Question de M. SOUVET Louis (Doubs - UMP) publiée le 02/08/2007

M. Louis Souvet attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur les problèmes rencontrés par la dosimétrie et le rayonnement médical. Il tient à souligner que l'équipe IRMA (Interaction Rayonnement Matière) du Pays de Montbéliard possède une expertise tout autant que des moyens de formation dans ce domaine de la dosimétrie et du rayonnement médical. Il lui demande si les pouvoirs publics entendent associer via des modalités tant structurelles que financières restant à définir, ce savoir-faire de l'IRMA au plan national que le Gouvernement va mettre en place pour remédier tant au problème de recrutement que de sécurisation de ces pratiques médicales.

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Réponse du Ministère de la santé, de la jeunesse et des sports publiée le 24/10/2007

Réponse apportée en séance publique le 23/10/2007

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, auteur de la question n° 20, adressée à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

M. Louis Souvet. Madame la ministre, je tiens à vous remercier d'être venue en personne répondre à nos questions. Ce n'est pas toujours le cas et nous y sommes sensibles.

M. le président. La présidence partage votre remarque, monsieur Souvet.

M. Louis Souvet. Cette question orale relative à la dosimétrie et aux bonnes pratiques en matière de rayonnement médical nous offre l'opportunité de faire coïncider deux problématiques.

D'une part, les accidents survenus en raison des rayonnements ionisants excessifs, d'erreurs d'identification, de déviation des faisceaux de rayonnement ne doivent plus se reproduire. Cela ne manquerait pas de susciter un sentiment d'insécurité alors même que ces thérapeutiques permettent à 180 000 patients de recevoir des soins via les trois cent cinquante-neuf accélérateurs dédiés à cet usage. Les besoins face à l'augmentation du nombre des tumeurs cancéreuses sont très importants. Il en découle un déficit au niveau des moyens humains. À titre d'illustration et selon l'Autorité de sûreté nucléaire, seuls 60 % des services en question disposent d'une personne spécialisée en radiophysique médicale. Ce chiffre résume, à lui seul, l'ampleur du problème.

Rien que pour l'hôpital de Belfort-Montbéliard, la direction du centre hospitalier recherche dix postes de manipulateurs radio. Pour l'heure, et comme en attestent les difficultés d'une telle procédure de recrutement, seuls quelques professionnels de la santé étrangers sont susceptibles d'occuper les postes en question, s'ils ne répondent pas dans l'intervalle de la procédure de recrutement à d'autres opportunités.

Reste alors la mise en place de solutions s'apparentant plus à des pis-aller qu'à une conception rationalisée d'une médecine moderne et performante, soit le recours à des étudiants stagiaires, soit à des équipes d'appui, donc composées de personnels par essence moins qualifiés, ne pouvant prendre en charge que les cas les plus légers.

D'autre part, - seconde problématique annoncée au début de mon propos - la Communauté de l'agglomération du pays de Montbéliard, que je préside, soutient financièrement ces recherches spécifiques, dans le cadre d'un projet pilote datant de 2004, visant à favoriser la radioprotection des habitants dans le pays de Montbéliard. Nous souhaitons renforcer un pôle de compétence spécifique dans ce domaine, par l'attribution d'allocations de recherche et de crédits de fonctionnement pour stimuler et pérenniser les coopérations existantes entre les laboratoires CREST/FEMTO-ST et LIFC, d'une part, et le service d'oncologie-radiothérapie du Dr Monnier, d'autre part. Par ailleurs, et toujours dans ce cadre dédié, il a été mis en place une licence professionnelle spécifique intitulée « Dosimétrie et radioprotection médicales ». Dans un rapport d'évaluation qui date de mars 2007, consacré aux différentes entités de l'institut FEMTO-ST - Franche-Comté électronique mécanique thermique et optique-sciences et technologies -, le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, faisait état du dynamisme et de la qualité des travaux de l'équipe IRMA - Interaction rayonnement matière - créé en 1993 par le professeur Libor Makovicka.

Je cite le rapport pour ne pas verser dans le registre de l'autosatisfaction, et pour rendre hommage au professeur Makovicka, qui le mérite amplement. L'équipe IRMA « n'a bénéficié d'aucun fondement historique, ce qui ne l'a pas empêchée de grandir très rapidement avec, en son sein, de jeunes chercheurs talentueux et ambitieux. La qualité de sa production répond parfaitement aux critères adoptés par la communauté scientifique dans ce secteur. [...] Basée à Montbéliard, dans le Nord-Franche-Comté, l'équipe IRMA a su développer des relations régionales, nationales et même internationales ».

Madame la ministre, comme je l'ai indiqué, c'est en raison de l'évolution de notre réalisation que la problématique nationale croise notre volonté montbéliardaise.

Certes, l'équipe IRMA est reconnue par des instances prestigieuses, participant par là même à la rédaction d'un ouvrage collectif sur la dosimétrie française, mais elle est « aux limites de ses possibilités », comme le souligne le rapport du CNRS. « Cette équipe ne peut se développer avec des moyens constants, car elle travaille déjà à flux tendu ». Elle ne pourra donc accepter de nouvelles sollicitations et d'autres contrats. Une nouvelle dynamique s'avère nécessaire dans l'intérêt de tous.

Puisque nous sommes dans le domaine de la physique, j'emploierai une image qui s'en inspire. Nous avons déjà mis en place un noyau stable avec la licence DORA. Les pouvoirs publics devront faire en sorte que ce noyau d'excellence puisse susciter un processus d'agrégation, selon le terme employé par une personne plus qualifiée que moi sur le plan scientifique, à savoir M. Jacques Lochard, président du Centre d'études sur l'évaluation de la protection dans le domaine du nucléaire.

Le noyau d'excellence est là, madame la ministre. À vous maintenant de faire en sorte qu'il puisse accroître sa masse, son attractivité, via toutes les options de recherche, toutes les évolutions possibles et futures liées à cette radioprotection. La collectivité nationale, si elle y participe, retirera des bénéfices certains de cette dynamique.

Votre ambition, madame la ministre, celle du Gouvernement, est de porter à 600 le nombre des physiciens médicaux en cinq ans. À l'heure actuelle, selon les personnels eux-mêmes, on en compte de 350 à 400. Il convient de se donner les moyens de concrétiser cette ambition ; tant l'Autorité de sûreté nucléaire, l'ASN, que l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'IRSN, peuvent témoigner de la nécessité de s'appuyer sur des structures ayant déjà fait leurs preuves, notamment l'équipe IRMA.

Ce faisant, on conjuguerait les moyens nationaux avec l'expertise et le savoir-faire d'une telle structure. Le problème n'est pas spécifiquement national, puisque la presse s'est fait l'écho d'autres accidents à l'étranger. Soulignons à dessein que l'équipe IRMA ne se contente pas d'une expertise franco-française, mais échange sur ces sujets avec la Tchéquie ou l'Amérique du Sud, par exemple, et ce au niveau tant de la recherche que de l'enseignement. C'est ainsi qu'elle a acquis une renommée internationale dans les « codes de calcul ».

Madame la ministre, la présente question orale se situe dans le registre du « gagnant-gagnant ». Pour se développer et rester à son niveau d'excellence, l'IRMA doit disposer de moyens supplémentaires significatifs, moyens que la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard, même avec la meilleure volonté du monde, ne peut réunir, car elle n'est qu'une collectivité locale, qui plus est une petite collectivité locale. Les pouvoirs publics pourraient, à bon escient, s'appuyer pour partie sur l'expertise accumulée localement par les chercheurs, en liaison avec les praticiens, tel le docteur Monnier, chef du service radiothérapie-oncologie du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, pour accorder les moyens supplémentaires ad hoc et faire évoluer qualitativement et quantitativement ce projet d'excellence, qui s'inscrit tout naturellement dans les objectifs gouvernementaux en matière de bonnes pratiques dans le domaine du rayonnement médical.

Je souhaite que les pouvoirs publics se tournent automatiquement vers l'expertise présente au sein des équipes coopérant dans le pays de Montbéliard lorsque se pose un problème dans le domaine de la dosimétrie.

Considérant l'appréciation du CNRS, que je tiens à votre disposition, madame la ministre, je vous demande de répondre favorablement à cette offre de coopération. Eu égard à l'importance du problème, rien ne doit être négligé pour le résoudre, car les personnes victimes des accidents et incidents en question, ainsi que leurs familles, attendent un signal fort des pouvoirs publics. Cette coopération future que j'appelle de mes voeux y est en tout cas totalement dédiée.

Je voudrais ajouter trois remarques pour votre réflexion personnelle. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Premièrement, dans le quart nord-est de la France, l'IRSN n'est pas présent, sauf à Dijon où un poste de l'autorité de sûreté nucléaire est installé.

En décembre 2006, nous avons eu un problème avec une entreprise de Morteau : un flacon de sels de radium, produit utilisé anciennement pour rendre les cadrans de montre phosphorescents, a été découvert par des lycéens. Une équipe a dû venir d'assez loin, mais c'eût été pire encore si l'accident s'était produit en Moselle ou en Alsace.

Or, dans le pays de Montbéliard, nous disposons de locaux parfaitement adaptés, d'une superficie de 50 à 7 000 mètres carrés, qui nous permettraient d'accueillir soit une petite équipe de l'IRSN, soit des pans entiers de ce prestigieux organisme.

M. Jean-Marc Pastor. On viendra ! (Sourires.)

M. Louis Souvet. Deuxièmement, je souhaite insister sur le manque de diplômes sanctionnant la formation aux métiers de la radioprotection médicale. En effet, avant d'exercer, le pharmacien, qui délivre des prescriptions dans le cadre d'une ordonnance médicale, tout comme l'infirmière, a suivi des études. Or, en matière de radioprotection, combien d'établissements de formation existe-t-il ? Combien de diplômes préparent et sanctionnent les études de radiophysicien ? Quelles études portent sur l'optimisation des doses ? Pourtant, ces radiophysiciens ne sont-ils pas les pharmaciens de la dose ou de la dosimétrie ? Et cependant, nous en manquons vraiment.

La communauté d'agglomération que je préside est prête, si vous voulez bien l'y aider, madame la ministre, à prendre en charge cette avancée. On nous objecte qu'il s'agirait d'en faire un métier, une corporation, et que cela entraînerait encore des actes médicaux supplémentaires. Est-ce bien sérieux ?

Troisièmement enfin, songez, madame la ministre, aux souffrances humaines et au coût d'un accident semblable à ceux que nous avons connus, par rapport à celui d'une formation. Si un accident est bien évidemment toujours possible, les risques sont réduits si le personnel est bien formé. Ce sujet tragique est d'actualité, et les Français attendent un geste fort de votre part.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Il ne faudrait pas, monsieur le président, que la longueur de l'intervention de M. Souvet entraîne une réduction de mon temps de parole, car les questions soulevées sont nombreuses ! (Sourires.)

Monsieur le sénateur, vous me demandez si j'ai pris conscience du problème que vous évoquez. Permettez-moi de vous dire que, dès ma prise de fonctions, j'ai été confrontée aux accidents de radiothérapie qui se sont produits aux centres hospitaliers d'Epinal et de Toulouse-Rangueil, ainsi qu'à un dysfonctionnement d'un type d'appareil de radiothérapie stéréotaxique Brainlab installé à Paris, à Nancy, à Montpellier et à Tours. J'ai immédiatement considéré que la radiothérapie était confrontée à une crise systémique.

Je profite d'ailleurs de cette question orale pour dire que la radiothérapie est une filière thérapeutique absolument indispensable au traitement de nombreux cancers. Il convient donc de restaurer la confiance des malades dans ce domaine.

J'avais alors demandé au président de l'INCa, l'Institut national du cancer, le professeur Dominique Maraninchi, de me remettre de façon anticipée, dès le vendredi 29 juin, un point d'étape sur les travaux menés par les cinq missions mises en place en mars dernier.

J'ai relégitimé ces cinq missions, en insistant sur l'importance que j'attache à la situation démographique des professionnels de la radiothérapie, au haut niveau de compétences requis, ainsi qu'aux modalités pratiques de tous les nouveaux matériels de radiothérapie. Par ailleurs, je serai également ferme sur les niveaux de formation, de compétence et de responsabilité des professionnels qui réalisent la radiothérapie.

L'objectif est de sécuriser les pratiques, d'assurer la qualité des soins et d'être particulièrement vigilant sur les incidents indésirables.

Les professionnels qui réalisent les calculs dosimétriques assurant aux patients efficacité et sécurité des irradiations prescrites sont principalement, comme vous l'avez indiqué, monsieur Souvet, des radiophysiciens, aidés en tant que de besoin par des manipulateurs en électroradiologie.

Dès juin 2007, j'ai annoncé que le nombre de radiophysiciens passerait de 300 à 600 en cinq ans, en augmentant les capacités de formation théorique et pratique et en mettant en place des contrats emploi formation.

Quant aux manipulateurs en radiothérapie, soignants qui contribuent à la prise en charge globale des patients, une réflexion est en cours sur la valorisation et l'attractivité de leur métier.

L'IRMA du pays de Montbéliard a mis au point un diplôme de dosimétriste, mais, aujourd'hui, la dosimétrie n'est pas reconnue comme une qualification, et l'emploi de dosimétriste n'existe pas en tant que tel à l'hôpital. Cette question a été examinée par un groupe de travail sur les mesures nationales pour la radiothérapie, dont les propositions m'ont été remises à la fin du mois d'août par le président de l'INCa. Ces mesures sont en cours de parachèvement, et je les annoncerai dès que la représentation nationale aura adopté le projet de budget.

Monsieur le sénateur, votre question ouvre une réflexion plus large sur les métiers de l'hôpital, qui sont en pleine évolution, avec de nouveaux métiers à créer.

À cet égard, la reconnaissance d'un grade LMD - licence, master, doctorat - que j'ai souhaité lancer pour les formations des quatorze professions paramédicales, notamment le métier d'infirmière, et une profession médicale, celle de sage-femme, ne doit pas simplement faire l'objet d'un décret ; elle doit nous conduire à réfléchir tous ensemble sur l'évolution des métiers de l'hôpital, car celui-ci est en pleine mutation. La mission sur l'hôpital public confiée à votre collègue Gérard Larcher devra aborder toutes ces questions.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, de mon extrême vigilance sur ces questions de radiothérapie, sur la qualité des soins et sur l'aide qu'il convient d'apporter aux victimes. À cet égard, j'ai reçu les représentants de l'Association vosgienne des surirradiés de l'hôpital d'Epinal, que je soutiens activement. Bien entendu, l'IRMA du pays de Montbéliard aura toute sa place dans la réflexion sur l'évolution de ces métiers.

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.

M. Louis Souvet. Mon exposé liminaire ayant été relativement long (Sourires sur les travées du groupe socialiste.), je me limiterai à remercier Mme la ministre. Je serais extrêmement heureux qu'une rencontre puisse être organisée entre les services de son ministère et les miens en vue de la mise au point d'un programme plus élaboré.

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