Question de M. de ROHAN Josselin (Morbihan - UMP) publiée le 30/11/2007

Question posée en séance publique le 29/11/2007

M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 2 décembre prochain vont se dérouler en Russie des élections législatives.

L'opinion publique a été alertée à plusieurs reprises par des atteintes graves et répétées à la liberté d'opinion, à la liberté d'expression, et même par l'incarcération des opposants.

M. Marcel-Pierre Cléach. Kasparov !

M. David Assouline. Et en Chine ?

M. Jean-Luc Mélenchon. Et en France ?

M. Josselin de Rohan. Or la Russie appartient au Conseil de l'Europe et à l'OSCE, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui !

M. Josselin de Rohan. Il entre dans la vocation de ces organisations internationales de contrôler les élections dans les pays membres.

M. Jean-Luc Mélenchon. Ça leur va bien !

M. Josselin de Rohan. Le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme, ou BIDDH, qui est une émanation de l'OSCE, s'est vu imposer par la Russie des restrictions sans précédent : limitation de la période d'observation, plafonnement draconien du nombre des observateurs, prétention à influer sur la composition de la mission.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vraiment, ça ne va pas du tout !

M. Josselin de Rohan. Devant ces obstructions répétées, le BIDDH a dû renoncer à exercer sa mission.

M. Yannick Bodin. Dommage qu'il n'aille pas en Chine !

M. Josselin de Rohan. Quant à l'assemblée parlementaire de l'OSCE, elle s'est vu proposer 30 postes d'observateurs pour 95 000 bureaux de vote. Dans ces conditions, le président de la délégation française à l'assemblée parlementaire de l'OSCE comme le président de la délégation britannique ont refusé de se rendre en Russie.

M. Yannick Bodin. Ils ont eu raison !

M. Josselin de Rohan. Parallèlement, le gouvernement français, comme d'autres gouvernements européens, a reçu une invitation bilatérale du gouvernement russe à envoyer des observateurs. Il a également été invité à prier son ambassadeur à Moscou d'assister à une réunion où le président de la commission de contrôle présenterait les observations de ladite commission et de se présenter le jour de l'élection pour observer la légalité dans les bureaux de vote.

M. le président. Exact !

M. Josselin de Rohan. Madame la secrétaire d'État, ma question est la suivante.

Le gouvernement français va-t-il accepter l'invitation des Russes, au risque de cautionner des élections antidémocratiques ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

Deuxièmement,...

M. Ivan Renar. Une seule question !

M. Josselin de Rohan. ...le gouvernement français est-il disposé à intervenir auprès de la Russie pour qu'elle respecte ses engagements internationaux ?

Troisièmement, et enfin, le gouvernement français est-il disposé à intervenir pour qu'on libère les opposants qui ont été injustement incarcérés ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Henri de Raincourt. Très bien !

M. Jean-Luc Mélenchon. La guerre froide est finie, mon pauvre monsieur de Rohan !

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Réponse du Secrétariat d'État chargé des affaires étrangères et des droits de l'homme publiée le 30/11/2007

Réponse apportée en séance publique le 29/11/2007

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Monsieur le sénateur, le 2 décembre, vous venez de le rappeler, de nouvelles élections législatives se tiendront en Russie. Ce scrutin marquera une étape essentielle avant l'élection présidentielle du 2 mars prochain.

Vous le savez également, le seuil minimal pour qu'une formation puisse siéger à la Douma a été récemment relevé de 5 % à 7 % des suffrages.

Compte tenu des conditions strictes fixées à l'enregistrement des partis politiques et des difficultés faites à des forces d'opposition divisées, ces élections opposeront pour l'essentiel le parti présidentiel « Russie Unie » et le parti communiste.

M. Jean-Luc Mélenchon. Eh bien ! Il n'y a qu'à voter communiste !

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Ce tête-à-tête n'est malheureusement pas un gage de pluralisme politique.

Les conditions dans lesquelles se déroule la campagne électorale ont conduit le mouvement d'opposition « Une autre Russie » aux « marches du désaccord » du week-end dernier, qui se sont soldées par l'arrestation de son chef, Gary Kasparov, condamné depuis à cinq jours de prison ferme.

Ce lundi, la France a exprimé publiquement son inquiétude devant ces événements, comme l'Allemagne et comme l'Union européenne dans son ensemble.

Vous l'avez rappelé, l'OSCE a effectivement dû renoncer à l'envoi d'une mission d'observation. Les autorités russes l'ont en effet invitée tardivement et ont fixé des règles draconiennes qui ne permettaient pas à cette mission d'observation de se dérouler dans de bonnes conditions.

La France, comme la plupart de ses partenaires européens, a décidé de ne pas envoyer d'observateurs dans un cadre bilatéral, parce que, comme l'OSCE, elle considère que les conditions d'un suivi sérieux de ce scrutin - 95 000 bureaux de vote répartis sur un territoire immense de 17 millions de kilomètres carrés - ne sont pas réunies.

Une présence internationale sera néanmoins assurée, et je tiens à remercier les parlementaires français qui y prendront part, soit au titre de l'assemblée parlementaire de l'OSCE, soit au titre de celle du Conseil de l'Europe.

Sur le terrain, il y aussi des ONG russes, des représentants de petits partis politiques, certes en nombre insuffisant, mais qui auront une part active dans la dénonciation des éventuelles errances du scrutin.

C'est d'ailleurs là que se trouve notre espérance : dans le développement de la société civile. Le combat mené par les avocats, par les journalistes, par les défenseurs des droits de l'homme, par les militants politiques, au péril de leur vie ou de leur liberté, est la preuve manifeste de sa vivacité. Nous avons tous à l'esprit le cas emblématique d'Anna Politkovskaïa.

Certes, ce combat s'accompagne de souffrances, mais nous ne devons pas nous contenter d'espérer que le temps fasse son oeuvre, au prix de nombreux sacrifices. Ici, notre devoir est double : d'une part, favoriser, multiplier les contacts de société civile à société civile et, d'autre part, sur le plan politique, convaincre le président Poutine, dans sa responsabilité d'homme d'État, que la Russie, ce grand pays, a tout à gagner à accélérer sa marche vers la démocratie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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