Question de M. VERA Bernard (Essonne - CRC) publiée le 28/12/2006

M. Bernard Vera souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le projet de décret modifiant les décrets n° 50-581, 50-582 et 50-583 relatifs aux obligations de services du personnel enseignant du second degré et les décrets relatifs à leurs statuts particuliers.

Ce texte introduit l'obligation d'effectuer un complément de service dans un ou deux autres établissements publics de la même commune voire d'une ou deux autres communes. Il prive ainsi les professeurs d'EPS (éducation physique et sportive) des moyens de s'impliquer pleinement dans une équipe et d'y élaborer des projets d'enseignement.

Il laisse en outre, la possibilité d'effectuer ce complément dans une autre discipline. Or, sans qualification avérée, les professeurs d'EPS peuvent difficilement, en dispensant quelques heures de mathématiques ou de français, incarner un véritable gage de réussite pour les élèves. A l'inverse, la possibilité pour un autre professeur d'enseigner l'EPS sans garantie de la formation, des aptitudes physiques spécifiques requises par les différentes disciplines sportives ainsi que des qualifications en sauvetage et en secourisme, constitue une véritable menace pour la sécurité et la formation des jeunes.

En laissant enfin, à l'appréciation du chef d'établissement le forfait de trois heures d'association sportive, il pourrait également signifier la disparition progressive de ces associations. Cette dernière mesure, rappelle-t-il, intervient au moment même où la baisse des dotations horaires est susceptible de confronter les académies et les établissements à des choix difficiles.

Alors même que la réduction drastique des effectifs entamée il y a deux ans entraîne une dégradation des conditions d'enseignement de l'éducation physique et sportive, les mesures introduites par ce texte ne font qu'aggraver cette situation. Ce projet a suscité une très vive émotion et une très forte mobilisation chez l'ensemble des enseignants en EPS qui y voient une véritable dénaturation de leur métier.

En conséquence, il lui demande s'il entend renoncer à ces mesures qui mettent en danger l'avenir du service public de l'enseignement et rechercher, en concertation avec les enseignants et leurs organisations syndicales, les solutions nécessaires à l'amélioration de leurs conditions d'exercice et du fonctionnement des établissements.

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Réponse du Ministère délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche publiée le 31/01/2007

Réponse apportée en séance publique le 30/01/2007

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la question n° 1213, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Bernard Vera. Le projet de décret modifiant les décrets relatifs aux obligations de service du personnel enseignant du second degré et les décrets relatifs à leurs statuts particuliers intervient alors même que la réduction drastique des effectifs, entamée il y a deux ans, entraîne une dégradation alarmante des conditions d'enseignement, en particulier pour l'éducation physique et sportive, l'EPS.

Motivée avant tout par des raisons d'économie budgétaire, cette réforme qui vise à banaliser l'affectation des professeurs sur trois établissements, à imposer la bivalence et à réduire les moyens des associations sportives, va inévitablement fragiliser l'enseignement de l'EPS.

Les règles de compléments de service dans un autre établissement, collège ou lycée de la même commune ou d'une autre commune, sans restriction de distance ni financement supplémentaire, ne feront que priver les professeurs d'éducation physique et sportive des moyens de s'impliquer pleinement dans une équipe et d'y élaborer des projets d'enseignement, ainsi que des moyens de suivre l'évolution de leurs élèves d'une année à l'autre.

La possibilité, pour ne pas dire l'obligation, qu'un professeur d'EPS effectue le complément de service dans une autre discipline ou, à l'inverse, qu'un enseignant d'une autre matière enseigne l'EPS, sans qualification avérée, n'est pas plus rassurante.

Il me paraît en effet difficile, pour un professeur d'éducation physique et sportive, enseignant quelques heures de mathématiques ou de français, d'incarner un véritable gage de réussite pour les élèves. De même, que faudrait-il penser de la possibilité pour un autre professeur d'enseigner l'EPS sans garantie de formation ? La qualification STAPS ainsi que les qualifications en sauvetage et en secourisme sont en effet requises pour l'enseignement de l'éducation physique et sportive.

En outre, vous conditionnez le principe du forfait de trois heures consacrées à une association sportive au fonctionnement même de cette association et vous le laissez à l'appréciation du chef d'établissement. Vous le savez bien, cela pose inévitablement la question de la fragilisation de ces associations sportives et celle du risque de leur disparition progressive.

Je dois noter que cette dernière mesure intervient au moment même où la baisse des dotations horaires est susceptible de confronter les académies et les établissements à des choix complexes.

Il me paraît donc important de rappeler ici le rôle essentiel joué par l'enseignement de l'éducation physique et sportive, en particulier par les associations sportives, dans la formation fondamentale des élèves, notamment des jeunes filles, y compris dans les zones rurales et dans les zones difficiles.

C'est un lieu d'apprentissage du vivre ensemble, de la découverte et du respect de l'autre. Il permet à un million de collégiens et de lycéens de s'épanouir en pratiquant volontairement des activités physiques et de participer à des rencontres.

Il me semble essentiel, dans ces conditions, de renoncer à ces réformes et de rechercher, en concertation avec les enseignants et leurs organisations syndicales, les possibilités d'améliorer non seulement les conditions d'exercice du métier d'enseignant, mais également les modalités de fonctionnement des établissements.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur Vera, je vous prie d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. de Robien, qui m'a chargé de vous répondre en son nom.

Non, monsieur le sénateur, la lecture que vous faites de ce projet de décret n'est pas conforme à la réalité ! Il n'est en aucun cas question de remettre en cause les missions, les services ou les qualifications des enseignants d'éducation physique et sportive. Il n'est pas plus question d'obliger tous les enseignants à effectuer des services partagés entre plusieurs établissements, alors même que cela n'est pas nécessaire.

Ce projet de décret énonce au contraire plusieurs garanties, qui sont clarifiées et simplifiées par rapport à celles qui figurent dans des textes remontant à 1950.

S'agissant d'abord du complément de service effectué par des professeurs dans un autre établissement, ce qui est souvent le cas, vous le savez, dans des collèges ou des lycées de petite taille en milieu rural, le projet de décret permet la reconnaissance d'une réduction de service et d'un complément de salaire.

S'agissant ensuite plus particulièrement des professeurs d'EPS, le décret confirme que trois heures hebdomadaires sont consacrées à l'animation et à l'entraînement sportifs, conformément aux statuts de ces enseignants. En outre, ce texte apporte à ces professeurs une reconnaissance professionnelle et éducative, qui était absente des décrets de 1950. Il consacre l'importance du sport, dont les vertus sont définies et rappelées dans le socle commun des connaissances et des compétences.

S'agissant enfin, monsieur le sénateur, de la possibilité pour un professeur de compléter son service dans une autre discipline, celle-ci est bien inscrite dans ce projet de décret. Mais, cela va de soi, cette possibilité est impérativement liée à la nécessité de maîtriser les compétences nécessaires à l'enseignement d'une autre discipline. Compte tenu de la spécificité de l'éducation physique et sportive, il est obligatoire que le professeur volontaire soit titulaire des diplômes et des titres exigés pour cet enseignement, en particulier dans le domaine du secourisme et de l'aptitude au sauvetage aquatique.

Pour terminer, je vous précise que la possibilité d'enseigner dans deux disciplines, autrement dit la « bivalence », connaît un succès croissant chez les futurs professeurs. Ils étaient un peu plus de 7 500 à la session 2006 des CAPES à se porter candidat à une mention complémentaire conduisant à cette bivalence. Ils sont 8 500 à la session 2007. C'est la preuve, s'il en fallait une, que, contrairement à ce que vous déclarez, les professeurs ne se sentent pas en danger, mais se considèrent comme partie prenante d'un service public que le sens de l'innovation rend encore plus attractif, surtout lorsqu'il est au service de la réussite des élèves.

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, que j'ai écoutée avec beaucoup d'attention.

Certes, la reconnaissance du forfait de trois heures consacrées à l'animation des associations sportives est un élément positif : si cela n'apparaissait effectivement pas dans les décrets précédents, depuis vingt ans, force est de reconnaître que la mobilisation des enseignants a permis l'existence d'un tel forfait.

M. François Goulard, ministre délégué. Le voilà aujourd'hui reconnu !

M. Bernard Vera. Cela étant, ce projet de décret prévoit deux restrictions importantes.

Premièrement, la notion de forfait est précisément supprimée, ce qui ne la rend plus du tout automatique. Deuxièmement, la fixation de ces heures sera à la disposition du chef d'établissement. Dès lors, chacun le sait, avec la pression imposée par la dotation horaire globale, le risque sera grand qu'un tel choix se fasse au détriment des associations sportives, ce qui, à mes yeux, n'est pas acceptable.

Par ailleurs, je vous précise que mon interprétation de ce projet de décret, que vous semblez remettre en cause, est également celle de nombre de membres du corps enseignant en éducation physique et sportive. Vous avez fait le choix le 18 décembre 2006, puis le 20 janvier dernier, de ne pas tenir compte de l'inquiétude et de la colère qu'ont massivement exprimées les enseignants.

Vous en rajoutez même avec l'annonce de la suppression de 6 000 postes, toutes disciplines confondues, à la prochaine rentrée scolaire. C'est un chiffre plus élevé encore que celui qui est inscrit au budget pour 2007, ce qui n'est pas fait pour rassurer. En tant qu'élu du département de l'Essonne, vous comprendrez que la suppression de 500 postes dans la seule académie de Versailles me concerne tout particulièrement. Cette surenchère est une véritable provocation.

Monsieur le ministre, le 8 février prochain, les enseignants d'éducation physique et sportive, avec l'ensemble de leurs collègues, seront de nouveau dans la rue. Je serai bien entendu à leur côté pour soutenir ce que j'estime être une juste revendication. J'espère qu'à cette occasion ils seront enfin entendus.

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