Question de M. RAOUL Daniel (Maine-et-Loire - SOC) publiée le 14/12/2007

Question posée en séance publique le 13/12/2007

M. Daniel Raoul. Même si je salue la féminisation du banc du Gouvernement, je m'interroge sur l'identité de mon interlocuteur.

Je souhaite, en effet, interroger le Gouvernement au sujet de l'avenir du livret A et des conséquences de la décision envisagée sur le financement du logement social.

Cette question, en fait, s'adresse plus particulièrement au Président de la République puisqu'il a souhaité mardi, à Vandoeuvre-lès-Nancy, prendre à revers tout à la fois la position de la France auprès de la Commission européenne, les déclarations de Mme Lagarde devant une de nos commissions et les associations d'élus de toutes tendances, qui sont en train de se mobiliser pour soutenir le recours de la France déposé par le Premier ministre auprès de la Cour de justice des Communautés européennes, la CJCE, en juillet dernier. On entend dire, depuis hier, que la France retirerait ce recours.

Ainsi a-t-on appris mardi que le Président de la République « ne verrait pas d'inconvénient à ce que la distribution du livret A soit élargie à d'autres réseaux bancaires ».

M. Guy Fischer. C'est scandaleux !

M. Daniel Raoul. Non seulement une telle annonce intervient avant même que ne soit achevé le rapport demandé à M. Camdessus, ce qui est choquant, mais de plus cet élargissement, appelé « banalisation », comporte de réels risques.

Comme vous le savez, l'épargne des livrets A représente le principal mode de financement du logement social. Les sommes collectées, centralisées à la Caisse des dépôts et consignations, la CDC, alimentent les prêts à taux bonifiés accordés par cette dernière aux organismes de logement social.

En effet, 70 % du financement de chaque nouveau programme de logements sociaux provient de ces prêts à long terme. Or on entend également dire que la centralisation à la CDC serait mise à mal et que seulement 50 % à 70 % des sommes seraient centralisées dans un premier temps. Quid de l'avenir ?

Le financement du logement social par le livret A permet aujourd'hui de transformer une épargne de court terme en prêts à long terme et exerce une fonction sociale, en particulier pour les personnes surendettées.

Or la « banalisation » du livret A introduit un risque majeur d'évaporation des fonds collectés au profit d'autres produits d'épargne.

Une diminution de l'encours des fonds du livret A aurait des conséquences irréversibles sur la solidité financière du système de financement du logement social dont la CDC est le garant.

Avec mes collègues du groupe socialiste du Sénat, je souhaite donc interroger le Gouvernement.

Qu'en est-il du recours de la France auprès de la CJCE ? Sera-t-il maintenu, comme le commandent nos intérêts, ou sacrifié sur l'autel des intérêts bancaires ?

Comment l'État sauvegardera-t-il l'un de ses principaux instruments d'action en faveur du logement - la CDC -, mais aussi en faveur d'autres politiques publiques telles que la politique industrielle : confer EADS ?

Sans le rôle de la CDC de centralisation de l'encours et sans son activité de prêt aux organismes HLM, tout le logement social est fragilisé.

Quelles garanties le Gouvernement apporte-t-il sur le financement à long terme du logement social ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la consommation et du tourisme publiée le 14/12/2007

Réponse apportée en séance publique le 13/12/2007

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur Raoul, je vous rappelle que le livret A est aujourd'hui distribué par deux établissements : la Banque postale et les caisses d'épargne.

M. Daniel Raoul. Ça, on le sait !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Élargir la distribution du livret A permettrait de diffuser davantage un produit d'épargne qui est déjà le produit préféré des Français et qui reste performant.

Le Gouvernement a toutefois posé des conditions extrêmement strictes à un élargissement de sa distribution.

Il n'acceptera aucun compromis sur trois points.

Premièrement, toute évolution de la distribution du livret A devra permettre d'améliorer les conditions de financement du logement social, en termes de coût et de stabilité de la collecte.

La pénurie de logement, vous le savez, monsieur le sénateur, est un défi que le Gouvernement est déterminé à relever. Faire évoluer le livret A pour réduire les coûts de financement du logement social contribuerait à la réalisation de l'objectif du Gouvernement de créer 500 000 nouveaux logements par an.

M. Jean-Luc Mélenchon. C'est une blague !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Deuxièmement, toute évolution ne devra en aucun cas mettre en danger la situation économique des établissements qui distribuent aujourd'hui le livret A.

Troisièmement, toute évolution devra ne pas dégrader l'accessibilité bancaire des plus démunis, aujourd'hui souvent assurée grâce au livret A.

Sous ces trois conditions, et comme le Président de la République l'a indiqué il y a quelques jours, le Gouvernement est prêt à envisager la généralisation de la distribution du livret A.

Michel Camdessus remettra prochainement un rapport proposant des évolutions au Premier ministre. Dès la publication de ce rapport, Mme Christine Lagarde engagera des consultations avec l'ensemble des parties prenantes pour faire des propositions au Premier ministre.

Je veux terminer par deux précisions importantes.

Tout d'abord, comme vous le savez, monsieur le sénateur, la CDC joue aujourd'hui un rôle central dans le financement du logement social. La collectivité a en effet confié à la CDC la gestion des fonds déposés sur le livret A et leur utilisation pour faire des prêts au logement social. Il s'agit là d'une mission essentielle de la CDC, qui a développé une expertise reconnue dans ce domaine, au bénéfice de la collectivité. Le Gouvernement ne souhaite pas remettre en cause le rôle central de la CDC sur ce point.

Ensuite, en ce qui concerne l'évolution du taux du livret A, monsieur le sénateur, je veux vous dire que la formule de calcul du livret A est indexée sur l'inflation et un taux d'intérêt de référence : l'Euribor. Compte tenu de l'évolution de l'économie, on peut anticiper une hausse du taux du livret A au 1er février. On ne peut cependant pas prévoir quelle sera l'importance de cette hausse. En effet, les données statistiques nécessaires ne seront connues qu'au mois de janvier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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