Question de Mme ALQUIER Jacqueline (Tarn - SOC) publiée le 06/12/2007

Mme Jacqueline Alquier attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la demande, par un collectif d'associations, de l'abrogation de l'article 225-10-1 du code pénal relatif à l'incrimination du racolage public, passif comme actif.

Cet article, introduit par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, a des conséquences qui non seulement ne participent pas à l'amélioration de l'ordre et de la sécurité publiques, buts affichés de cet article, mais aggravent considérablement la situation des personnes prostituées.
On assiste aujourd'hui à une multiplication des arrestations et à une dégradation de leurs conditions de travail et de vie, liée à l'obligation de s'éloigner à la périphérie des villes pour fuir les arrestations, et à trouver de plus en plus souvent refuge dans la clandestinité. Elles se trouvent ainsi soumises à l'arbitraire policier, victimes de harcèlement voire de violences et d'humiliations. Leur sécurité et leur santé sont gravement mises en question.

A contrario des dispositions votées lors de l'examen de cette même loi sur la sécurité intérieure en novembre 2002, visant à combattre le proxénétisme et les réseaux mafieux, cette mesure accroît le danger d'être soumis à des proxénètes qui ont vite compris l'avantage à tirer de cet isolement forcé. Parallèlement les réseaux criminels ne sont pas inquiétés et continuent leurs activités en toute impunité.

Donc non seulement cet article de loi ne sert pas la lutte contre la traite des êtres humains mais elle s'avère contreproductive et criminogène. C'est pourquoi elle lui demande d'envisager l'abrogation de cette mesure.

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Réponse du Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales publiée le 28/02/2008

La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a correctionnalisé le racolage sous sa forme active ou passive (art. 225-10-1 du code pénal), pour maîtriser et endiguer la délinquance que génère la prostitution de voie publique, pour offrir de nouveaux moyens d'investigations aux services répressifs et pour organiser la protection des prostituées. L'application de l'article 225-10-1 du code pénal a permis de sécuriser certains quartiers de grandes villes où la prostitution prenait une ampleur de nature à troubler l'ordre public. La contrainte autorisée par la procédure de racolage offre l'occasion à la prostituée d'établir, tout en s'affranchissant des trafiquants, une relation avec les forces de sécurité et d'obtenir des renseignements sur son statut d'éventuelle victime et sur les droits qui y sont attachés, ainsi que sur les acteurs sociaux susceptibles de lui prêter assistance. L'office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), chargé de la coordination de l'ensemble des services opérationnels, est en outre en relation constante avec les associations de prise en charge des prostituées. L'identification des prostituées dans le cadre des procédures de racolage permet de mieux évaluer le phénomène et d'adapter les moyens de lutte contre les réseaux qui organisent et exploitent la prostitution. Ces mesures, conjuguées à la mobilisation des services répressifs et à une coopération internationale soutenue, ont eu un impact fort. La prostitution de voie publique et l'implantation de filières internationales de proxénétisme sur le territoire national ont fortement régressé. Le nombre de personnes mises en cause pour racolage recensées par les services de police et de gendarmerie est passé de 4 403 en 2005 à 3 267 en 2006, une tendance confirmée au cours de l'année 2007 avec 2 966 personnes mises en cause. En 2007, 598 proxénètes ont été mis en cause par les services de police, contre 746 en 2006. 28 réseaux internationaux et un réseau national ont été démantelés en 2007 contre 30 réseaux internationaux et un réseau national (sous couvert d'une cinquantaine de sites internet) en 2006. Cette baisse résulte aussi des nouvelles stratégies des trafiquants, qui redéploient leur activité vers des États aux législations plus souples ou réorganisent leur activité en utilisant Internet. La vigilance demeure donc nécessaire. Si la prostitution de rue est moins présente, elle s'exerce dorénavant sous d'autres formes (petites annonces dans les quotidiens locaux, bars à hôtesses, salons de massage, Internet...). La France a signé le 22 mai 2006 la convention du 16 mai 2005 du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains. L'application des dispositions de cette convention et de l'article 76 de la loi pour la sécurité intérieure a fait l'objet d'un décret du 13 septembre 2007 relatif à l'admission au séjour, à la protection, à l'accueil et à l'hébergement des étrangers victimes de la traite des êtres humains et du proxénétisme, modifiant le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'étranger victime d'une des infractions constitutives de la traite des êtres humains ou du proxénétisme prévues et réprimées par les articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, et susceptible de porter plainte ou de témoigner contre les auteurs de cette infraction, peut bénéficier d'une admission au séjour, de mesures d'accueil, d'hébergement, de protection sociale, ainsi que, en cas de danger, d'une protection policière pendant la durée de la procédure. Au regard de ces éléments, l'abrogation de l'article 225-10-1 du code pénal ne serait pas opportune.

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