Question de M. REPENTIN Thierry (Savoie - SOC) publiée le 09/10/2008

M. Thierry Repentin attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie sur l'exaspération des éleveurs, professionnels de la montagne, usagers et élus locaux quant aux conséquences résultant de la présence du loup.

En effet, les nombreuses attaques de troupeaux d'ovins par le prédateur, recensées dans nos montagnes, créent un sentiment de désespérance chez les bergers dans un contexte où la filière ovine connaît de fortes difficultés du fait de la concurrence résultant de l'importation à bas prix de bêtes étrangères. S'y ajoutent les difficultés créées par la présence de chiens de protection de troupeaux, dits « patous », dont la cohabitation avec les touristes et les habitants locaux est conflictuelle. Récemment, les bergers ont manifesté trois jours durant dans les rues de la sous-préfecture de Saint-Jean-de-Maurienne et, loin de soulager les élus locaux, la récente loi relative aux chiens dangereux ne fait qu'engager leur responsabilité. Ceux-ci sont désormais sommés de résoudre des problèmes qui dépassent de loin leur domaine de compétence. Ainsi, la présence du prédateur non seulement va entraîner la disparition des troupeaux des alpages, mais, de plus, les mesures de protection prises fragilisent le tourisme estival. Devant de telles conséquences et le constat unanimement dressé que le loup n'est plus, dans notre pays, une espèce en voie de disparition mais, au contraire, qu'il colonise de nouveaux territoires, se pose donc aujourd'hui le problème de son statut afin que des mesures de protection des troupeaux plus efficaces soient prises.

Une réactualisation des dispositions de la convention de Berne est désormais souhaitable afin de clarifier ce texte qui a été amendé et complété par d'autres textes internationaux. En 2004, la Suisse a ainsi demandé au comité permanent de la convention de déclasser le loup de l'annexe II à l'annexe III, passant ainsi d'espèce « totalement protégée » à « espèce protégée ». En conséquence il souhaite connaître quelle est sa position dans le contexte de la Présidence française de l'Union européenne.

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Réponse du Secrétariat d'État aux transports publiée le 29/10/2008

Réponse apportée en séance publique le 28/10/2008

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la question n° 305, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie.

M. Thierry Repentin. Je souhaite attirer l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie sur l'exaspération croissante des éleveurs, mais aussi des professionnels, des usagers et des élus de certains territoires de montagne sur les conséquences de la présence du loup dans le Massif alpin. Cela vous rappellera des souvenirs, monsieur le secrétaire d'État ! (M. le secrétaire d'État acquiesce en souriant.)

Les attaques répétées de troupeaux d'ovins recensées dans nos montagnes créent un sentiment de désespérance chez les bergers, dans un contexte où la filière ovine connaît déjà de fortes difficultés du fait de la concurrence résultant de l'importation, à bas prix, de bêtes étrangères et des conséquences de la fièvre catarrhale ovine. À cela s'ajoutent les difficultés créées par la présence de chiens de protection de troupeaux, dits « patous », dont la cohabitation avec les touristes et les habitants locaux est de plus en plus conflictuelle.

Récemment, des bergers de Savoie ont manifesté trois jours durant dans les rues de la sous-préfecture de Saint-Jean-de-Maurienne après que l'un d'eux eut été convoqué devant le tribunal de première instance de la ville à la suite de l'attaque d'un touriste par l'un de ces patous. Loin de soulager les élus locaux, la récente loi renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux ne fait qu'engager, un peu plus, leur responsabilité. Les élus sont désormais sommés de résoudre des problèmes qui dépassent de loin leur domaine de compétence et les moyens dont ils disposent pour faire appliquer cette nouvelle loi.

On s'étonnera du double langage qui est tenu dans le discours officiel. On prétend lutter contre les pitbulls de banlieue en subventionnant les molosses des montagnes ! (Sourires.) Non seulement la présence du prédateur contribue à entraîner la disparition des troupeaux en alpages, mais, en plus, les mesures de protection prises fragilisent le tourisme estival, bien nécessaire au maintien de l'emploi à l'année.

Après la découverte il y a quelques mois à Presle-en-Savoie d'un cadavre de loup décapité, après l'abattage interdit d'un autre il y a quelques mois également dans le massif des Bauges, puis dans le massif de Belledonne, un nouveau cadavre de loup a été trouvé dans le Vercors isérois le vendredi 17 octobre, victime d'un tir illégal. Le plan d'action sur le loup permet aux seuls agents de l'État de prélever un nombre défini de prédateurs.

Le monde de la montagne et le monde pastoral ne sont vraisemblablement plus en phase avec le discours parisien prônant la coexistence possible entre espèces et entre activités, coexistence qui, soit dit en passant, a coûté 6,3 millions d'euros au budget de l'État pour la seule année 2006 !

Devant de telles conséquences et le constat unanimement dressé que le loup n'est plus, dans notre pays, compte tenu de sa prolifération, une espèce en voie de disparition, mais, au contraire, qu'il colonise de nouveaux territoires, se pose donc aujourd'hui le problème de son statut afin que soient prises des mesures plus efficaces de protection des troupeaux.

Monsieur le secrétaire d'État, la convention de Berne a été pensée et signée bien avant l'ouverture de l'Europe à l'est et constatait, évidemment, l'absence de grands prédateurs tels que l'ours et le loup sur son territoire géographique d'origine. Aujourd'hui, l'espace est ouvert et il faut avoir une vision plus large du problème. Il est indispensable de clarifier et de remettre à plat cette convention, qui a été amendée et complétée par d'autres textes internationaux.

Le statut de protection de l'espèce canus lupus, le loup, au titre de la convention de Berne et de la directive « Habitats, faune, flore » doit par conséquent évoluer. Les États signataires de la convention peuvent demander la révision du classement de chaque espèce dans telle ou telle de ses annexes.

En 2004, la Suisse a ainsi demandé au comité permanent de la convention de déclasser le loup de l'annexe II à l'annexe III et de la faire ainsi passer d'espèce « totalement protégée » à « espèce protégée ».

En conséquence, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite connaître, quelques jours seulement après l'adoption à l'unanimité par le conseil général de la Savoie d'un vœu sur ce dossier, qui a été adressé à Mme la secrétaire d'État chargé de l'écologie, quelques mois après la remise d'un rapport au Sénat, rédigé par nos collègues Gérard Bailly et François Fortassin, sur le devenir de la filière ovine en France, quelles sont les dispositions envisagées par le Gouvernement à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne, pendant ces quelques mois où notre pays peut faire bouger les lignes s'il en exprime la volonté politique. (MM. Jean-Pierre Sueur et Jean-Louis Carrère applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer ce sujet dans un autre contexte. Aujourd'hui, c'est au nom de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet que je vous répondrai.

Votre question porte sur les conséquences pour les éleveurs du retour du loup dans les zones de montagne. Par ailleurs, vous demandez la révision du statut de cette espèce dans le cadre de la convention de Berne.

Depuis le retour du loup dans notre pays, en particulier dans le cadre du plan d'action sur le loup pour la période 2004-2008, l'État, avec l'aide de l'Union européenne, a mis en œuvre un ensemble de mesures d'accompagnement des éleveurs visant à limiter les répercussions de la réintroduction du loup sur le pastoralisme.

Pour améliorer la gestion du loup dans les départements alpins concernés, voire dans d'autres départements, et pour anticiper les conséquences de son expansion géographique rapide, un nouveau « plan d'action sur le loup 2008-2012 dans le contexte français d'une activité importante et traditionnelle d'élevage » a été élaboré par les ministères en charge de l'écologie et de l'agriculture.

Ce plan a fait l'objet, c'était bien naturel, d'un travail important avec les parties concernées, notamment la profession agricole et les élus, qui ont pu l'enrichir de leurs expériences et de leurs réflexions.

Vous l'avez rappelé, monsieur Repentin, parmi les mesures d'accompagnement des éleveurs financées par l'État, l'utilisation de chiens de protection des troupeaux, les fameux « patous », est reconnue comme très efficace, car elle permet de dissuader les attaques du prédateur et de réduire, le cas échéant, le nombre de bêtes tuées.

J'ai conscience que le recours à cette mesure impose des contraintes et des difficultés aux éleveurs, tant pour l'éducation et la gestion des chiens qu'en raison des responsabilités liées à la détention de ces animaux.

Il est vrai également que les mollets de quelques randonneurs ont pu être affectés par la présence de ces chiens dans l'exercice de leur travail de protection des troupeaux. (Sourires.) Vous noterez combien est excellente la rédaction des technocrates qui préparent les réponses des ministres ! (Nouveaux sourires.)

C'est pourquoi le nouveau plan d'action sur le loup met l'accent sur la mise en œuvre d'une politique d'encadrement et de suivi du développement de la mesure « chiens de protection ». Il s'agit de prévenir les incidents avec les usagers de la montagne.

Le programme national « Chiens de protection 2007-2008 », piloté par l'Institut de l'élevage, financé par le ministère de l'agriculture et de la pêche et l'Office de l'élevage, doit fournir des outils opérationnels.

Outre le recensement des chiens de protection détenus en France, l'estimation des besoins en formation et l'information des différents acteurs sur cette problématique, est fait un travail qui permettra d'évaluer l'aptitude du chien à la protection, mais aussi son agressivité potentielle à l'égard de l'homme.

Comme vous l'avez rappelé, il existe un panel de mesures de police applicables aux chiens dangereux, et il convient de prévenir d'éventuels incidents. Un test sera mis en œuvre pour améliorer la sélection des chiens proposés aux éleveurs. Une proposition de test issue des travaux menés depuis deux ans est attendue très prochainement.

Les résultats du programme seront proposés aux instances du « groupe national loup », qui avait validé le lancement de cette démarche de test.

En outre, vous savez, en tant qu'élu alpin, qu'un ensemble de mesures en matière d'information et de sensibilisation du public et des élus a été mis en œuvre. Il convient donc d'accroître la fiabilité du programme « Chiens de protection » et de poursuivre, au plan local, un dialogue constructif.

Quant à la convention de Berne, Mme Kosciusko-Morizet vous rappelle que, même en cas de déclassement du loup de l'annexe Il à l'annexe III, la France resterait soumise à la directive « Habitats, faune, flore » et que le loup garderait son statut actuel de protection stricte au niveau national.

Par ailleurs, la demande de la Suisse à laquelle vous faites référence a été rejetée par les États membres de l'Union européenne et par la convention de Berne elle-même.

Dans le cadre juridique existant, et conformément aux conditions imposées par l'article 16 de la directive « Habitats, faune, flore » pour les dérogations au régime de protection strict dont bénéficie cette espèce, les mesures de gestion du loup préconisées dans le plan d'action pour la période 2008-2012 permettent de mettre en œuvre des opérations d'effarouchement et de prélèvement, sur l'initiative des préfets, lorsque la situation l'impose.

Ainsi, le statut actuel du loup n'exclut pas la possibilité d'instaurer des modalités de gestion de l'espèce ; nous l'avons souligné lors du rejet de la demande suisse.

Dans ce contexte, la France n'entend pas demander le déclassement du loup, mais nous avons bien pris note de vos observations et de vos propositions, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. J'ai craint un instant, monsieur le secrétaire d'État, que les technocrates qui ont préparé la réponse de votre collègue Mme Kosciusko-Morizet ne vous fassent annoncer une circulaire administrative visant à canaliser l'agressivité des « patous ». (Sourires.)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Ils sont capables de l'écrire !

M. Thierry Repentin. On n'est pas allé jusque-là, et je m'en réjouis.

Monsieur le secrétaire d'État, vous rappelez que la révision de la convention de Berne a été rejetée par la majorité des États de l'Union européenne. Depuis, l'Union européenne s'est élargie à d'autres pays qui connaissent également des difficultés liées à la présence du loup.

Il convient cependant d'ajouter un fait nouveau. Comme l'a reconnu le ministre de l'agriculture, Michel Barnier, le loup n'est plus une espèce menacée, en particulier dans le Massif alpin. Le fait générique visant à modifier le contenu de la convention de Berne pourrait donc être pris en compte.

Monsieur le secrétaire d'État, en tant qu'ancien ministre de l'agriculture, vous pouvez comprendre l'exaspération d'une profession quand, dans le seul département de la Savoie, le nombre de moutons tués par des loups est passé en quatre ans de 400 à 1 000 !

Je pense qu'un jour, à la suite de la condamnation d'un éleveur ou d'un berger, un assureur se retournera contre la puissance publique, afin de lui faire régler l'addition. Car, si l'accident vient du chien, le chien protège le cheptel du loup, un loup dont la présence relève de la responsabilité de l'État, qui a choisi de le réintroduire.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué un plan de gestion du loup, j'aurais préféré que vous nous présentiez un plan de consolidation de l'économie pastorale et touristique dans le Massif alpin. J'ai compris qu'il faudra que je pose de nouveau ma question dans quelque temps, quand les esprits auront mûri.

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