Question de M. ASSOULINE David (Paris - SOC) publiée le 05/10/2007

Question posée en séance publique le 04/10/2007

M. David Assouline. Monsieur le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, on peut regarder ailleurs quand on passe devant une soupe populaire des Restos du coeur et que l'on voit des policiers interpeller pour les expulser de pauvres gens qui viennent avaler un bol de soupe. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

On peut passer son chemin quand on voit un grand-père chinois se faire arrêter devant son petit-fils qu'il est venu chercher à l'école. (M. Josselin de Rohan s'exclame.)

On peut être indifférent en constatant que nombre d'enfants qui fréquentent les mêmes écoles que les nôtres...

M. Bruno Sido. Démagogie !

M. David Assouline. ... vont en classe tous les jours la trouille au ventre, sans savoir s'ils retrouveront en rentrant leurs parents, sans savoir si c'est le jour où leur vie va basculer. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

On peut poursuivre tranquillement ses vacances quand on apprend, le 9 août, qu'un enfant russe de douze ans a chuté du quatrième étage d'un immeuble à Amiens en fuyant la police venue arrêter son père et sa mère,...

M. Bruno Sido. Démago !

M. David Assouline. ...ne pas être troublé, le 12 septembre, quand un homme d'origine maghrébine tombe du quatrième étage d'un immeuble à Roussillon, dans l'Isère, pour échapper aux gendarmes venus l'interpeller,...

M. Yannick Texier. Il est scandaleux de dire cela !

M. David Assouline. ...ne pas être bouleversé d'apprendre que, dans le quartier de Belleville, le 21 septembre, Mme Zhang, Chinoise de cinquante et un ans, est morte après avoir chuté du premier étage pour avoir tenté d'échapper à ce qu'elle prenait pour une opération policière visant à l'expulser du territoire.

On peut trouver normal qu'un ministre convoque les préfets pour les sommer de « faire du chiffre » - cela a fait dire à un syndicat de policiers : on nous demande de faire de l'abattage... - et accélérer son pas, quand on prend le métro, en voyant des contrôles aux faciès opérés en masse pour remplir les objectifs de ce ministre. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. Démagogie !

M. David Assouline. On peut s'habituer à ce que ce même ministre donne instruction aux préfets de rappeler à l'ordre les élus qui parrainent des sans-papiers, voire ceux qui accordent des aides sociales aux familles de ces derniers,...

M. Dominique Braye. Démago !

M. David Assouline. ...finir par trouver banal qu'un élu soit incité à ne pas venir en aide à une personne en danger, comme le code pénal lui ordonne pourtant de le faire, et à se transformer en un simple dénonciateur aux services de police des familles nécessiteuses sans-papiers.

M. Alain Gournac. Démago !

M. David Assouline. On peut tenter de réduire à une mesure technique l'introduction des tests ADN dans une loi dont le but est de rendre la vie de famille impossible aux travailleurs immigrés régulièrement installés sur notre territoire alors même que, de toute évidence, il s'agit d'une rupture éthique et philosophique profonde avec notre tradition républicaine et notre conception de la famille.

M. Alain Gournac. N'importe quoi !

M. Bruno Sido. Démago !

M. David Assouline. On peut tout cela, monsieur le ministre, et on peut se réveiller un jour dans une autre société, une société où l'indifférence aux autres accompagnée du repli sur soi et sur sa communauté aura laissé s'installer un autre ordre en lieu et place d'une République fraternelle et métissée !

M. Dominique Braye. C'est l'hôpital qui se moque de la charité !

M. David Assouline. Dès lors, monsieur le ministre, ma question est simple : quand allez-vous cesser de sacrifier notre « vivre ensemble » et les immigrés sur l'autel de votre campagne électorale ininterrompue et démagogique ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Démago vous-même ! Vous savez de quoi vous parlez !

M. Josselin de Rohan. C'est vous qui faites de l'électoralisme !

M. David Assouline. Quand allez-vous consacrer votre énergie et celle de la police à lutter contre les violences, qui ne cessent d'augmenter, année après année, dans nos quartiers populaires et dont les premières victimes sont les immigrés qui y vivent et leurs enfants, souvent français ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement publiée le 05/10/2007

Réponse apportée en séance publique le 04/10/2007

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Monsieur Assouline, si j'ai bien compris votre question - posée sur un ton relativement modéré (Rires sur les travées de l'UMP.) -, vous m'interrogez sur les conditions d'interpellation des étrangers en situation irrégulière.

M. Yannick Bodin. Et sur les dégâts connexes !

M. Brice Hortefeux, ministre. Je voudrais, au travers des exemples que vous avez communiqués, préciser un fait, un principe et une exigence.

Je commence par le fait : vous avez évoqué, à juste titre, l'accident mortel qui est survenu à Mme Zhang au mois de septembre dernier.

Monsieur Assouline, je ne doute pas un instant de votre honnêteté intellectuelle (Exclamations sur les travées de l'UMP.) ...

M. Dominique Braye. Nous, on en doute !

M. Brice Hortefeux, ministre. Moi, je fais crédit !

...et je me permets donc de vous préciser que cette personne, dont j'ai naturellement, comme vous, appris avec tristesse le décès, n'était absolument pas poursuivie dans le cadre d'une opération de lutte contre l'immigration irrégulière.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la peur, monsieur le ministre ! Inutile de chercher d'autres explications !

M. Didier Boulaud. Cela montre quelle ambiance vous avez créée !

M. Yannick Bodin. C'est la peur qui l'a tuée !

M. Brice Hortefeux, ministre. Il s'agissait en fait d'une opération décidée par la police à la demande du parquet et à la suite d'une dénonciation d'un ressortissant chinois à l'égard d'un autre ressortissant chinois.

M. Yannick Bodin. Elle a eu peur de vous !

M. Brice Hortefeux, ministre. Je comprends que cette précision gêne votre raisonnement, mais cela montre bien qu'il ne s'agissait en rien d'une opération de lutte contre l'immigration irrégulière.

M. David Assouline. Je n'ai pas dit le contraire !

M. Didier Boulaud. C'est l'ambiance !

M. Yannick Bodin. C'est parce que vous faites peur !

M. Dominique Braye. Et vous, vous faites pitié !

M. Brice Hortefeux, ministre. Après le fait, j'en viens au principe.

Je suis le ministre de la loi ; je ferai donc respecter la loi,...

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre. ... et je le ferai selon une règle simple : c'est peut-être là, monsieur Assouline, une différence entre vous et nous, mais, sauf cas particulier, tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d'origine. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

M. Yannick Bodin. Vivant !

M. Brice Hortefeux, ministre. Simultanément, un étranger en situation régulière qui respecte nos lois, qui partage nos valeurs, qui cherche du travail ou exerce un travail a le droit de bénéficier d'un effort d'intégration.

M. René-Pierre Signé. Pour combien de temps ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Ce n'est pas l'un ou l'autre : c'est l'un et l'autre !

Tout cela suppose un principe : il ne s'agit pas, contrairement à ce que vous dites, de « faire du chiffre »,...

M. Didier Boulaud. Si ! C'est le préfet qui nous le dit !

M. Yannick Bodin. On connaît vos chiffres ! Vous nous les avez donnés !

M. Brice Hortefeux, ministre. ...mais de faire respecter un principe avec lequel nous ne transigeons pas : chaque pays, et la France comme les autres, c'est-à-dire pas plus mais pas moins que les autres, a le droit de choisir qui il veut et qui il peut accueillir sur son territoire ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

J'en termine par l'exigence : oui, vous avez raison sur ce point, monsieur le sénateur, il y a aussi une exigence de protection. Nous avons le devoir de protéger les personnes immigrées...

M. Yannick Bodin. Elles ont la trouille !

M. Brice Hortefeux, ministre. ...qui sont elles-mêmes les premières victimes des passeurs, des réseaux, des filières, des marchands de sommeil,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ceux-là, vous ne les embêtez pas beaucoup !

M. Brice Hortefeux, ministre. ...qui exploitent la misère humaine.

M. Yannick Bodin. Il n'y a rien à cet égard dans votre projet de loi !

M. Brice Hortefeux, ministre. Je veux donner à la Haute Assemblée la primeur d'un chiffre qui n'a pas encore été communiqué.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est rare !

M. Brice Hortefeux, ministre. Sur les huit premiers mois de l'année 2007, ce sont 2 366 passeurs qui ont été interpellés,...

M. Yannick Bodin. Il n'y a rien contre eux dans le projet de loi !

M. Brice Hortefeux, ministre. ...soit une augmentation de 23 % par rapport à la même période l'année dernière, et même de 98 % par rapport à 2004 ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ne s'en portent pas plus mal !

M. Paul Raoult. Que faites-vous contre les patrons qui emploient de la main-d'oeuvre clandestine ?

M. Didier Boulaud. Et que fait la ministre de l'intérieur ?

M. René-Pierre Signé. Rien !

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Assouline, sur un sujet aussi sensible, il faut éviter la générosité en trompe-l'oeil,...

M. Didier Boulaud. Avec vous, on ne craint rien !

M. Brice Hortefeux, ministre. ...et il faut aussi éviter la fausse naïveté qui conduit inéluctablement et obligatoirement à des catastrophes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

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