Question de M. NOGRIX Philippe (Ille-et-Vilaine - UC-UDF) publiée le 23/02/2007

Question posée en séance publique le 22/02/2007

M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au cours de cette législature, l'UDF a souvent dénoncé les conditions d'élaboration et de discussion des textes législatifs.

M. Bruno Sido. Pourquoi François Bayrou n'a-t-il rien fait ?

M. Philippe Nogrix. L'an passé, le président du Conseil constitutionnel s'est exprimé sur le sujet en termes imagés, parlant d'« inflation normative », de « jungle législative », de « harcèlement textuel ». (Sourires.)

De même, dans son rapport public pour l'année 2006, intitulé à juste titre Sécurité juridique et complexité du droit, le Conseil d'État dénonce une « logorrhée législative et réglementaire ».

Quel est le problème ? Les lois sont de plus en plus nombreuses, bavardes, complexes. Le recueil annuel de l'Assemblée nationale a quadruplé de volume en vingt-cinq ans !

Bavardes, les lois ? Elles sont en effet, désormais, extrêmement détaillées, ce qui contrevient à l'esprit, sinon « des lois », en tout cas de la Constitution, dont l'article 34 dispose que la loi a pour mission de fixer les règles ou de déterminer les principes fondamentaux.

À cet égard, permettez-moi de mentionner un exemple emblématique de ce qu'il ne faut pas faire. La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique comporte 158 articles et s'étale sur 218 pages ! Et je ne parle pas de ses décrets d'application ! En effet, les lois les plus longues sont également celles qui réclament le plus de décrets. Depuis dix ans, le nombre de décrets - lorsqu'ils finissent par paraître - a augmenté de 50 %.

Comme le disait Montesquieu, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».

Quant au Conseil d'État, il affirme que la complexité croissante des normes menace l'état de droit. Cette complexité pose un problème de lisibilité, donc de sécurité juridique.

M. René-Pierre Signé. Quelle est la question ?

M. Philippe Nogrix. Si le législateur donne du grain à moudre et du fil à retordre aux juristes, il éloigne un peu plus le citoyen de la chose publique.

Que faire ? Là encore, l'analyse du Conseil d'État est précieuse. En pointant nos maux, elle nous donne les clés pour trouver des solutions : « L'élaboration des normes juridiques est, pour la France comme pour les autres pays développés, à la fois tributaire de contraintes objectives et plus ou moins inéluctables, et de fonctionnements ou de comportements « pathogènes ». » (Manifestations d'impatience sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Un peu de silence, s'il vous plaît, mes chers collègues.

M. Philippe Nogrix. Certes, nous connaissons les contraintes objectives. Mais quels sont les comportements pathogènes ?

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Le droit destiné à l'affichage ! La loi mise au service d'une stratégie de communication !

En laissant la loi à sa place, le législateur doit restituer la confiance.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire comment le souci de faire des lois simples et claires s'est manifesté dans l'action du Gouvernement au cours de cette législature ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

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Réponse du Ministère délégué aux relations avec le Parlement publiée le 23/02/2007

Réponse apportée en séance publique le 22/02/2007

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, il y a plusieurs façons de répondre à votre question. Si vous le permettez, je recourrai à la mienne. (Rires.)

M. Roland Muzeau. Chacun fait ce qu'il peut !

M. Henri Cuq, ministre délégué. À mon sens, il est d'abord de la responsabilité du Gouvernement, en lien avec les groupes parlementaires qui le soutiennent à l'Assemblée nationale et au Sénat, de tenir les engagements qu'il a pris devant le pays.

C'est la raison pour laquelle nous avons fait adopter dès 2002 de grandes lois sur la sécurité, la justice, la défense, ainsi que sur le sauvetage de notre système de retraites par répartition et d'assurance maladie.

M. Roland Muzeau. Vous avez tout cassé !

M. Henri Cuq, ministre délégué. Nous avons également fait adopter des dispositifs sur l'emploi et sur bien d'autres sujets qui intéressent nos concitoyens.

Monsieur le sénateur, tout cela relevait non pas de l'affichage, mais bien de l'action au service de nos compatriotes. C'était tout simplement la traduction des engagements que nous avions pris devant eux lors de la campagne électorale de 2002. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Il est vrai que nous n'avions pas pris les mêmes ! Quoi qu'il en soit, nous, nous avons fait ce à quoi nous nous étions engagés !

M. René-Pierre Signé. Là, on ne vous croit pas !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. La fracture sociale est toujours là !

M. Henri Cuq, ministre délégué. De plus, monsieur le sénateur, nous avons tenu ces engagements dans le respect des droits du Parlement, en particulier ceux de la Haute Assemblée.

M. Roland Muzeau. Il vaut mieux entendre cela que d'être sourd !

M. Henri Cuq, ministre délégué. Je voudrais vous en fournir quelques illustrations.

Monsieur Nogrix, vous avez évoqué le caractère « bavard » de la loi. Effectivement, il y a bien un problème à cet égard et le constat est largement partagé sur toutes les travées de votre assemblée.

Cela dit, si vous me le permettez, je voudrais vous citer...

M. René-Pierre Signé. Montesquieu ?

M. David Assouline. Jaurès ?

M. Jean-Luc Mélenchon. Léon Blum ?

M. Henri Cuq, ministre délégué.... deux ou trois textes législatifs.

M. Roland Muzeau. Mais on n'a pas le temps !

M. Henri Cuq, ministre délégué. Je voudrais notamment évoquer un texte dont vous avez débattu récemment, à savoir le projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Mme Gisèle Printz. Comme par hasard !

M. Henri Cuq, ministre délégué. Alors que ce projet de loi comprenait à l'origine neuf articles, il en comporte aujourd'hui soixante-dix-neuf.

De même, le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux,...

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Henri Cuq, ministre délégué.... qui comportait soixante-seize articles en première lecture, en comptait deux cent quarante lorsqu'il a été finalement adopté, à l'issue du débat parlementaire.

M. Henri Cuq, ministre délégué. C'est bien la preuve que le Gouvernement a agi dans le respect des droits du Parlement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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