Question de Mme GONTHIER-MAURIN Brigitte (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 11/04/2008

Question posée en séance publique le 10/04/2008

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ma question s'adresse à monsieur le ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le ministre, la mobilisation dans les établissements scolaires s'amplifie.

M. Paul Raoult. C'est important !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Aux manifestations et actions qui se succèdent la violence policière n'est pas la réponse qui convient.

Partout en France, des conseils d'établissement scolaire se sont prononcés contre la dotation horaire globale. La protestation monte également contre les nouveaux programmes du primaire. C'est la preuve que la méthode choisie d'annonces et de mesures en cascade, sans réflexion préalable concertée sur la globalité d'un projet pour l'école, a des limites.

Enseignants, lycéens, parents d'élèves découvrent les conséquences catastrophiques des 11 200 suppressions de postes et de vos mesures. Ils commencent à en percevoir la cohérence.

Vous supprimez des postes au nom de la baisse démographique. Du simple pragmatisme, dites-vous ! Mais comment comptez-vous assurer un enseignement de qualité aux jeunes de demain alors que la courbe démographique est déjà repartie à la hausse dans le premier degré...

M. Jean-Luc Mélenchon. Exact !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. ... et qu'il faut cinq ans pour former un enseignant ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est le cadet de leurs soucis !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pas d'idéologie ? Mais supprimer des postes au nom de la seule logique comptable de réduction des dépenses publiques, n'est-ce pas justement de l'idéologie ?

Pragmatisme encore et non idéologie, sans doute, quand vous proposez aux enseignants de travailler plus pour gagner plus en faisant exploser les heures supplémentaires ? Du reste, jusqu'à présent, celles-ci n'ont pas remporté un franc succès et, fait nouveau, des enseignants commencent à s'engager collectivement et par écrit à ne pas les effectuer.

Comment, dès lors, pouvez-vous affirmer que ces suppressions de postes ne modifieront en rien l'offre éducative et ne seront qu'une « goutte d'eau » ?

Les enseignants, les chefs d'établissement, les directeurs d'école savent, eux, que, dès la rentrée prochaine, ils seront confrontés à un véritable casse-tête. Et cette austérité éducative ne va pas s'arrêter là !

M. Gérard Cornu. La question !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Si, comme le veut la révision générale des politiques publiques, on applique dès 2009 à l'éducation nationale le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, ce sont 16 000 postes d'enseignant par an qui seront supprimés pendant cinq ans !

M. René-Pierre Signé. Exact !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et que dire du récent audit de Bercy qui recommande 100 000 suppressions dans les trois ans à venir ?

M. Gérard Cornu. La question !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. J'y arrive, cher collègue !

M. le président. Rapidement, s'il vous plaît !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Destructions de postes, réforme du lycée, généralisation du bac pro en trois ans, programmes du primaire, école maternelle... Quand allez-vous dire la vérité aux Français ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Nous l'avons toujours dite !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Quand allez-vous leur dire que, derrière ces mesures, se dessine une réforme globale de l'école qui ne dit pas son nom, un projet profondément inégalitaire qui ne répondra pas au défi de l'élévation des connaissances. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. André Vallet applaudit également)

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 11/04/2008

Réponse apportée en séance publique le 10/04/2008

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Madame Gonthier-Maurin, si nous faisons l'effort de regarder objectivement ce qui s'est passé au cours de ces vingt dernières années, que constatons-nous ?

M. David Assouline. Les six dernières années suffisent pour nous éclairer !

M. Xavier Darcos, ministre. Durant cette période, le nombre d'enseignants et d'emplois publics a systématiquement été augmenté.

M. Gérard Cornu. Et pour quel résultat !

M. Xavier Darcos, ministre. Tandis que le premier degré perdait 200 000 élèves, 12 000 professeurs supplémentaires y ont été affectés. Et contrairement à ce que vous avez dit, nous augmenterons encore le nombre de professeurs du premier degré à la rentrée prochaine.

Quant au second degré, il a perdu 150 000 élèves ces trois dernières années et va en perdre 40 000 de plus à la rentrée prochaine.

Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Annie David. Ce n'est pas vrai !

M. René-Pierre Signé. Alors, pourquoi les lycéens sont-ils dans la rue ?

M. Xavier Darcos, ministre. De ce point de vue, l'augmentation systématique des postes est-elle la seule réponse possible ? Je vous répondrais volontiers oui si les résultats étaient au rendez-vous ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. David Assouline. C'est la première fois que vous le reconnaissez : vous voulez punir les enseignants !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En augmentant les suppressions de postes !

M. Xavier Darcos, ministre. Toujours sur cette même période, les études comparatives internationales sur le niveau scolaire le montrent : la France a systématiquement reculé dans le classement mondial.

M. Jean-Luc Mélenchon. Non !

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Mais si !

M. David Assouline. Vous voulez punir les professeurs et les étudiants !

M. Xavier Darcos, ministre. De même, nous n'avons pas non plus progressé dans le domaine de la justice sociale. Ce sont toujours les mêmes populations qui sont aujourd'hui en difficulté.

Autre constat : l'échec à l'université est tel qu'un étudiant sur deux, au bout de trois ans, n'a aucun diplôme.

Par conséquent, madame Gonthier-Maurin, nous ne pouvons affirmer, sauf à mentir, qu'une réponse purement quantitative est la seule solution aux problèmes de l'école. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Jean Arthuis applaudit également.)

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC. Qui ment ?

M. Xavier Darcos, ministre. Si tel était le cas, nous serions aujourd'hui à la première place mondiale. Or nous en sommes bien loin !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous ne sommes pas non plus les derniers !

M. David Assouline. Osez dire que les professeurs ne sont pas bons ! Au fond, vous ne les aimez pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous leur ôtez tout moyen !

M. Xavier Darcos, ministre. La question de la justice sociale nous préoccupe autant que vous. C'est elle qui guide notre action.

M. Paul Raoult. Allons bon !

M. Jacques Mahéas. Vous supprimez les emplois-jeunes !

M. Xavier Darcos, ministre. Mais la justice sociale, c'est quoi ? Ajouter un professeur dans un lycée où il y en a déjà cent ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous supprimez les postes dans les lycées des quartiers populaires ! Voilà la vérité !

M. Paul Raoult. Et l'enseignement technique ?

M. Xavier Darcos, ministre. Pensez-vous vraiment qu'en faisant passer le nombre de professeurs de cent à cent un dans un lycée on y réglera tous les problèmes ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas en supprimant vingt postes, en tout cas !

M. Xavier Darcos, ministre. Bien sûr que non, ce n'est qu'un prétexte !

La vérité, c'est que nous avons agi là où il fallait agir.

Ainsi avons-nous créé 150 000 heures supplémentaires pour les études surveillées destinées aux collégiens de l'éducation prioritaire. Cela marche très bien ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Xavier Darcos, ministre. En ce moment même, alors que vous ne faites que protester, se déroulent des stages de soutien en français et en mathématiques pour les élèves de CM1 et de CM2 qui rencontrent des difficultés. Dans la zone B, 40 000 élèves y participent, encadrés par 8 000 professeurs. Au total, pour les seules vacances de Pâques, 22 000 modules de stage seront ainsi mis en place.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Nous allons offrir gratuitement à ces jeunes ce que leurs camarades plus riches peuvent s'offrir en payant des officines spécialisées. Vous ne pouvez tout de même pas être contre une telle mesure de justice sociale !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si, nous sommes contre !

M. Xavier Darcos, ministre. Enfin, je vous confirme notre souhait d'engager la réforme des lycées.

M. le président. Il faut terminer, monsieur le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Nous entendons le message des lycéens.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'entendez rien du tout !

M. Xavier Darcos, ministre. Ils ont raison de s'inquiéter pour leur avenir, et nous allons dialoguer avec eux.

Mais c'est un mensonge de leur faire croire que la question du lycée ne doit être abordée que sur le plan purement quantitatif.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vous qui faites du quantitatif !

M. Xavier Darcos, ministre. Il faut réformer le lycée. Ce n'est pas avec un professeur de plus ou de moins que les choses changeront !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Personne n'a dit le contraire !

M. Xavier Darcos, ministre. Ne laissons pas les lycéens se faire piéger en reprenant les slogans syndicaux ou en s'abritant derrière les mouvements populaires. Il faut discuter, ensemble, de cette réforme qui s'avère nécessaire. Je le répète, celle-ci n'est pas quantitative, elle est qualitative ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Monsieur le ministre, vous avez parlé pendant quatre minutes !

M. Xavier Darcos, ministre. C'est l'actualité qui commande, monsieur le président !

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