Question de Mme BEAUFILS Marie-France (Indre-et-Loire - CRC) publiée le 15/11/2007

Mme Marie-France Beaufils attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables pour que la question des nuisances sonores soit mieux intégrée dans le cadre de l'enquête publique sur la ligne à grande vitesse Sud Europe Atalntique (LGV SEA). La directive européenne du 25 juin 2002 relative à l'évaluation et à la gestion du bruit pour l'adoption d'un plan d'action aux abords des grandes infrastructures de transport définit de nouveaux critères. Elle voudrait savoir si les dernières réglementations suite à la transposition par ordonnance de ce texte, le 12 novembre 2004, ont bien été prises en compte. Le dossier d'enquête publique, dans sa partie juridique et administrative, ne semble évoquer que des textes antérieurs à 1999. Elle lui demande si le Gouvernement envisage de prendre la décision d'abaisser les seuils de niveau sonore, comme l'ont déjà fait d'autres pays européens, ceci dans l'intérêt des riverains de ces grandes infrastructures de transport.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'écologie publiée le 16/01/2008

Réponse apportée en séance publique le 15/01/2008

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 106, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la secrétaire d'État, l'une des préoccupations majeures qu'évoquent les riverains concernés par la future ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, la LGV SEA, concerne les conséquences du bruit sur la santé de chacun.

L'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, rappelle que « le bruit est non seulement une nuisance mais encore une menace grave pour la santé [...]. Le bruit peut être à l'origine de déficits auditifs, gêner la communication, perturber le sommeil, avoir des effets cardio-vasculaires et psychophysiologiques » et provoquer bien d'autres effets sur notre santé ».

Or, la réglementation française présente de grandes lacunes et a quelques difficultés à assimiler les recommandations de l'OMS, voire à respecter les directives européennes en la matière.

Pour que le sommeil ne soit pas perturbé, l'OMS recommande, entre 22 heures et 7 heures, un niveau de bruit inférieur à 30 dB(A).

Je vous demande donc, madame la secrétaire d'État, que les recommandations de l'OMS concernant les bruits extérieurs soient retenues pour améliorer le projet de création de cette nouvelle ligne à grande vitesse.

Cela serait d'ailleurs conforme à l'esprit de ce que soulignait en novembre 2005 un document du ministère de l'écologie intitulé La prévention du bruit des infrastructures : Construction d'une nouvelle infrastructure de transports terrestres ou modification d'une infrastructure existante, qui rappelle que les réglementations peuvent être dépassées et indique ce qui peut être fait au-delà des obligations réglementaires. Il y est également demandé de « ne pas négliger l'intérêt d'une analyse des effets cumulés du projet et des autres infrastructures, existantes ou envisagées, en termes de nuisance prévisible, autant que possible ».

Pour ce qui est du projet LGV SEA, il faut remarquer que son cumul avec l'autoroute, qui passera en deux fois trois voies avant la mise en circulation du TGV, et avec l'ancienne voie de chemin de fer, qui accueillera le trafic marchandises, aggravera les conditions de vie des riverains. Or ce cumul n'est pas pris en compte dans le projet actuellement présenté à la population.

Une autre question importante est celle du respect des normes européennes contenues dans la directive de 2002 pour la prise en compte du bruit en soirée, en particulier, de 18 heures à 22 heures.

Vous savez comme moi, madame la secrétaire d'État, que l'étude d'impact des bruits n'a été réalisée pour ce projet que sur la seule base des périodes diurnes et nocturnes, sans tenir compte de la période du soir. Il est donc indispensable de reconsidérer les études en cours pour la future ligne et de rendre ces nouvelles dispositions réglementaires. Cela améliorerait les futurs projets d'infrastructure dès leur conception.

Le Grenelle de l'environnement propose « de résorber en cinq ans les points noirs du bruit liés aux infrastructures de transport ». Or le projet de ligne LGV Atlantique en créera de nouveaux, ce qui serait un non-sens. C'est pourquoi je ne peux que soutenir les élus et les riverains qui dénoncent de la façon la plus forte cet aspect du projet.

Le directeur du développement de voyageurs France Europe, M. Leboeuf, annonçait dès novembre 2006, dans un numéro de Rail et Recherche, une offre future à 350 kilomètres par heure. Un an plus tard, le 17 décembre 2007, avant-veille de la clôture de l'enquête publique, Le Figaro reprenait cette information : « Les TGV du projet de LGV Atlantique ne rouleront pas en 2013 à 320 kilomètres par heure mais à 360, grâce à un écartement exceptionnel des voies qui permettra le croisement des rames à 360. » Les nuisances seront donc très supérieures à ce qui est prévu dans le dossier d'enquête.

Je vous demande donc une enquête « spéciale bruit » afin que les dispositions proposées par les riverains - tranchées ou tranchées couvertes, par exemple - pour intégrer les nuisances figurent vraiment dans le projet.

Il est urgent, madame la secrétaire d'État, de préciser rapidement, à l'échelon réglementaire, de nouveaux seuils plus respectueux de la santé de nos concitoyens. C'est ce que demandent les riverains, c'est ce que demandent les maires de mon département, c'est ce que demandent également de nombreux acousticiens, et c'est la réponse que je souhaiterais que vous nous apportiez, afin que le projet de ligne à grande vitesse intègre dès maintenant les modifications indispensables à la résolution de ces problèmes.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Madame la sénatrice, vous avez raison de le souligner : le bruit n'est pas seulement une question de confort, c'est aussi - c'est désormais démontré - une question de santé.

La réalisation de la section Tours-Angoulême de la branche Tours-Bordeaux de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, dont les modalités viennent d'être présentées dans le cadre de l'enquête publique, se fera dans le strict respect de la réglementation communautaire et française en vigueur en matière de lutte contre les nuisances sonores.

Vous avez montré, madame, que vous connaissez fort bien l'encadrement réglementaire. La directive européenne du 25 juin 2002 relative à l'évaluation et à la gestion du bruit dans l'environnement, transposée dans le code de l'environnement par l'ordonnance du 12 novembre 2004, précise les modalités harmonisées au niveau européen de calcul des nuisances sonores des infrastructures de transport et demande que soit réalisée une cartographie de ces nuisances.

La réglementation française, issue de la loi de 1992 et de ses textes d'application, imposait déjà et continue d'imposer pour les infrastructures nouvelles une obligation de résultat à des niveaux de nuisance sensiblement inférieurs à ceux que fixe la directive européenne : c'est naturellement à ces textes-là que nous nous référons plutôt, puisqu'ils sont plus favorables.

La transposition de la directive européenne n'a donc pas modifié ce niveau d'exigence, plus favorable, que respectera la nouvelle ligne à grande vitesse.

Concrètement, des dispositifs de protection à la source seront mis en place, tels que des écrans et des merlons acoustiques, et leur hauteur adaptée en fonction des configurations d'implantation et des caractéristiques du bâti à protéger ; 9,4 kilomètres d'écrans acoustiques et 20,5 kilomètres de merlons acoustiques sont ainsi prévus.

De plus, lorsque les protections à la source ne seront pas suffisantes ou lorsque, pour des raisons techniques, elles ne seront pas envisageables, une isolation de façade sera mise en oeuvre, naturellement après concertation avec les riverains. En cas de difficulté à la réalisation de ces protections, l'acquisition des bâtiments à usage d'habitation exposés au-delà de la norme réglementaire sera systématiquement proposée par le maître d'ouvrage aux riverains concernés. Enfin, les aménagements paysagers qui seront réalisés permettront encore d'abaisser les niveaux sonores aux abords du projet.

Je préciserai en conclusion que, dans le Grenelle de l'environnement, ce sujet a fait l'objet de longues discussions, car, bien que nos normes soient déjà plus favorables que les normes européennes, nous souhaitons aller plus loin encore. Un comité opérationnel est donc chargé de définir un plan destiné à rattraper le retard - la nouvelle ligne à grande vitesse n'est donc pas concernée - et, peut-être, à proposer aussi un renforcement des normes sur les nouvelles infrastructures.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. J'ai bien entendu vos propos, madame la secrétaire d'État. Cependant, j'y insistais tout à l'heure, lorsque l'on travaille sur le dossier d'enquête publique, comme je l'ai fait avec les maires du département, comme cela a été fait aussi dans le cadre du syndicat de schéma de cohérence territoriale, on constate que, pour le moment, les cumuls d'infrastructures existantes ne sont pas pris en compte.

La mise à deux fois trois voies de l'autoroute A 10, je l'évoquais, sera réalisée avant la ligne à grande vitesse et, comme le trafic des marchandises sur la voie ancienne, s'ajoutera à cette nouvelle infrastructure. Or ces éléments ne sont pas intégrés. La réglementation est-elle insuffisante ? L'étude a-t-elle été conduite sans que ces aspects soient véritablement pris en considération ? Toujours est-il que les maires et les riverains souhaiteraient obtenir du ministre l'assurance qu'il en sera tenu compte.

Ils le souhaitent d'autant plus que, lorsqu'ils ont avancé des propositions - j'ai mentionné la possibilité de creuser des tranchées plus profondes ou, dans certains cas, de réaliser des tranchées couvertes, puisque les nuisances seront très fortes dans des zones très habitées -, on leur a toujours répondu que cela coûterait trop cher. L'impression finit par s'imposer que, parce qu'on a voulu encadrer le coût de cette infrastructure - je rappelle que des négociations sont en cours sur une forme de concession pour la réalisation de la voie -, on est amené à refuser de prendre en compte la réalité de ces nuisances. À l'époque de la réalisation du TGV Atlantique Paris-Tours, on a bien accepté de passer en souterrain sous les vignobles de Vouvray ; il me semble que la suite du projet ne mériterait pas moins.

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