Question de M. REPENTIN Thierry (Savoie - SOC) publiée le 24/01/2008

sur la réforme de la carte judiciaire en Savoie. Alors que celle-ci prévoit la suppression des tribunaux d'instance de Saint-Jean-de-Maurienne et de Moûtiers, il souligne la spécificité géographique du ressort du tribunal de grande instance d'Albertville qui s'étale sur deux vallées, la Maurienne et la Tarentaise, et constitue un secteur de montagne regroupant deux tiers des domaines skiables de notre pays. Il lui rappelle en outre, l'existence d'un contentieux complexe concernant le droit des étrangers et lié à la présence du point de passage de Modane-Fourneaux. La suppression des tribunaux d'instance va accroître considérablement les distances et les temps de trajet des justiciables, alors même que ces justiciables sont souvent parmi les plus défavorisés de nos concitoyens, comme l'ont exprimé les élus de ces territoires, toutes tendances politiques confondues, à l'occasion d'une manifestation qui a eu lieu le 12 janvier 2008 dans le chef lieu d'arrondissement de Maurienne. La création putative d'une maison de la justice et du droit ne remplacera pas le tribunal dans ses missions. Par ailleurs, les élus, le barreau et les fonctionnaires du TGI expriment leur incompréhension quant à l'absence de création d'un pôle d'instruction à Albertville, dès lors que le tribunal dispose de cinq parquetiers et de deux juges d'instruction, du fait du grand nombre d'ouvertures de dossiers, d'instructions et de leur complexité, de la présence de locaux adaptés à l'accueil de ce nouveau service, et de l'activité économique toujours croissante du ressort notamment en matière industrielle et touristique. Le tribunal pourrait également être renforcé par l'installation d'un juge pour enfants. En matière pénale, le nombre de procédures annuelles s'élève à environ 20 000. De la même manière, compte tenu de la géographie montagnarde du ressort d'Albertville, la décision de transférer le contentieux commercial et le registre du commerce et des sociétés d'Albertville vers Chambéry se traduira aussi par un éloignement du service avec des dépenses supplémentaires inhérentes aux déplacements pour les justiciables. S'agissant du tribunal du conseil des prud'hommes d'Aix-les-Bains, des propositions ont été faites afin de maintenir cette institution à Aix-les-Bains : élargissement du périmètre de la juridiction, fusion des conseils de prud'hommes d'Aix-les-Bains et de Chambéry au sein de cette cité. Dans ces conditions, il lui demande de reconsidérer la réforme annoncée en prenant en compte la spécificité du ressort du tribunal d'Albertville, ainsi que celle des territoires de montagne, en l'occurrence la Maurienne et la Tarentaise avant toute décision définitive qui se traduirait par un délitement du service public de la justice.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé des sports publiée le 06/02/2008

Réponse apportée en séance publique le 05/02/2008

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la question n° 144, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Thierry Repentin. Je souhaite appeler l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réforme de la carte judiciaire en Savoie. Alors que la réforme de celle-ci prévoit la suppression des tribunaux d'instance de Saint-Jean-de-Maurienne et de Moûtiers, je tiens à souligner la spécificité géographique du ressort du tribunal de grande instance d'Albertville qui s'étale sur deux vallées, la Maurienne et la Tarentaise, un secteur de montagne regroupant deux tiers des domaines skiables de notre pays, spécificité à laquelle s'ajoute, notamment, le contentieux avec l'Italie lié au droit des étrangers au point de passage de Modane-Fourneaux.

La suppression des tribunaux d'instance va accroître considérablement les distances et les temps de trajet des justiciables, alors même que ces justiciables sont souvent parmi les plus défavorisés de nos concitoyens, réalité qu'ont exprimée les élus de ces territoires, toutes tendances politiques confondues, à l'occasion d'une manifestation qui a eu lieu le 12 janvier dernier dans le chef-lieu d'arrondissement de la Maurienne.

La création putative d'une maison de la justice et du droit à Saint-Jean-de-Maurienne ne remplacera pas le tribunal dans ses missions. Dire le contraire serait se moquer des habitants, des professionnels de la sécurité et de la justice et des élus locaux.

Par ailleurs, les élus, le barreau et les fonctionnaires du tribunal de grande instance expriment leur totale incompréhension quant à l'absence de création d'un pôle d'instruction à Albertville, dès lors que le tribunal dispose de cinq parquetiers et de deux juges d'instruction, du fait du grand nombre d'ouvertures de dossiers, d'instructions et de leur complexité, de la présence de locaux adaptés à l'accueil de ce nouveau service et de l'activité économique toujours croissante du ressort, notamment en matière industrielle et touristique. Le tribunal pourrait également être renforcé par l'installation d'un juge pour enfants.

En matière pénale, le nombre de procédures annuelles s'élève à environ 20 000, ce qui est important.

De la même manière, compte tenu de la géographie montagnarde du ressort du tribunal d'Albertville, la décision de regrouper le contentieux commercial et le registre du commerce et des sociétés d'Albertville se traduira aussi par un éloignement du service, avec les dépenses supplémentaires inhérentes aux déplacements.

S'agissant du tribunal du conseil de prud'hommes d'Aix-les Bains, des propositions ont été faites afin de maintenir cette institution à Aix-les-Bains : élargissement du périmètre de la juridiction, fusion des conseils de prud'hommes d'Aix-les Bains et de Chambéry au sein de cette cité.

Dans ces conditions, je demande à Mme la garde des sceaux, avec conviction et solennité, de reconsidérer la réforme annoncée en prenant en compte la spécificité du ressort du tribunal d'Albertville, ainsi que celle des territoires de montagne, en l'occurrence la Maurienne et la Tarentaise, avant toute décision définitive qui se traduirait par un délitement du service public de la justice et un accès rendu plus difficile à ce service pour les populations des montagnes et des territoires ruraux concernés.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État auprès de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité interroger Mme la garde des sceaux sur les conséquences de la réforme de la carte judiciaire dans le ressort du tribunal de grande instance d'Albertville et lui faire part de votre inquiétude quant aux conséquences des suppressions de juridictions pour l'accès des justiciables à la justice.

Je vous confirme que les deux tribunaux d'instance de Moûtiers et Saint-Jean-de-Maurienne seront, à compter du 1er janvier 2010, rattachés au tribunal d'instance d'Albertville.

En effet, le tribunal d'instance de Saint-Jean-de Maurienne est une juridiction de très faible activité : 255 affaires civiles nouvelles par an en moyenne sur 2004-2006, pour un niveau moyen d'activité, tous tribunaux d'instance confondus, de 615 affaires par an et par magistrat. Il compte parmi les 169 tribunaux dont l'activité ne justifie pas l'emploi d'un juge à plein temps.

Le tribunal d'instance de Moûtiers est également une juridiction de faible activité, avec 462 affaires civiles nouvelles par an en moyenne sur 2004-2006.

Dans ces conditions, la continuité du service, l'accueil du justiciable et la sécurité du tribunal ne peuvent être assurés de manière acceptable.

Par ailleurs, Mme la garde des sceaux a souhaité que les tribunaux d'instance représentent désormais une activité suffisante pour deux magistrats, afin de rompre l'isolement du juge. Il n'est en effet pas concevable que des juges d'instance, souvent nommés à la sortie de l'École nationale de la magistrature, soient seuls dans leur tribunal, sans possibilité d'échanges avec des magistrats plus expérimentés.

La réflexion qui a été menée a bien évidemment intégré les préoccupations d'aménagement du territoire. Le rattachement du ressort des tribunaux de Saint-Jean-de Maurienne et de Moûtiers au tribunal d'instance d'Albertville a tenu compte de l'accessibilité pour le justiciable. En effet, Moûtiers est distant de moins de trente kilomètres d'Albertville, soit un temps de trajet par voie express inférieur à trente minutes, et le tribunal d'instance de Saint Jean-de-Maurienne, éloigné de soixante et un kilomètres d'Albertville, est néanmoins distant de moins d'une heure de trajet par la voie express.

Dans ces conditions, l'accès à la justice dans le ressort du tribunal de grande instance d'Albertville n'est pas compromis pour le justiciable.

Par ailleurs, l'avis relatif aux modifications envisagées pour les conseils de prud'hommes, publié au Journal officiel du 22 novembre dernier, conformément aux dispositions des articles L. 511-3 et R. 511-1 du code du travail, ne fait pas état de modifications pour le département de la Savoie. Les conseils de prud'hommes d'Albertville, d'Aix-les-Bains et de Chambéry ne sont donc pas susceptibles d'être regroupés.

Par ailleurs, la compétence commerciale de vingt-trois tribunaux de grande instance sera transférée, à compter du 1er janvier 2009, aux tribunaux de commerce et le tribunal de commerce de Chambéry deviendra compétent pour le ressort du tribunal de grande instance d'Albertville.

S'agissant de l'instruction, la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, prévoit qu'à compter du 1er janvier 2010 toutes les affaires d'instruction seront confiées à un collège composé de trois juges d'instruction.

Aussi, la localisation des pôles de l'instruction a-t-elle d'emblée été faite dans la perspective de la mise en oeuvre de la collégialité à partir de 2010.

Dans le département de la Savoie, le tribunal de grande instance d'Albertville connaît, en matière d'instruction, une activité inférieure à celle de Chambéry.

En effet, le nombre d'ouvertures d'informations a été de 104 en 2004, 83 en 2005 et 113 en 2006, soit 300 au total, ce qui, à raison de soixante nouveaux dossiers par an et par juge d'instruction, représente un équivalent temps plein moyen annuel de 1,67 juge d'instruction.

Dans ces conditions, il a été décidé de localiser le pôle de l'instruction au tribunal de grande instance de Chambéry, dont l'activité en matière d'instruction représente un équivalent temps plein moyen annuel de 1,72 juge d'instruction.

Néanmoins, jusqu'au 1er janvier 2010, les affaires ne relevant pas de la compétence du pôle de l'instruction demeureront instruites par le juge d'instruction du tribunal de grande instance d'Albertville.

Par ailleurs, le tribunal correctionnel d'Albertville reste compétent pour juger les affaires qui seront instruites par le pôle de l'instruction de Chambéry.

En outre, la nécessité de créer un poste de juge des enfants à Albertville n'a pas été présentée aux services de la Chancellerie par les responsables de juridictions.

Enfin, une commission présidée par le secrétaire général du ministère de la justice et l'inspecteur général des services judiciaires est chargée de faire des propositions quant à l'évolution des maisons de justice et du droit.

C'est dans ce cadre que vos préoccupations en matière d'organisation judiciaire pour le ressort d'Albertville semblent devoir désormais s'inscrire.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Sur la forme, je tiens à dire une nouvelle fois ma complète déception s'agissant de l'attitude de Mme la garde des sceaux, qui devait venir nous annoncer ses décisions dans le département. Elle s'est arrêtée en cours de route à Lyon, considérant sans doute que délivrer son message à deux heures de Chambéry était une forme de courtoisie à l'égard des membres du barreau et des élus qui l'attendaient sur place, à Chambéry.

Elle n'est pas là ce matin ! Je ne peux que constater qu'elle est plus disponible pour des rendez-vous mondains ou des manifestations organisées par M. John Galliano que pour la représentation parlementaire.

Sur le fond, hélas ! les réponses que vous êtes chargé de m'annoncer, monsieur le secrétaire d'État, lui permettent de « botter en touche », si vous me permettez l'expression, mais le ballon revient toujours sur le terrain.

Là, nous sommes sur le terrain de la justice, et je ne comprends pas pourquoi à partir de 2010, date à laquelle cette réforme sera mise en place, dans notre pays, pour se rendre au tribunal, il faudra deux stations de métro dans certains départements, et deux heures de trajet dans d'autres. Les élus de ces derniers départements ne peuvent accepter cet état de fait !

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