Question de M. MÉLENCHON Jean-Luc (Essonne - SOC) publiée le 26/01/2007

Question posée en séance publique le 25/01/2007

M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, mes chers collègues, notre question, au départ, s'adressait à M. le ministre de l'intérieur, mais, comme il n'est pas là, selon son habitude,...

Mme Hélène Luc. Il n'est jamais là ! Il n'est plus là ! Il fait sa campagne électorale !

M. Jean-Luc Mélenchon. ... c'est au Premier ministre que je m'adresse, au nom du groupe socialiste, au Premier ministre comme garant, dans un moment particulièrement sensible de la vie démocratique de notre patrie, l'élection présidentielle, de l'usage, du bon usage, honnête et impartial, des moyens de l'État.

M. Rémy Pointereau. Comment a fait Jospin, quand il était candidat ?

M. Jean-Luc Mélenchon. J'ai eu l'honneur, monsieur le Premier ministre, d'être membre d'un gouvernement dont le chef, Lionel Jospin, avait donné des consignes extrêmement rigoureuses (Commentaires ironiques sur les travées de l'UMP.), qui furent appliquées d'une manière extrêmement sourcilleuse en ce qui concerne l'utilisation des moyens de l'État pendant la campagne présidentielle. (Rires sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela les fait rire, à droite ! Ils ont tort !

M. Jean-Luc Mélenchon. Nous sommes nombreux à penser que cette utilisation, aujourd'hui, n'est pas impartiale. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Peut-être, nous trompons-nous. Alors, vous le démentirez avec des arguments.

Nous avons le sentiment que ces moyens sont utilisés pour la campagne par le ministre de l'intérieur, qui est, par ailleurs, candidat à l'élection présidentielle.

M. Rémy Pointereau. Et Jospin ?

M. Jean-Luc Mélenchon. Cela seul suffirait pour que nous vous posions la question ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Jean-Luc Mélenchon. ... de savoir quelles dispositions, quelles consignes vous avez données afin que, dorénavant, les choses se passent différemment et de manière plus respectueuse de l'impartialité à laquelle nous avons droit.

Mais, depuis hier, il y a plus grave, car le ministre de l'intérieur fait l'objet d'une accusation, de la part de deux journaux au moins, celle d'avoir utilisé les moyens d'État et les moyens de police pour enquêter sur la vie d'un conseiller de notre candidate à l'élection présidentielle. (Vives protestations sur certaines travées de l'UMP.)

Naturellement, notre groupe est, en toutes circonstances, attaché à la présomption d'innocence et il n'accuse pas. Il vous donne le moyen de vous défendre et de nous dire publiquement que, non, il n'y a pas eu d'enquête, qu'elle n'a pas été demandée par un conseiller et que, quoique n'ayant pas été demandée par un conseiller, si, par hasard, elle avait eu lieu, le rapport ne serait pas remonté au ministre, ni au conseiller qui ne le lui aurait pas demandé !

Nous attendons que vous nous disiez que, si enquête il y a eu, elle s'est, en toute hypothèse, déroulée dans des conditions respectueuses du droit à la vie privée de chaque citoyen dans ce pays, un droit qui veut que, pour avoir connaissance du contenu d'un jugement de divorce, lequel est prononcé par une juridiction civile, il faut des moyens légaux particuliers, qu'il ne suffit pas de les exiger pour les obtenir, car ces jugements se font à huis clos.

Or, s'il est reconnu que de telles informations ont été données, c'est qu'on se les est procurées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Charles Revet. La question !

M. Jean-Luc Mélenchon. Pouvez-vous nous garantir qu'on se les est procurées dans des conditions respectueuses de la loi et des droits de M. Rebelle ?

M. Roland Muzeau. Mais non !

M. Jean-Luc Mélenchon. Au total, voilà ce que nous avons à vous demander, à vous, monsieur le Premier ministre, parce que nous pensons que vous êtes peut-être en situation, vous, spécialement, de garantir une certaine impartialité. (Sourires sur les travées du groupe socialiste. -Protestations sur les travées de l'UMP.)

Car si l'on ne fait plus confiance aux institutions de son pays, où va-t-on ? (Protestations renouvelées sur les travées de l'UMP.) Que vous le vouliez ou non, c'est la règle, mes amis : c'est le Premier ministre qui est le garant de ces moyens, et pas le ministre...

M. le président. Monsieur Mélenchon, veuillez poser votre question !

M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, je suis dans ma question : j'explique pourquoi elle s'adresse au Premier ministre en particulier.

M. le président. Nous l'avons compris, veuillez maintenant aller au bout de votre propos.

M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, je vais achever. J'espère simplement que tout le monde a bien compris ma question. (Oui ! sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Je voulais souligner que c'était au Premier ministre de nous répondre. En effet, si cette affaire est avérée, vous n'y pouvez rien, c'est une affaire d'État, car nous ne sommes pas dans un pays où le ministre de l'intérieur, fût-il candidat, peut enquêter sur la vie privée des gens qui participent à une campagne électorale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Nous avons certainement en perspective une campagne rude.

M. le président. Monsieur Mélenchon, vous avez largement dépassé votre temps de parole !

M. Jean-Luc Mélenchon. C'est ma phrase de fin ! Monsieur le président, ne dérogez pas à votre mansuétude ordinaire !

M. le président. Monsieur Mélenchon, veuillez terminer !

M. Jean-Luc Mélenchon. Que nous ayons droit à une campagne peut-être rude, soit, car c'est dans nos habitudes de Gaulois, mais nous voulons une campagne propre et nous vous demandons de nous en répondre ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du Ministère délégué aux collectivités territoriales publiée le 26/01/2007

Réponse apportée en séance publique le 25/01/2007

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Mélenchon, permettez-moi d'emblée de regretter la confusion et l'amalgame. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Vous êtes juge et partie !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. M. le Premier ministre a en effet adressé, dès le début du mois de janvier, une circulaire à chacun des membres du Gouvernement rappelant les règles républicaines, au respect desquelles nous devons naturellement veiller avec le plus grand soin.

M. Jacques Mahéas. Qu'est-ce que ce serait sans la circulaire...

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je vous remercie, monsieur Mélenchon, d'avoir cité Lionel Jospin qui, bien que candidat, est resté à son poste, jusqu'à la dernière seconde de la dernière minute de la dernière heure du dernier jour ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. David Assouline. Il n'était pas ministre de l'intérieur !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Alors, je vous le dis - je veux être très clair devant vous, monsieur Mélenchon - le ministre d'État, Nicolas Sarkozy, n'a jamais demandé une enquête des renseignements généraux sur qui que ce soit et où que ce soit.

M. Jacques Mahéas. Son cabinet non plus ?

M. François Marc. Alors, c'est le hasard !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Cela ne s'inscrit ni dans son comportement, ni dans son tempérament, ni dans ses méthodes. (Exclamations dubitatives sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jacques Mahéas. Saint Nicolas !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Et je vous le prouve.

C'est lui, Nicolas Sarkozy, qui a décidé l'abandon des études ou investigations ayant une portée politique. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

C'est lui qui, ensuite, par une directive du 4 octobre 2002, a mis fin aux pratiques, détestables, des « notes blanches » dans l'administration. (Protestations sur les mêmes travées - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Hélène Luc. Vous ne parlez pas sérieusement, monsieur le ministre délégué !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. C'est lui qui a mis en place une mission visant à éliminer les « officines » et les « nébuleuses », qui étaient nombreuses, sous vos gouvernements, notamment.

Mme Christiane Hummel. Bravo !

M. Jean-Pierre Bel. Vous ne manquez pas d'air !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Et, monsieur Mélenchon, je vous le dis en face : c'est certainement Nicolas Sarkozy qui, aujourd'hui, connaît le mieux les torts que peuvent causer les rumeurs non fondées et les fausses déclarations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. François Marc. Ça, il faut oser le dire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bref, c'est un martyr !

M. Robert Hue. Vous accusez le Premier ministre ?

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je peux vous l'affirmer, à aucun moment le ministre d'État Nicolas Sarkozy n'a demandé à quelque service que ce soit des notes à des fins politiques. Je vais même plus loin : je vous précise que jamais Nicolas Sarkozy n'a demandé à l'un de ses collaborateurs de lui transmettre des notes politiques. (M. Robert Hue s'exclame.) Je vois que M. Hue m'approuve : c'est bon signe ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Robert Hue. Non !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. D'ailleurs, les renseignements généraux l'ont précisé aussitôt, il s'agissait d'une simple actualisation, qui avait été réalisée ...

M. David Assouline. Au bon moment !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...automatiquement et sans ordres. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. François Marc. C'est laborieux !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Et, monsieur Mélenchon, puisque vous vous interrogez sur cette actualisation, pourquoi ne vous interrogez-vous pas plutôt sur la réalisation même de la notice biographique concernant la personne que vous évoquez ?

Mme Janine Rozier. Eh oui !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Souvenez-vous de la période à laquelle cela a pu se faire. À mon avis, il y a fort à parier, mesdames, messieurs les sénateurs, que c'était sous un gouvernement socialiste, ...

M. Alain Gournac. Oui !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...avec un Premier ministre socialiste, avec un ministre de l'intérieur socialiste (M. David Assouline s'esclaffe.) qui suivait avec beaucoup d'attention l'action d'une certaine association, laquelle association vous a causé bien des déboires et a entraîné la démission du ministre de la défense - socialiste - d'alors ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Rémy Pointereau. Exactement !

Plusieurs sénateurs de l'UMP. L'affaire du Rainbow Warrior !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. La ficelle est un peu grosse...

M. David Assouline. Vous pouvez le dire !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...et la méthode est bien connue : quand on n'a rien à dire, quand tout va mal, quand tout s'emmêle, quand on accumule les erreurs, les imprécisions et les gaffes, alors là, on crie au complot !

Je vous accorde, monsieur Mélenchon, une originalité : d'habitude, c'est à la fin des campagnes ; avec vous, c'est au début !

S'il y a une enquête à mener, croyez-moi, ce n'est pas sur l'entourage d'une candidate ou sur la candidate elle-même, car tout est dans la presse, et notamment grâce à vous personnellement, monsieur Mélenchon,...

M. Jean-Luc Mélenchon. C'est insupportable !

M. Charles Gautier. Vous n'êtes pas un gentleman, monsieur le ministre délégué !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...qui alimentez beaucoup la presse sur ce qui se passe chez vous ! (Très vives protestations sur les travées du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Yannick Bodin. C'est scandaleux !

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous allez retirer ces propos ! (M. Jean-Luc Mélenchon et plusieurs sénateurs du groupe socialiste se lèvent et, quittant leurs travées, se dirigent vers le banc du Gouvernement. - Les sénateurs du groupe socialiste restés assis martèlent leur pupitre aux mots de « Démission, démission ! », tandis que de nombreux sénateurs de l'UMP scandent : « Mélenchon, au piquet ! ».)

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je le dis très solennellement devant la Haute Assemblée (MM. les huissiers s'interposent alors, empêchant M. Jean-Luc Mélenchon d'approcher de M. le ministre délégué.), ...

M. le président. Monsieur Mélenchon, mes chers collègues, veuillez reprendre vos places !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...jamais le Gouvernement n'acceptera le moindre dérapage et l'intégrité de l'État sera respectée ! (Très vifs applaudissements sur les travées de l'UMP. - Les sénateurs du groupe socialiste regagnent leurs travées en scandant : « Hortefeux, démission ! ».)

M. Jean-Pierre Bel. C'est une honte !

M. Charles Gautier. Ce sont des méthodes de voyous !

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