Question de Mme KHIARI Bariza (Paris - SOC) publiée le 24/01/2008

Madame Bariza KHIARI attire l'attention de M. le Ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, sur le CV anonyme.
Ce dispositif, adopté par le Parlement dans la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 sur l'égalité des chances, n'a pu être mis en œuvre, faute de décret d'application.
Le 17 décembre 2007, lors de la cérémonie de clôture de l'année européenne de l'égalité des chances, le président de la Halde a remis 17 propositions d'actions pour engager une lutte plus efficace contre les discriminations. Parmi ces propositions, la Halde a notamment insisté sur la nécessité de mettre en oeuvre le CV anonyme.
Cet outil a une portée pédagogique évidente et permet de lutter contre le conformisme des recruteurs. Les études ont en effet montré que le taux de discrimination était le plus fort au moment de la sélection des CV et qu'il baissait très significativement après le premier entretien. Plusieurs entreprises, grandes ou petites, ont déjà mis en œuvre des procédures de recrutement anonymisées, sans rencontrer de difficultés particulières. C'est pourquoi elle souhaiterait connaître l'état d'avancement concernant la procédure de publication de ce décret.

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Transmise au Ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité


Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'écologie publiée le 06/02/2008

Réponse apportée en séance publique le 05/02/2008

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, auteur de la question n° 141, transmise à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Mme Bariza Khiari. Madame la secrétaire d'État, le 17 décembre dernier, lors de la cérémonie de clôture de l'année européenne de l'égalité des chances pour tous, Louis Schweitzer, le président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, a remis au Gouvernement un rapport comportant dix-sept propositions d'action pour engager une lutte plus efficace contre les discriminations.

Parmi ces propositions, la HALDE a insisté sur la nécessité de mettre en oeuvre le CV anonyme.

Cette proposition me paraît tout à fait opportune, mais je souligne qu'elle ne devrait pas avoir lieu d'être, puisque le principe du CV anonyme pour les entreprises de plus de cinquante salariés a été adopté par le Parlement dans la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances.

Mais cette disposition n'a pas été suivie d'effet depuis lors, faute de décret d'application, le gouvernement précédent et celui auquel vous appartenez n'ayant pas jugé utile d'appliquer la norme votée par la représentation nationale.

La lutte contre les discriminations dans l'emploi est difficile, en particulier dans le cas des discriminations indirectes. Elle doit passer par la création d'outils innovants, et le CV anonyme en est un. Il permet, au moins à l'étape du recrutement, de gommer les différences tant raciales que sociales, ne laissant la place qu'à des données objectives d'expérience et de formation.

Notre tradition de méritocratie républicaine impose l'anonymat aux concours et aux examens écrits. Il serait logique d'étendre ce principe au CV.

Le CV anonyme est un outil républicain, qui a une portée pédagogique évidente et qui permet de lutter contre le conformisme des recruteurs. Les études ont en effet démontré que le taux de discrimination était le plus fort au moment de la sélection des CV.

Plusieurs entreprises, grandes ou petites, ont déjà mis en oeuvre des procédures de recrutement anonymes sans rencontrer de difficultés particulières. Tel est notamment le cas des assurances AXA pour les emplois de commerciaux, et ce depuis 2005, avant même le vote du texte.

Les résultats sont probants puisque, avec le CV anonyme, le recrutement se trouve diversifié et correspond davantage à la diversité de notre société. Cette mesure est certainement bien plus efficace que toutes les politiques de quotas ou de discrimination positive, qui contribuent, elles, à stigmatiser encore davantage les populations déjà discriminées.

Madame la secrétaire d'État, quand le Gouvernement prendra-t-il les décrets d'application nécessaires à la mise en oeuvre et à la généralisation du CV anonyme ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Xavier Bertrand, qui est retenu à l'Assemblée nationale pour l'examen d'une proposition de loi.

L'article 24 de la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, inséré à la suite de l'adoption d'un amendement déposé par le président Nicolas About, fait obligation aux employeurs de plus de cinquante salariés d'examiner les informations communiquées par écrit par les candidats à un emploi dans des conditions préservant leur anonymat.

C'est ce que l'on appelle communément le CV anonyme, qui permet aux candidats à un emploi de ne pas subir de discrimination dès le premier contact, discrimination qui serait attestée par certaines enquêtes réalisées sous la forme de testing.

Comme vous l'avez indiqué, madame la sénatrice, la loi renvoie les modalités d'application à un décret en Conseil d'État. Le législateur a souhaité laisser le temps à la négociation sociale d'aboutir sur cette question.

En effet, les partenaires sociaux négociaient parallèlement l'accord national interprofessionnel relatif à la diversité dans l'entreprise, qui comportait une expérimentation des dispositifs visant à préserver l'anonymat des candidatures.

Cet accord a finalement été signé le 12 octobre 2006 par quatre organisations syndicales - la CFTC, la CGT, la CGT-FO et la CFDT - et trois organisations patronales - le MEDEF, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises et l'Union professionnelle artisanale - et il a été déposé auprès de la direction générale du travail le 23 mars 2007.

L'accord prévoit que chaque entreprise relevant de son champ d'application mettra en place, après information des représentants élus du personnel des entreprises qui en sont dotées, les procédures adaptées pour que les recrutements de toute nature, réalisés en interne ou en externe, soient exempts de toute forme de discrimination et visent à une diversification des sources de recrutement.

L'accord rappelle d'ailleurs que participent de cette démarche les expérimentations des dispositifs visant à préserver l'anonymat des candidatures, expérimentations dont les signataires doivent dresser un bilan à l'échéance du 31 décembre 2007.

À ce jour, les partenaires sociaux ne l'ont pas encore fait. Les organisations représentatives du personnel signataires ont toutefois demandé l'extension de l'accord national interprofessionnel, ce qui le rendrait obligatoire pour toutes les entreprises relevant des secteurs d'activité dont les organisations professionnelles signataires sont représentatives.

L'examen de l'extension de l'accord doit avoir lieu en sous-commission des conventions et des accords de la commission nationale de la négociation collective le 12 février prochain, pour une publication rapide de l'arrêté d'extension.

Xavier Bertrand rappellera à cette occasion aux partenaires sociaux que le Gouvernement attend beaucoup de l'évaluation qu'ils feront des dispositifs visant à préserver l'anonymat des candidatures.

Vous citiez les dix-sept propositions d'action formulées le 17 décembre dernier par la HALDE, qui invoque également la négociation entre les partenaires sociaux pour favoriser la mise en place de dispositifs de recrutement transparents et objectifs.

C'est la méthode que le Gouvernement continuera de privilégier.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de ces précisions. Je vous interrogerai de nouveau dans quelques mois sur l'état d'avancement de cette question.

La démarche contractuelle me convient ; pour autant, je ne suis pas certaine qu'elle aboutisse dans les temps.

Je profite de la présence de Mme Boutin pour souligner l'importance de la lutte contre les discriminations, notamment à l'emploi. Il faudrait que ce sujet soit l'un des axes principaux du « plan banlieues », qui sera présenté prochainement par le Gouvernement.

Le temps perdu dans l'engagement effectif de ce combat fait planer un doute sérieux sur votre volonté réelle de lutter efficacement contre les discriminations.

J'espère que le Gouvernement prendra les mesures nécessaires pour que la lutte contre les discriminations soit non seulement un slogan, mais également une réalité.

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