiens à souligner que le regroupement à Paris des moyens affectés à la délivrance des certificats de nationalité s'était accompagné d'un transfert de moyens humains : cinq fonctionnaires ont ainsi été affectés au tribunal d'instance du Ier arrondissement de Paris.

En outre, tous les postes de greffier et de fonctionnaire de catégorie C sont actuellement pourvus. L'emploi de greffier en chef, qui était vacant, sera pourvu dans les toutes prochaines semaines, à compter du 5 mars 2007.

Plusieurs objectifs de la réforme sont d'ores et déjà atteints, grâce au recours à des fonctionnaires spécialisés. Cependant, un effort accru doit être fourni pour améliorer le délai de traitement des demandes, qui n'est toujours pas satisfaisant.

Le ministre de la justice a donc décidé de faire procéder à une expertise approfondie de la situation, pour déterminer les points de blocage. Dans le cas où cette expertise établirait l'existence d'un déficit de fonctionnaires, M. Pascal Clément, à qui j'en ai parlé personnellement, s'est engagé à prendre toutes les dispositions utiles pour y remédier. Je lui ai indiqué que je veillerais, en tant que ministre délégué au budget, à ce qu'il ne rencontre pas d'obstacles financiers dans cette démarche.

Le Gouvernement se félicite de la réforme du processus de délivrance des certificats de nationalité et va continuer à adapter le service rendu à nos concitoyens résidant à l'étranger. Nous y sommes très attachés, et je suis certain que vous approuverez le Gouvernement sur ce sujet, même si, par ailleurs, nous ne partageons pas toujours les mêmes idées.

L'ensemble des sénateurs représentant les Français établis hors de France seront tenus informés de l'évolution de la situation, car je sais que vos collègues siégeant au sein du groupe de l'UMP sont également très attentifs à cette question.

J'espère vous avoir montré que, à défaut d'être réglé, le problème que vous avez soulevé est en voie de l'être. Le Gouvernement est mobilisé pour trouver les voies d'une solution alliant sagesse et efficacité.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Cependant, j'estime que l'on n'a pas encore pris la mesure du problème, qui a changé non pas seulement d'échelle, mais aussi de nature.

Il faut, d'une part, cesser de demander d'une façon injustifiée la production d'un certificat de nationalité, et, d'autre part, modifier le mode de délivrance de celui-ci.

À cet égard, centraliser en un seul lieu le traitement d'une tâche qui était auparavant réparti entre quatre tribunaux ne changera pas vraiment les choses. Pour ma part, je demande la création et l'implantation à Nantes d'un service central de la nationalité des Français nés et résidant à l'étranger, afin de permettre à tous les intervenants de collaborer efficacement : les services du procureur de la République de Nantes compétents en matière d'état civil pour les Français de l'étranger, le service d'état civil des Français à l'étranger du ministère des affaires étrangères et les services de la sous-direction des naturalisations, installés à Rezé.

En matière de nationalité, nous devons disposer d'un service centralisé doté d'archives informatisées et relié électroniquement aux autres services concernés par la preuve de la nationalité, que je viens de mentionner.

Si la trace de tous les certificats de nationalité délivrés et des pièces fournies à cette occasion était gardée, les possibilités aujourd'hui offertes par l'informatique rendraient inutile de produire, à quelques mois d'intervalle, les mêmes pièces d'état civil pour constituer les dossiers des différents membres d'une même famille.

Il faut donc donner au ministère de la justice les moyens de l'efficacité. Le contribuable doit cesser de financer ces formalités totalement improductives, qui ne font qu'engendrer, pour le citoyen, des tracasseries inacceptables. Ce dernier paie des contributions pour recevoir un service, non pour être persécuté.

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