Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 01/11/2007

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat interroge M. le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer sur les propos inquiétants et ambigus au regard de l'exigence de respect envers l'accord de Nouméa, que celui-ci aurait tenus lors d'une récente visite en Nouvelle-Calédonie.
En effet, Monsieur le Secrétaire d'État, selon ses informations, aurait insisté sur le renforcement du rôle de l'État et souligné que « l'avenir de la Nouvelle-Calédonie est dans la France ».
De telles affirmations vont à l'encontre de l'accord de Nouméa auquel la France a officiellement souscrit et du processus de décolonisation engagé par cet accord. Elles ne peuvent qu'engendrer une suspicion légitime quant aux intentions du Gouvernement français.
Elle lui demande de confirmer en toute clarté l'engagement du Gouvernement et des plus hautes autorités de l'État quant au respect de l'accord et du processus de Nouméa.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'outre-mer publiée le 21/11/2007

Réponse apportée en séance publique le 20/11/2007

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 85, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d'État, aux yeux de tous, l'accord de Nouméa signé le 5 mai 1998 a marqué une étape déterminante dans l'histoire de la Nouvelle-Calédonie. Différentes composantes de la population ont alors compris qu'il n'était plus possible d'exclure les Kanaks d'une solution politique nécessaire, et ce pour le bien de tous. L'accord fut approuvé, lors d'un référendum, par 72 % de la population de la Nouvelle-Calédonie, preuve qu'il répondait aux attentes et aux espoirs de celle-ci, en ouvrant une voie vers l'avenir.

Le peuple kanak, implanté dans ces îles depuis plus de quatre mille ans et dont les droits les plus fondamentaux - notamment le droit à la terre - ont été bafoués, voyait enfin son identité affirmée. À cet égard, il est très important que l'accord de Nouméa ait reconnu, dès son préambule, les ombres ayant accompagné la présence française colonisatrice. L'accord a offert aux femmes et aux hommes attachés à leurs racines une nouvelle perspective.

C'est un long processus qui s'est donc mis en place en 1998, processus que la France se devait d'accompagner démocratiquement et efficacement, dans l'esprit et dans la lettre, et elle s'y est engagée en l'intégrant dans sa Constitution.

Monsieur le secrétaire d'État, vous vous êtes rendu, en octobre dernier, en Nouvelle-Calédonie. Vous auriez insisté sur le renforcement du rôle de l'État et souligné que « l'avenir de la Nouvelle-Calédonie est dans la France ». Certains n'ont pas manqué de relever de tels propos, qui me semblent contraires à l'accord de Nouméa et au processus de décolonisation qu'il a engagé, car ils mettent en cause la confiance qui sous-tend nécessairement l'application d'un tel processus et suscitent l'inquiétude des populations concernées.

Avec les accords de Matignon, puis l'accord de Nouméa, la France a su tirer les conséquences des événements graves qui faillirent précipiter le territoire dans le chaos. Elle se doit d'être totalement respectueuse des engagements pris et de la parole donnée aux populations calédoniennes, et de contribuer activement à donner corps aux dispositions et orientations de l'accord de Nouméa.

Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite que vous confirmiez aujourd'hui en toute clarté l'engagement du Gouvernement et des plus hautes autorités de l'État quant au respect de l'accord et du processus de Nouméa, jusqu'à la phase ultime, à savoir le référendum sur l'indépendance.

En outre, j'aimerais connaître la date de la prochaine réunion du comité des signataires, annoncée par le Premier ministre.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Madame le sénateur, vous me reprochez d'avoir exprimé mon espoir de voir les Néo-Calédoniens décider que la Nouvelle-Calédonie reste au sein de la France le jour où se tiendra le référendum d'autodétermination, entre 2014 et 2018. Mais il est du rôle d'un homme politique que de défendre la vision qui est la sienne, et ce dans le respect des accords conclus.

Sur un tel sujet, il faut toujours rester prudent ! Vous avez utilisé un mot dangereux en parlant de « référendum sur l'indépendance ». Je vous rappelle qu'il s'agit non pas d'un référendum sur l'indépendance, mais d'un référendum sur l'autodétermination, qui permettra justement aux Néo-Calédoniens de choisir ce jour-là entre l'indépendance de leur pays ou son maintien au sein de la France. Sans doute vos propos ont-ils dépassé votre pensée...

Lors de mon déplacement, j'ai en effet confirmé l'attachement de l'État à l'application de l'accord de Nouméa. Je crois à une démarche politique fondée sur le consensus, le respect des engagements et la recherche constante de la volonté de vivre ensemble. C'est pourquoi le respect de cet accord, conclu entre les représentants de la Nouvelle-Calédonie et l'État, approuvé par tous et inscrit dans notre Constitution, est fondamental. Mais j'insiste sur la liberté de choix qui revient aux Néo-Calédoniens, et à eux seuls. Nous respecterons ce choix, même s'il n'est pas le nôtre. Le rôle de l'État impartial est d'être le garant des accords passés, et cela s'applique également au principe du rééquilibrage territorial, économique et social de la Nouvelle-Calédonie.

J'ai rencontré sur place tous les responsables politiques, et j'ai réaffirmé cette position, y compris auprès des présidents indépendantistes de la province Nord et de la province des îles Loyauté. J'ai le sentiment que ce message a été entendu.

En matière économique, la volonté de l'État est d'accompagner les deux grands projets miniers du Nord et du Sud, considérés comme des facteurs déterminants.

Nous pouvons ainsi nous réjouir de la décision de la société Xstrata de s'engager dans le projet d'usine du Nord, qui s'avère essentiel en termes de rééquilibrage territorial, car il a vocation à irriguer profondément la vie économique et sociale de la région Voh-Koné-Pouembout et, de façon plus générale, la province Nord et toute la Nouvelle-Calédonie.

Dès la phase de construction, 2 000 emplois devraient être créés, et d'autres le seront par la suite, durant la phase d'exploitation. Un ensemble d'infrastructures au titre du développement ou de l'aménagement du territoire, notamment un port et des routes, doit également voir le jour avec ce chantier.

Le Premier ministre a en outre décidé, à ma demande et à la suite de mon déplacement, de réunir le comité des signataires le 20 décembre prochain. Ce sera l'occasion de faire le point sur l'application de l'accord de Nouméa en ce qui concerne tant l'exercice par les collectivités calédoniennes de nouvelles responsabilités - elles seront alors en mesure de demander, conformément à la loi constitutionnelle, le transfert de nouvelles compétences - que le développement économique, social et culturel de la Nouvelle-Calédonie.

Madame le sénateur, lors de l'élection présidentielle du printemps dernier, 65 % des Néo-Calédoniens ont choisi Nicolas Sarkozy comme Président de la République ; avec un score à peu près équivalent, ils ont ensuite élus, pour les deux siègent qui leur reviennent à l'Assemblée nationale, deux députés de la majorité.

C'est précisément parce que l'État impartial apporte aujourd'hui la garantie du respect de l'accord de Nouméa et permet sa mise en oeuvre en faveur du développement économique et social et de l'aménagement du territoire de la Nouvelle-Calédonie que les Néo-Calédoniens ont fait ce choix. J'ai le sentiment que ces derniers ne se tromperont pas lors du référendum d'autodétermination et qu'ils opteront, dans une large majorité, pour le maintien de la Nouvelle-Calédonie au sein de la France, en réaffirmant leur attachement à la République. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d'État, je prends acte de la date de la réunion du comité des signataires le 20 décembre prochain.

Pour le reste, vous savez fort bien que l'on a sans cesse tenté de remettre en cause l'accord de Nouméa. Vous m'assurez que la France garantira son processus jusqu'à ce que les Néo-Calédoniens s'expriment. Vous vous engagez, mais vous parlez quasiment plus comme un militant...

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État. Comme vous !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non ! Moi, je veux que le processus soit respecté. Or, on le sait très bien, dernièrement, les tentatives ont été nombreuses pour le mettre à mal. Vous me dites qu'il sera respecté, vous engageant même de manière militante. Pour notre part, nous attendons surtout que l'État nous dise ce qu'il fera ou ne fera pas !

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