Question de M. BIZET Jean (Manche - UMP) publiée le 01/11/2007

M. Jean Bizet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les inquiétudes exprimées par la filière laitière française face à l'incapacité de produire l'intégralité de la référence laitière nationale.

Depuis quatre campagnes laitières, la production laitière nationale n'atteint pas les possibilités de production dont dispose la France avec sa quantité nationale garantie établie dans un cadre communautaire. L'accentuation de cette sous-production devient particulièrement préoccupante.

En effet, les principales conséquences de cette situation sont pénalisantes pour notre secteur laitier :

- qui, d'une part, ne peut bénéficier pleinement de la bonne tenue des marchés mondiaux par manque de matière première; cela se concrétisant par une perte de création de richesse;
- qui, d'autre part, constate, à l'heure du « bilan de santé » de la PAC que plusieurs états membres évoquent les possibilités de transfert des quotas laitiers « sous-réalisés » vers des pays contraints par leurs quantités nationales garanties. Une telle décision diminuerait durablement la capacité économique du secteur laitier français.

A ce jour, la tendance reste orientée vers une sous-réalisation nationale pour la campagne en cours de – 900 000 à
1 000 000 tonnes.

Face à l'évolution du contexte laitier mondial et européen, les règles françaises de gestion de la production laitière apparaissent maintenant inadaptées. Permettant de pénaliser les producteurs dépassant leur quota, même si la France est en sous-réalisation massive, le système français, unique dans l'Union européenne, est lourd de contraintes handicapant la reprise de la production chez les producteurs dynamiques et prêts à se développer. Une des voies permettant d'inverser cette tendance, tout en restant dans le cadre de la maîtrise laitière européenne, est de ne pas appliquer de pénalité aux producteurs, tant que la France ne dépasse pas sa quantité nationale garantie. Une décision de cet ordre pourrait permettre un redressement significatif de la production laitière.

Il le remercie de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il entend prendre pour atteindre l'objectif fixé de produire toute la référence laitière nationale.

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Réponse du Porte-parole du Gouvernement publiée le 19/12/2007

Réponse apportée en séance publique le 18/12/2007

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, auteur de la question n° 93, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Bizet. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les inquiétudes exprimées par la filière laitière française face à l'incapacité de produire l'intégralité de la référence laitière nationale.

Depuis quatre campagnes laitières, la production laitière nationale n'atteint pas les possibilités de production dont dispose la France avec sa quantité nationale garantie établie dans un cadre communautaire. L'accentuation de cette sous-production devient particulièrement préoccupante.

Je rappelle que, pour l'année laitière en cours, qui va d'avril à avril, la sous-réalisation était de 630 000 tonnes. Cette année, il est fort probable que nous approchions les 900 000 tonnes, voire 1 million de tonnes.

En effet, les principales conséquences de cette situation sont pénalisantes pour notre secteur laitier.

D'une part, le secteur ne peut bénéficier pleinement de la bonne tenue des marchés mondiaux par manque de matière première, cela se concrétisant par une perte de création de richesse. C'est un peu de pouvoir d'achat en moins pour les agriculteurs.

À l'heure où il est beaucoup question du pouvoir d'achat de nos concitoyens, n'oublions pas celui des agriculteurs dans notre pays. Ces derniers enregistrent une perte en raison de l'impossibilité de produire davantage. Certaines contraintes administratives sont, aujourd'hui, inappropriées.

D'autre part, on constate, phénomène beaucoup plus inquiétant, à l'heure du bilan de santé de la politique agricole commune, la PAC, que plusieurs États membres évoquent les possibilités de transfert des quotas laitiers sous-réalisés vers des pays contraints par leurs quantités nationales garanties.

Une telle décision diminuerait durablement la capacité économique du secteur laitier français. Ce serait la mesure la plus dramatique qui soit pour l'avenir de la filière laitière nationale.

À ce jour, je le répète, la tendance reste orientée vers une sous-réalisation nationale pour la campagne en cours, de près de 1 million de tonnes.

Face à l'évolution du contexte laitier mondial et européen, les règles françaises de gestion de la production laitière apparaissent maintenant inadaptées.

Permettant de pénaliser les producteurs dépassant leur quota, même si la France est en sous-réalisation massive, le système français, unique dans l'Union européenne, est lourd de contraintes qui handicapent la reprise de la production chez les producteurs les plus dynamiques et prêts à se développer.

Une des voies permettant d'inverser cette tendance, tout en restant dans le cadre de la maîtrise laitière européenne, serait de ne pas appliquer de pénalité aux producteurs tant que la France ne dépasse pas sa quantité nationale garantie.

Une décision de cet ordre permettrait de redresser significativement la production laitière et d'aborder 2015, soit la fin officielle des quotas, avec beaucoup plus de pertinence.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de bien vouloir m'indiquer les mesures qui seront prises pour atteindre l'objectif fixé de produire toute la référence laitière nationale, tout en permettant à certains producteurs de disposer d'une certaine souplesse.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Jean Bizet, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, retenu ce jour à Bruxelles pour défendre la politique agricole devant l'Union européenne.

En effet, vous avez raison de le rappeler, monsieur le sénateur, la France reste en situation de sous-réalisation au regard de sa référence nationale laitière, ce que l'on appelle « les quotas ».

Vous êtes un expert de ces questions, monsieur le sénateur, et vos remontées de terrain sont particulièrement utiles pour le suivi de notre politique agricole.

En tout état de cause, l'augmentation des prix et les assouplissements apportés à la gestion des quotas laitiers commencent progressivement à donner des résultats.

Le suivi hebdomadaire de la collecte laitière, conduit par l'Office de l'élevage, indique une reprise de la production depuis la fin du mois de novembre, ce qui devrait permettre de limiter le déficit de production, que vous avez souligné, pour la campagne actuellement en cours.

À l'échelon communautaire, la Commission souhaiterait, pour relancer la production laitière européenne, augmenter les références nationales, c'est-à-dire les quotas. C'est une décision importante et elle ne doit pas être prise à la légère. Michel Barnier a voulu adresser un message de prudence à l'ensemble de ses collègues européens. Une augmentation des quotas n'implique pas forcément une augmentation de la production.

Nous savons tous qu'il y a toujours un certain délai entre le moment où les mesures sont prises et celui où les résultats sont enregistrés. Cela suppose l'augmentation du cheptel bovin. Or il faut du temps pour augmenter son troupeau et être capable de produire plus. C'est une difficulté que tous les élus des territoires agricoles connaissent bien. Il s'agit de marchés qui sont très volatils, très réactifs, alors que la vie agricole et le rythme de la production agricole ont leurs pesanteurs.

Pour plusieurs pays, dont la France, l'enjeu est d'abord de réussir à atteindre notre quota actuel. Nous devons réaliser pleinement nos objectifs.

La proposition de la Commission, qui correspond désormais à une augmentation de 2 % des quotas, là où un certain nombre de pays avaient demandé un accroissement de 4 % à 5 %, témoigne que la voix de la France a été entendue.

Il conviendra, pour répondre à votre question sur le plan communautaire, monsieur le sénateur, de replacer cette discussion dans le cade général du bilan de santé de la PAC.

Vous le savez, le Gouvernement n'a pas l'intention d'attendre dans un coin que la PAC soit remise en cause. Nous souhaitons faire des propositions et faire preuve d'initiative.

L'avenir des quotas laitiers est l'un des principaux éléments de ce bilan de santé. Cette réflexion devra intégrer deux problématiques : l'avenir des outils de régulation des marchés - on le voit bien au travers de l'actuelle augmentation des prix des produits alimentaires - et l'équilibre des territoires. Une de nos priorités sera ainsi d'éviter la déstructuration des filières, en particulier dans les zones fragiles.

Pour revenir à votre question, monsieur le sénateur, par rapport à notre production nationale et notre objectif d'atteindre notre référence laitière, nous notons une reprise de la production depuis maintenant deux mois mais il nous faut tout faire pour la consolider.

C'est pourquoi des mesures supplémentaires d'assouplissement des règles de gestion des quotas ont été prises de façon pragmatique par M. Barnier. J'en donnerai quelques exemples.

Chaque producteur est désormais autorisé à augmenter sa production de 10 % à 15 %.

Par ailleurs, le remboursement de fin de campagne des producteurs dont la référence individuelle est inférieure ou égale à 140 000 litres est porté de 7 000 à 10 000 litres - vous connaissez parfaitement toutes ces questions, monsieur Jean Bizet.

Enfin, pour tenir compte des difficultés des producteurs laitiers situés dans les zones affectées par la fièvre catarrhale ovine, le ministre de l'agriculture et de la pêche a décidé d'accorder une franchise de dépassement de référence laitière de 10 000 litres pour les producteurs situés en zone de fièvre catarrhale ovine.

Voilà, monsieur le sénateur, les mesures que le ministre de l'agriculture et de la pêche entend prendre pour atteindre les objectifs fixés : parvenir dès maintenant pleinement à notre quota, grâce à des mesures pragmatiques pour encourager le mouvement de reprise de production, et agir sur le plan européen dans le cadre de la réflexion sur la PAC.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Je remercie M. le secrétaire d'État d'avoir répondu de façon très pragmatique et très claire.

Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour renouveler la confiance que nous accordons tous au ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Michel Barnier.

Je prends note, monsieur le secrétaire d'État, du redressement de la production, que vous annoncez, à compter du mois de novembre.

Je souhaite, malgré tout, mettre l'accent sur deux points.

D'une part, il faut essayer d'assouplir davantage les droits de la concurrence et renforcer l'organisation collective des filières, de façon à donner plus de pouvoir aux organisations de producteurs et aux interprofessions de la gestion du marché.

D'autre part, il ne faut pas oublier de lier très finement la production laitière et la politique de l'aménagement du territoire. La France offre cette particularité qu'on ne peut dissocier ces deux secteurs.

Au-delà de 2015, pour aboutir à une disparition des quotas laitiers, je crois très fermement qu'il faut lier quotas laitiers et contractualisation avec les transformateurs.

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