Question de Mme BOYER Yolande (Finistère - SOC) publiée le 19/10/2007

Question posée en séance publique le 18/10/2007

Mme Yolande Boyer. Ma question, qui s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, concerne la carte judiciaire, mais elle va bien au-delà dans la mesure où elle pose le problème du maintien des services publics en milieu rural et traduit le « ras-le-bol » des élus.

Après la suppression des hôpitaux ruraux et de classes dans les écoles, la restructuration des directions départementales de l'équipement, le regroupement des services des impôts avec les perceptions, le désengagement de La Poste, d'EDF, de France Télécom, voici venue la suppression des tribunaux.

À votre avis, madame la garde des sceaux, qui mieux que les élus de cette assemblée connaît en profondeur les territoires dont ils sont les représentants ?

Sur l'ensemble de ces travées, je crois pouvoir le dire, les sénateurs sont choqués par l'attitude que vous avez choisie d'adopter à leur encontre : la concertation fut factice, quand elle a eu lieu, ce qui n'est pas le cas partout. Ainsi, au mois de juillet dernier, vous aviez fait la promesse, qui n'a pas été tenue, d'une concertation avec le président de l'Association des petites villes de France. De même aviez-vous promis la mise en ligne des propositions émanant des cours d'appel, promesse qui, elle non plus, n'a pas été tenue.

Les élus ne sont pas stupides ; ils sont prêts à ce qu'une nouvelle carte judiciaire soit établie, mais ils veulent vraiment savoir quelle justice on veut mettre en place.

Nous défendons une justice de proximité, au service de l'ensemble de nos concitoyens, surtout des plus démunis. Nous défendons l'égalité des droits sur l'ensemble du territoire. Nous défendons un aménagement équilibré de ce dernier. Et parce que nous sommes les représentants des citoyens et des collectivités territoriales, nous entendons donner notre point de vue, être écoutés et respectés ; nous ne voulons pas de choix guidés par la seule logique mécanique et comptable.

En conséquence, madame le garde des sceaux, pouvez-vous définir ce qu'est, pour vous, une réelle concertation ?

M. Didier Boulaud. Ça va être dur !

Mme Yolande Boyer. Êtes-vous prête, avant toute décision, à organiser des états généraux de la justice, comme vous l'a demandé l'Association des petites villes de France ?

M. François Autain. C'est mal parti !

Mme Yolande Boyer. Que signifie, pour vous, une « justice de proximité », alors que vous affirmez ne plus vouloir de tribunaux « à chaque coin de rue » ?

Pensez-vous réellement aux justiciables les plus démunis quand vous « taillez à la hache » dans les tribunaux d'instance ? Ils sont un service public de proximité de qualité. Dans le Finistère, à Châteaulin, ma commune, comme à Quimperlé, ou partout ailleurs en France, ils sont l'un des maillons les plus efficaces de la justice.

M. Roland Courteau. C'est vrai !

Mme Yolande Boyer. M. le Premier ministre souhaite moins de services, moins de personnels et moins d'État sur le territoire : nous nous y refusons absolument ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère de la Justice publiée le 19/10/2007

Réponse apportée en séance publique le 18/10/2007

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame le sénateur, vous avez raison, la réforme de la carte judiciaire, que tout le monde souhaite, est impérative, comme l'attestent d'ailleurs de nombreux rapports publiés en 2000 et en 2001. En effet, cette carte n'a pas été revue depuis 1958. Avec 1 200 juridictions hébergées sur 800 sites, les moyens de la justice sont aujourd'hui dispersés au détriment de la qualité, comme l'affaire d'Outreau l'a révélé.

Dès le 27 juin dernier, j'ai mis en place un comité national consultatif sur la réforme de la carte judiciaire, qui apporte ses contributions et propositions à une réforme globale de la carte judiciaire. Les chefs de cour ont procédé, cour par cour, à une large concertation avec tous les acteurs judiciaires locaux. Les préfets ont également reçu les élus dans le cadre de cette consultation.

Dès le 30 septembre dernier, des rapports nous ont été adressés : nous les avons tous examinés, cour par cour, ville par ville, tribunal par tribunal. C'est dans ce cadre que M. le Premier ministre et moi-même sommes allés à la cour d'appel de Douai pour annoncer les schémas retenus, qui intègrent la réalité du terrain.

Ainsi, il m'avait été suggéré de supprimer le tribunal d'instance de Montreuil. Or, non pas au vu de son activité, mais pour des raisons d'aménagement du territoire, j'ai décidé de le maintenir. Madame le sénateur, notre réforme n'est donc pas purement mécanique.

Je prendrai un autre exemple. Concernant les tribunaux du ressort de la cour d'appel de Dijon, nous avons décidé de créer un tribunal d'instance à Montbard, pour des raisons démographiques et d'aménagement du territoire liées à l'implantation d'une gare de TGV à proximité.

Nous tenons donc compte, je le répète, des réalités du terrain et nous examinons, avec les élus et les acteurs de la justice, les nouveaux schémas retenus.

Madame le sénateur, le service public de la justice de proximité n'est pas remis en cause, bien au contraire ! Et j'y tiens absolument, notamment pour les personnes qui ne peuvent pas se déplacer, les plus modestes et les plus démunies.

Les tutelles, qui constituent la majeure partie des contentieux des tribunaux d'instance, ne sont pas remises en cause par la suppression des tribunaux d'instance. Le magistrat et le greffier iront directement auprès des personnes qui ne peuvent pas se déplacer, à leur domicile, à l'hôpital, dans les maisons de retraite ou les établissements spécialisés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations ironiques sur les travées socialistes.)

M. Didier Boulaud. Il va falloir leur acheter des mobylettes ! C'est n'importe quoi, on n'a même pas les moyens d'acheter des crayons et des gommes !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je vous rappelle simplement une réalité : aujourd'hui, si le juge d'instance ne peut pas se rendre auprès de la personne concernée, c'est parce qu'il est seul dans le tribunal. Mais si nous regroupons les moyens de la justice, l'un des juges d'instance pourra se déplacer plus facilement auprès des personnes placées sous tutelle.

M. Didier Boulaud. Quelle vision de technocrate !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. S'agissant des contentieux engagés par les personnes les plus modestes et les plus démunies, nous maintenons la justice de proximité par le biais des audiences foraines. Les maisons de justice et du droit sont conservées et, même développées, comme nous nous y sommes engagés.

M. Didier Boulaud. Comme pour les maisons de l'emploi ! Vous les avez promises et les avez supprimées !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Nous allons également multiplier les points d'accès au droit.

M. le président. Madame la garde des sceaux, je vous prie de conclure !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Vous indiquez, madame la sénatrice, que les élus souhaiteraient être entendus. Mais la seule réponse que j'ai pu obtenir de certains, c'est le refus de cette réforme, alors qu'elle est engagée et que nous voulons la poursuivre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. Didier Boulaud. On verra bien ce qui va se passer dans les départements !

M. Roland Courteau. Dans les départements, ils n'applaudissent pas !

M. Didier Boulaud. Et vous rasez les murs !

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