Question de M. BIWER Claude (Meuse - UC-UDF) publiée le 04/10/2007

M. Claude Biwer attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les conclusions inquiétantes d'une récente thèse d'État portant sur les dysfonctionnements des services d'urgence français, et ce malgré le grand dévouement des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires : « coordination déplorable entre les centres 15 et 18, délais d'intervention à géométrie variable au détriment des victimes, augmentation des procédures pénales opposant les particuliers aux services de secours, effectifs et matériels insuffisants comparés à ceux de nos voisins européens », c'est, selon l'auteur de cette thèse, toute l'organisation des secours en France qui mériterait d'être revue. Il la prie de bien vouloir préciser la suite que le Gouvernement envisage de réserver à ces conclusions, qui sont partiellement corroborées par la Fédération nationale des sapeurs-pompiers laquelle, dans un récent manifeste, dresse un bilan tout aussi alarmiste de la situation des secours aux personnes.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la consommation et du tourisme publiée le 30/01/2008

Réponse apportée en séance publique le 29/01/2008

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 53, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Claude Biwer. Une thèse de doctorat d'État présentée en 2007 par un ancien colonel de sapeurs-pompiers lorrain met en exergue un certain nombre de dysfonctionnements des services d'urgence français : délais d'intervention à « géométrie variable », appels téléphoniques au « 15 » ou au « 18 » qui n'aboutissent pas, effectifs et matériels insuffisants, coordination déplorable avec les services d'aide médicale urgente, les SAMU. Je n'évoquerai ici que pour mémoire la difficulté supplémentaire d'établir une communication par téléphone portable à partir d'une zone « grise » ou « blanche »...

Ainsi, malgré les réels efforts accomplis par les départements et les communes en faveur du renouvellement du matériel des sapeurs-pompiers, malgré le professionnalisme et le dévouement de ces derniers, unanimement reconnus par la population, l'organisation des secours pose problème. Cela se traduit d'ailleurs par une augmentation du nombre de procédures pénales engagées à ce titre, qui est passé de 19 en 1996 à 621 en 2006.

La thèse du colonel Schmauch souligne l'existence d'un certain nombre de difficultés récurrentes : le délai d'attente pour obtenir une communication téléphonique avec le centre régulateur du « 15 », qui provoque souvent de l'insatisfaction ; les temps d'intervention, qui peuvent être plus ou moins longs suivant que le sinistre ou l'accident se produit la nuit, le week-end ou en zone rurale, du fait de l'éloignement du centre de secours ; l'équipement en matériels des sapeurs-pompiers - si les textes étaient véritablement appliqués, il faudrait doubler le nombre d'engins ; l'âge des matériels, certains étant en service depuis en moyenne vingt ans ; les effectifs, car bien que la France compte 200 000 volontaires, 38 000 professionnels et 12 000 militaires, ces derniers affectés à Paris et à Marseille, la densité des sapeurs-pompiers aux cent kilomètres carrés n'est que de 49 dans notre pays, alors qu'elle est de 346 en Allemagne ; la mauvaise coordination entre sapeurs-pompiers et SAMU, puisqu'il semble que le « bleu » et le « blanc » ne s'accordent pas toujours très bien ; l'obligation, pour les sapeurs-pompiers, de transférer tout appel pour une urgence médicale vers le centre « 15 », qui entraîne souvent des délais d'attente supplémentaires pour la victime et des incompréhensions, voire des cafouillages, entre les services ; l'insuffisance de la permanence des soins assurée par les médecins libéraux, surtout en zones rurales, décrite par un récent rapport comme aléatoire, instable et fragile, ce qui conduit à un engorgement, la nuit, des systèmes d'urgence et de la chaîne des secours.

Le directeur de la sécurité civile a cru devoir indiquer que les observations formulées par le colonel Schmauch étaient « dépassées ». Si j'en juge par le manifeste adopté par la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France à la fin du mois de septembre dernier, qui fait état d'une « profonde dégradation de la situation au détriment des victimes et d'une augmentation des délais d'intervention », je crains que ce ne soit pas le cas.

Je crois pour ma part que, s'il doit y avoir une régulation médicale préalable à tout départ de secours, le doute devrait profiter à la victime. Dans ces conditions, pourquoi ne pas accorder une plus grande autonomie aux sapeurs-pompiers, comme c'était le cas avant la mise en place des centres 15 ?

Enfin, nous ne pourrons pas plus longtemps faire l'économie de l'application d'objectifs de performance très stricts au niveau tant des appels que des délais d'intervention. La plupart de nos voisins européens y sont arrivés : ainsi, en Angleterre, il faut moins de trois secondes pour répondre à 90 % des appels d'urgence ; en Allemagne, chaque citoyen doit pouvoir être atteint par une ambulance en moins de huit minutes.

Je ne vois pas pour quelle raison nous ne pourrions pas aboutir aux mêmes résultats en France, car il en va tout de même de la vie de nos concitoyens.

J'espère pouvoir être rassuré sur le sujet.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme Michèle Alliot-Marie. Elle m'a chargé de vous répondre sur ce sujet qui, en tant qu'élu rural d'un département voisin du vôtre, me préoccupe aussi.

Cette question importante, qui a déjà été posée à plusieurs reprises au sein de votre hémicycle, mérite une réponse franche.

Le Gouvernement va revoir l'organisation du secours à la personne, en instaurant une collaboration entre les différents acteurs, ainsi que l'a annoncé le Président de la République lors de la cérémonie de clôture du 114e congrès national des sapeurs-pompiers, le 29 septembre dernier.

En matière de secours à la personne, les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, ont effectué 2,5 millions d'interventions en 2006, soit 70 % de leur activité opérationnelle, avec un taux de croissance de 7 % par rapport à l'année précédente.

Ces missions impliquent des relations permanentes entre les différents acteurs, en premier lieu les services d'aide médicale urgente, les SAMU. Leur médicalisation a permis de diminuer de 30 % la mortalité des urgences vitales ces dernières années. Ces progrès sont le fruit de tous les acteurs du secteur de l'urgence.

Notre objectif commun est clair : il faut mieux organiser, mutualiser davantage les moyens, mieux coordonner pour gagner en qualité, de façon que chacun soit encore plus opérationnel au service de nos concitoyens. C'est dans cet esprit que le ministre de l'intérieur a installé, le 16 novembre 2007, avec le ministre de la santé un comité quadripartite regroupant les deux administrations de tutelle, ainsi que les urgentistes et les sapeurs-pompiers. La mission de ce groupe est d'élaborer les procédures partagées et les instructions qui permettront cette évolution.

Ainsi, la coordination régionale entre les SDIS et les SAMU se concrétisera, dès 2008, par un rapprochement systématique des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques et des schémas régionaux pour l'organisation des urgences médicales et du secours à personnes. Mme Michelle Alliot-Marie a signé le 31 décembre dernier, avec Roselyne Bachelot, une circulaire en ce sens.

Pour faire face à une augmentation sans précédent des demandes d'interventions, il est nécessaire de repenser les modes opératoires de réception des appels au « 15 » et au « 18 » et l'interconnexion entre les différentes structures. La coopération opérationnelle entre les SDIS et les SAMU sera améliorée grâce aux technologies de l'information, qui facilitent les échanges de données en temps réel.

Dès 2008, la mise en service d'outils de radiocommunications numériques partagés sera développée.

Pour une utilisation plus rationnelle des ressources, une expérimentation sera lancée également en 2008. L'objectif sera d'envoyer le plus rapidement possible une équipe auprès de la victime pour évaluer, sous le contrôle du centre « 15 », la réponse médicale la plus appropriée. Un comité de suivi évaluera l'efficience de ce système de réponse graduée pour valider une éventuelle généralisation nationale du dispositif, qui interviendrait en 2009.

Grâce au dévouement des sapeurs-pompiers et des personnels médicaux des SAMU, auxquels le Gouvernement veut une nouvelle fois rendre hommage, nos concitoyens bénéficient d'un système de secours efficace sur l'ensemble de notre territoire.

Ce système peut et doit être amélioré pour s'adapter aux besoins actuels, liés notamment aux enjeux démographiques. C'est l'engagement que prend le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de vos propos rassurants, car ils correspondent à ce que je souhaitais entendre ! Ils sont en tout cas porteurs d'espoir puisqu'ils semblent manifester une volonté forte du Gouvernement d'aller dans le sens souhaité par de nombreux élus. Je me réjouis qu'il en soit ainsi.

Il est toutefois un point que je n'ai pas évoqué lors de la présentation de ma question et sur lequel je souhaite attirer l'attention : lorsque quelqu'un appelle le centre « 15 », il serait bon qu'il ait fait quelques études médicales parce qu'il lui est presque demandé d'établir le diagnostic. Il lui est en effet posé de telles questions avant que la décision d'intervenir ou non soit prise qu'il faudrait être un professionnel pour pouvoir y répondre ! Nous devons donc veiller à développer la faculté d'écoute et de compréhension chez ceux qui reçoivent les appels de telle sorte que l'efficacité soit au bout du chemin.

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