Question de Mme DEMESSINE Michelle (Nord - CRC) publiée le 25/10/2007

Mme Michelle Demessine interroge M. le secrétaire d'État chargé des transports sur le projet d'externalisation des services aux personnes à mobilité réduite de la SNCF et notamment des services de la région Nord - Pas-de-Calais.
Alors que les services d'accompagnement des personnes éprouvant des difficultés temporaires ou permanentes pour accéder à l'ensemble des trains de la région étaient accomplis par des agents SNCF, et ce gratuitement, pour toute personne qui en demandait l'usage, il est envisagé dès janvier 2008 de transférer ce service à une société filliale de la SNCF dans des conditions discriminatoires vis-à-vis des personnes en situation de handicap.

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Réponse du Secrétariat d'État aux transports publiée le 21/11/2007

Réponse apportée en séance publique le 20/11/2007

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, auteur de la question n° 77, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports, auquel il n'aura pas échappé que les bus et les métros fonctionnent à Marseille ! (Sourires.)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Et les trams également !

Mme Michelle Demessine. Depuis plus de huit ans, les gares SNCF de Lille-Flandre et de Lille-Europe ont développé un service d'aide aux personnes à mobilité réduite d'une telle qualité qu'il aurait pu inspirer l'article 45 de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

En effet, ce service entièrement gratuit, mis en place par des personnels tout d'abord en contrat jeune puis titularisés sous statut d'agent de la SNCF, se proposait d'accueillir et d'accompagner toute personne ayant besoin d'aide pour prendre le train, quelle que soit sa situation, c'est-à-dire, toute personne ayant des difficultés pour utiliser des transports publics, comme le définit la résolution législative européenne du 14 février 2001.

Depuis, et pour répondre aux impératifs dictés par l'article 45 de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la SNCF a entrepris une politique de mise en accessibilité de ses sites en créant, en 2006, le service « Accès plus ». Ce service a, tout d'abord, été défini pour permettre à tout voyageur à mobilité réduite de voyager par le train en toute sérénité grâce à la mise en place, en amont, des moyens et des informations nécessaires à une assistance de qualité.

Les agents des gares de Lille-Flandre et de Lille-Europe étaient, bien avant la mise en place de ce service « Accès plus », en conformité totale avec ces objectifs. Mais, aujourd'hui, loin de reconnaître le travail et la qualité des interventions de ces agents, la direction régionale de la SNCF annonce qu'elle confiera, dès le mois de février 2008, ce service à la société EFFIA, sans autre justification que celle de la rentabilité d'une prestation existante pour l'équilibre financier de la filiale du groupe SNCF.

La direction de la SNCF indique, en effet, qu'il est indispensable que cette activité soit payante afin d'endiguer un déferlement probable de demandes d'assistance gratuite de simple confort.

La gratuité initialement prévue par les textes et par les missions des salariés SNCF en charge de ce service est aujourd'hui réduite à trois catégories de voyageurs.

Tout d'abord, les personnes titulaires de la carte d'invalidité de 80 % et plus, puis - à la suite d'une protestation des agents SNCF - les titulaires d'une carte de réformé-pensionné de guerre, enfin, les clients utilisateurs d'un fauteuil roulant dans leur vie quotidienne et qui arrivent en gare avec leur fauteuil. Les autres personnes handicapées qui souhaiteront bénéficier de ce service devront s'acquitter d'une participation financière.

Non seulement nous assistons à une véritable régression du service public de la SNCF tel qu'il était développé jusqu'alors, mais il est clair que l'esprit de la loi de février 2005 est concrètement dévoyé, puisqu'il s'agit d'une véritable discrimination entre les personnes en situation de handicap.

L'action des cheminots dans les gares de Lille-Flandre et Lille-Europe, les 27 et 28 octobre derniers, a quelque peu ébranlé la direction régionale, qui s'est empressée d'ajouter les deux dernières catégories de personnes bénéficiaires que je viens de citer.

Lorsque les organisations syndicales font remarquer à la direction de la SNCF le caractère discriminatoire du service - gratuit pour certains, payant pour d'autres - elle leur répond que, pour ceux qui ne pourront pas payer, elle assurera la continuité du service public, sans préciser comment elle compte procéder, et justifie encore l'externalisation de ce service à sa filiale EFFIA.

Pour information, cette société EFFIA est de droit privé et ses personnels sont hors statut de l'entreprise publique. Les sept agents qui, jusqu'à présent, ont développé, sur la base du volontariat et de l'esprit de service public, une activité qui se doit de rester dans le coeur de métier des cheminots ne pourront contribuer au développement de ce service qu'au prix d'un emploi précaire et sous-rémunéré, puisque EFFIA annonce un coût de service de 40 % en deçà de celui de la SNCF !

C'est donc bien sur le dos des personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite que la SNCF privilégie la voie de la rentabilité par l'externalisation de ce service qui, jusqu'alors, constituait son identité nationale.

Monsieur le secrétaire d'État, si chaque région SNCF a une interprétation propre du service d'aide aux personnes à mobilité réduite, qu'en est-il de l'égalité de traitement sur le territoire en termes d'accessibilité ? On est en droit de se poser la question.

Les propositions de la direction régionale de la SNCF sont inapplicables ; elles sont source de conflits et d'incompréhension.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Madame Demessine, si je n'avais pas beaucoup de sympathie personnelle pour vous, je vous dirais que peu me chaut que ce soit un agent sous statut public ou sous statut privé qui se charge de ce service, à condition qu'il soit bien rendu et qu'il soit gratuit.

Le service public ne doit pas nécessairement être effectué par des agents du secteur public ; il doit être au service du public. Il peut donc être assuré aussi bien par des entreprises publiques que par des entreprises privées.

Cela dit, vos inquiétudes sont sans fondement, puisque la SNCF n'envisage pas de confier à un tiers son service d'accompagnement des personnes à mobilité réduite.

Mme Michelle Demessine. Ah bon ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Ce sont des agents de la SNCF, contrairement à ce qu'un article paru dans le journal 20 minutes laissait entendre, qui continueront à assurer ce service.

La SNCF n'a eu recours à des employés de sa filiale EFFIA, dans les gares de Lille, que pendant la durée d'une grève des personnels habituellement chargés de cette mission. C'est la volonté de continuité de ce service public, utile et apprécié, qui a entraîné l'intervention des salariés d'EFFIA.

L'assistance aux personnes handicapées dans les gares continuera d'être entièrement gratuite pour les titulaires d'une carte mentionnant un taux d'invalidité de 80 % ou plus. Il en ira de même pour le service « Accès plus », qui vise à apporter à la clientèle handicapée un accompagnent personnalisé au départ et à l'arrivée en gare, ainsi qu'un suivi pendant le trajet.

Madame Demessine, vous avez insisté, et à juste titre, sur l'application de la loi du 11 février 2005 ; Mme Roselyne Bachelot-Narquin y est également très attentive.

Cette loi prévoit la mise en accessibilité progressive des services de transport ferroviaire non seulement régionaux - sous l'autorité des conseils régionaux, par conséquent - mais aussi nationaux. Le processus sera totalement achevé le 12 février 2015 - en somme, bientôt ! -, afin de permettre aux personnes handicapées de se déplacer dans des conditions égales à celles qui sont faites à tous les autres clients du transport public.

Nous avons pour objectif commun d'améliorer ce service, et je crois que nous disposons d'une marge de progression.

Dans cette perspective, le Premier ministre a confié une mission à M. Jacques Domergue, député de l'Hérault et aussi médecin. Travaillant donc en ce moment auprès de moi, M. Domergue est chargé d'examiner toutes les modalités techniques envisagées pour mettre en accessibilité les transports publics urbains, conformément à la loi, mais aussi de proposer des mesures complémentaires et des ressources supplémentaires.

J'ai eu l'occasion récemment de visiter le réseau de transports de Seattle. Cette ville à municipalité démocrate compte parmi les plus avancées en la matière aux États-Unis où les services aux handicapés sont déjà particulièrement développés. En effet, la loi américaine oblige les autorités locales à assurer les déplacements des personnes handicapées quand les transports publics font défaut ou ne sont pas adaptés.

À l'occasion de cette visite, je me suis aperçu que c'est une entreprise française, Veolia, qui, sur la quasi-totalité du territoire américain, et en lien avec les municipalités, a développé des services garantissant aux handicapés une accessibilité bien plus grande que celle qui prévaut chez nous, tout en créant de très nombreux emplois.

Pour revenir en France, madame la sénatrice, nous nous donnons pour objectif d'aller encore plus loin, et ce en mobilisant les moyens des collectivités et de l'État.

En effet, notre pays compte de plus en plus de handicapés et de personnes âgées - tant mieux, d'ailleurs, car c'est le résultat des progrès de la médecine. Nous devons donc adapter notre réseau de transport public à cette réalité, d'autant que, plus une personne se trouve en situation de handicap, plus elle connaît des difficultés pour conduire, et plus elle a besoin des transports publics.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.

Le Gouvernement souhaite donc aller encore plus loin s'agissant de l'accessibilité de nos moyens de transport : la nouvelle est encourageante.

De même, j'ai bien noté que c'est la SNCF qui continuera à assurer le service d'accompagnent, ce qui me rassure et tranquillisera également les personnes handicapées ainsi que les agents concernés, qui exercent sous statut.

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