Question de Mme GONTHIER-MAURIN Brigitte (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 11/10/2007

Mme Brigitte Gonthier-Maurin attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le projet de réforme de la carte judiciaire et sur ses conséquences sur les conseils de prud'hommes dans les Hauts-de-Seine. Elle lui rappelle que ce département compte deux conseils prud'homaux, l'un à Nanterre et le second à Boulogne, où plus de 10 000 affaires sont traitées chaque année. Dans ces deux conseils, les greffiers sont en sous-effectif permanent ce qui conduit à un engorgement des affaires et à un allongement des délais de traitement, décourageant parfois les salariés de mener à terme leurs procédures. Partant de ce constat, elle se demande si, sous couvert de redéploiement, cette réforme ne va pas consister, au final, à donner moins de moyens à la justice prud'homale. Elle lui rappelle les engagements du Gouvernement de garantir, à tous les Français et donc à tous les salariés, une justice efficace et de proximité. Elle lui demande donc de bien vouloir lui préciser ses intentions concernant les conseils de prud'hommes dans les Hauts-de-Seine.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques publiée le 07/11/2007

Réponse apportée en séance publique le 06/11/2007

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 62, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La réforme de la carte judiciaire suscite un réel émoi. J'en veux pour preuve que plusieurs syndicats de magistrats et de personnels de justice appellent à la grève pour le 29 novembre prochain. Certains d'entre eux ont même boycotté la visite de Mme la garde des sceaux au palais de justice de Paris, la semaine dernière.

Cette « grogne » montante est sans doute la raison véritable pour laquelle le Gouvernement, invoquant la proximité des élections professionnelles, a décidé de reporter la réforme concernant les conseils de prud'hommes.

Selon les informations dont je dispose, et alors même que les deux ministres de tutelle affirment qu'il n'y a pas de calendrier arrêté et qu'aucun schéma préétabli n'existe, de 50 à 90 conseils de prud'hommes pourraient être regroupés, et donc certains disparaître, ce qui éloignerait encore davantage l'institution des salariés.

Le département des Hauts-de-Seine, que je représente dans cette assemblée, compte actuellement deux conseils prud'homaux, sis l'un à Nanterre, l'autre à Boulogne-sur-Seine. Chaque année, plus de 10 000 dossiers y sont traités, et le nombre de greffiers y est dramatiquement insuffisant.

Les seuls éléments connus concernant cette réforme sont les critères qui décideront de la suppression ou non d'une juridiction : le niveau de l'activité prud'homale, lié bien entendu à l'importance de l'activité économique, la démographie et l'existence d'un réseau de transports suffisant.

De prime abord, les Hauts-de-Seine pourraient se croire à l'abri. Il n'en est rien. Les délais séparant l'introduction d'un recours de la décision sont déjà bien trop longs, en l'état : plus de dix-sept mois dans la section « commerce », et vingt-trois mois dans la section « encadrement ». De tels délais sont bien évidemment préjudiciables aux salariés concernés et conduisent à ce que 45 % des affaires soient abandonnées avant jugement.

L'argument selon lequel un regroupement n'entraînerait pas une baisse du nombre global de greffiers n'est donc pas satisfaisant au regard de la situation actuelle, et celui qui tient à la possibilité de recourir à des moyens de transport efficaces pour rejoindre n'importe quel point du département ne l'est pas davantage : il suffit d'avoir dû se rendre d'Antony à Boulogne-sur-Seine pour en être convaincu.

La vraie réforme consisterait plutôt à créer un troisième conseil de prud'hommes et à garantir - j'y insiste - qu'aucune section ne sera supprimée.

C'est pourquoi je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, de bien vouloir me préciser les intentions du Gouvernement concernant les conseils de prud'hommes dans le département des Hauts-de-Seine et quelles mesures il envisage de prendre pour garantir à chaque salarié un droit d'accès réel à une justice efficace et de proximité.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Éric Besson, secrétaire d'État chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques. Madame la sénatrice, je voudrais d'abord excuser Mme la ministre de la justice qui, retenue par une obligation majeure, m'a prié de vous communiquer sa réponse.

Vous avez souhaité interroger Mme la garde des sceaux sur les conséquences, pour les conseils de prud'hommes des Hauts-de-Seine, du projet de réforme de la carte judiciaire.

Les conseils de prud'hommes, qui jugent les litiges du travail, sont au nombre de 271. Leur implantation est héritée d'une époque où dominaient les activités industrielles. Elle ne reflète pas la prépondérance actuelle du secteur tertiaire et n'est pas adaptée à la réalité économique et sociale de la France d'aujourd'hui.

Mme la garde des sceaux propose donc de rechercher un meilleur équilibre, tout en respectant la règle législative d'au moins un conseil de prud'hommes par ressort de tribunal de grande instance. Comme pour les autres juridictions, des regroupements sont envisagés en fonction des besoins liés à l'activité contentieuse.

L'objectif est, en effet, de permettre aux conseillers prud'hommes de juger suffisamment d'affaires pour acquérir le niveau de technicité nécessaire. C'est la garantie d'une justice prud'homale de qualité.

De même, l'accueil des justiciables doit être amélioré : tous les conseils de prud'hommes disposeront d'un greffe permanent, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Parallèlement, le nombre de conseillers prud'hommes pourrait être augmenté dans les conseils qui doivent faire face à une recrudescence d'activité.

Il convient de préciser que la loi impose comme préalable à toute réforme de la carte judiciaire prud'homale la publication au Journal officiel d'un avis détaillé par conseil de prud'hommes soumis à concertation locale et la consultation, au plan national, du Conseil supérieur de la prud'homie.

C'est dans le cadre de ces différentes phases de concertation que Rachida Dati - en liaison avec Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, et avec toutes les organisations représentatives des salariés et des employeurs - veillera à ce que les situations particulières soient examinées, notamment celle des conseils de prud'hommes des Hauts-de-Seine, qui vous tient à coeur.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le secrétaire d'État, je prends acte de ces engagements. Je serai particulièrement vigilante, aux côtés des personnels de justice - notamment ceux de la magistrature - ainsi que de l'ensemble des conseillers prud'hommes et des salariés.

Si j'ai tenu à attirer l'attention de Mme la garde des sceaux sur la situation actuelle dans les Hauts-de-Seine, c'est que les conseils de prud'hommes y sont déjà complètement surchargés. Cette situation aboutit à ce que près d'un cas sur deux soit de fait abandonné ou soit réglé par des accords qui, au final, se révèlent défavorables aux salariés.

La réforme des conseils de prud'hommes suscite en moi une vive inquiétude dans la mesure où elle s'inscrit à l'évidence dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire. S'agissant plus particulièrement des Hauts-de-Seine, le regroupement prévu entraînera la disparition de trois tribunaux d'instance. Vous comprendrez que, dans un tel contexte de pénurie, je demeure vigilante.

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