Question de Mme PAYET Anne-Marie (La Réunion - UC) publiée le 16/10/2008

Mme Anne-Marie Payet appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les difficultés rencontrées par la Commission de révision de l'état civil de Mayotte (CREC). Créée en 2001, la commission a traité à ce jour 60 000 dossiers. Pour achever ce processus de révision, huit années de travail supplémentaires seraient nécessaires.

Elle souligne qu'avec le temps, la disparition des titres que détenaient les intéressés (péremption, vol, perte) place ces « Français sans papiers » en situation d'exclusion et de non-droit dans de multiples circonstances de la vie civile, les organismes privés et publics étant de plus en plus nombreux à exiger un titre d'identité en cours de validité.

Par ailleurs, l'état d'avancement des travaux de la CREC, à mi-parcours, a créé une situation inextricable pour tous les citoyens d'origine mahoraise que leur état civil ait été ou non révisé, avec :
- d'un côté les personnes ayant entrepris leurs démarches auprès de la CREC qui sont dans une situation d'attente dans laquelle elles ne peuvent faire état d'aucune identité certaine ;
- et de l'autre, les personnes bénéficiant d'un acte révisé et qui sont susceptibles d'être confrontées à des situations de blocage résultant de l'absence de transfert des données dans les fichiers organisant la vie civile.

Un renforcement conséquent des moyens en magistrats et en greffiers mis à disposition de la commission et en liaison avec les administrations agissant en faveur de ces citoyens est donc indispensable, tout comme il est souhaitable de mettre en place les mesures suivantes :
- création à titre temporaire d'un poste de magistrat itinérant chargé d'évaluer, de rassembler et de traiter les demandes des originaires de Mayotte résidant à la Réunion et en France métropolitaine ;
- informatisation des fichiers d'état civil des communes de Mayotte avec une mise en réseau avec accès limité pour les parquets et préfectures ;
- mise en place d'une mission de direction des travaux d'enregistrement des décisions de la CREC car il est tout à fait anormal que des décisions demandent parfois autant de temps à être enregistrées qu'à être produites.

Cette question est cruciale à quelques mois de référendum sur l'accession de la collectivité de Mayotte au statut de département. Aussi, elle lui demande de bien vouloir lui faire part de la position du Gouvernement sur ces propositions et de lui faire connaître les mesures qu'il entend prendre renforcer les moyens humains de la CREC.

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Réponse du Haut commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté publiée le 25/10/2008

Réponse apportée en séance publique le 24/10/2008

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 312, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le haut-commissaire, je souhaite appeler l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés rencontrées par la commission de révision de l'état civil de Mayotte, la CREC.

Créée en 2001, la commission a traité à ce jour 60 000 dossiers. Pour achever ce processus de révision, huit années de travail supplémentaires seraient nécessaires, car on estime à 100 000 le nombre de personnes originaires de Mayotte dont l'état civil n'a pas été révisé.

Avec le temps, la disparition des titres que détenaient les intéressés, par péremption ou après vol ou perte, place ces Français « sans papiers » en situation d'exclusion et de non-droit dans de multiples circonstances de la vie civile, les organismes privés et publics étant de plus en plus nombreux à avoir pris connaissance des risques liés aux incertitudes de l'état civil à Mayotte et à exiger un titre d'identité en cours de validité.

Par ailleurs, l'état d'avancement des travaux de la CREC, à mi-parcours, a créé une situation inextricable pour tous les citoyens d'origine mahoraise, que leur état civil ait été ou non révisé, avec, d'un côté, les personnes ayant entrepris leurs démarches auprès de la CREC, placées dans une situation d'attente et ne pouvant faire état d'aucune identité certaine, et, de l'autre, les personnes bénéficiant d'un acte révisé et susceptibles d'être confrontées à des situations de blocage résultant de l'absence de transfert des données dans les fichiers organisant la vie civile.

Ainsi, un citoyen qui dispose d'un nouveau nom après décision de la CREC ne pourra pas se faire délivrer, parce qu'il y est connu sous une autre identité, un extrait de son casier judiciaire – extrait nécessaire, notamment, pour se présenter à un concours – sauf à justifier, preuves à l'appui, des changements apportés. Il en est de même pour les fichiers de l'INSEE, les listes électorales, la sécurité sociale, etc.

Un renforcement conséquent des moyens en magistrats et en greffiers mis à disposition de la commission et en liaison avec les administrations agissant en faveur de ces citoyens est donc indispensable.

De même, il serait souhaitable de mettre en place les mesures suivantes : création à titre temporaire d'un poste de magistrat itinérant chargé d'évaluer, de rassembler et de traiter les demandes des personnes originaires de Mayotte résidant à la Réunion et en France Métropolitaine ; informatisation des fichiers d'état civil des communes de Mayotte avec une mise en réseau et un accès limité pour les parquets et préfectures ; enfin, mise en place d'une mission de direction des travaux d'enregistrement des décisions de la CREC.

Il est tout à fait anormal que les décisions demandent parfois autant de temps à être enregistrées qu'à être produites. Certaines demandes déposées en 2001 ne sont toujours pas traitées en 2008 !

Cette question me semble cruciale, à quelques mois du référendum sur l'accession de la collectivité de Mayotte au statut de département.

C'est pourquoi je vous demande, monsieur le haut-commissaire, de bien vouloir me faire part de la position du Gouvernement sur ces propositions et de me faire connaître les mesures qu'il entend prendre pour renforcer les moyens humains de la CREC.

Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Madame la sénatrice, Mme le garde des sceaux, qui ne pouvait être présente et qui m'a chargé de vous présenter ses excuses, est très sensible à la situation des Français de Mayotte ne disposant toujours pas d'état civil.

Ainsi, afin d'améliorer l'efficacité de la commission de révision de l'état civil, un décret du 21 février 2008 a d'ores et déjà allégé, sur son initiative, les conditions nécessaires aux prises de décision en diminuant le quorum, qui était trop important.

Ce même décret permet au président de la CREC de statuer seul en cas de rectification d'erreur matérielle ou en cas d'urgence.

Par ailleurs, la chancellerie a activement participé aux travaux interministériels organisés par le secrétariat d'État chargé de l'outre-mer entre mars et juillet derniers.

Les expertises menées démontrent que ce n'est pas, à ce jour, la phase de jugement des dossiers qui justifie un renforcement, mais c'est celle de leur instruction.

En conséquence, ont déjà été actés les points suivants : le stock des dossiers en état d'être jugés sera vérifié par le service de l'état civil du secrétariat d'État à l'outre-mer avant d'être transmis à la CREC, lui permettant ainsi d'être saisie utilement ; ce même service de l'état civil sera missionné pour accélérer la mise en état des autres dossiers ; enfin, le ministère de l'intérieur devra créer un poste de secrétaire général chargé d'encadrer le travail des rapporteurs, notamment du rapporteur spécialement chargé de l'instruction des demandes des Mahorais installés en métropole ou à la Réunion pour en accélérer le traitement.

En outre, les services de la chancellerie ont expertisé sur place l'évolution informatique nécessaire aux mairies. Un marché a été signé le 7 juin 2007 pour un montant de près de 80 000 euros et toutes les mairies sont ainsi équipées du même logiciel. Mme le garde des sceaux préconise qu'il soit étendu à la CREC par le secrétariat d'État chargé de l'outre-mer.

Par ailleurs, afin de permettre un meilleur enregistrement des décisions de la CREC, un programme de formation pourrait être financé sur la dotation annuelle « modernisation de l'état civil », dont le renouvellement a été sollicité pour 2009 par le secrétariat d'État chargé de l'outre-mer.

Enfin, Mme le garde des sceaux précise que, conformément au souhait que vous venez de formuler, un projet de nomination de magistrats doit être publié très prochainement, prévoyant l'affectation au tribunal de première instance de Mamoudzou d'un vice-président et d'un vice-procureur.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie de la réponse que vous apportez à ce problème, qui tend à prendre une ampleur politique, au point qu'un rapport d'enquête parlementaire préconisait en 2006 de retirer la compétence en matière d'état civil aux maires des communes de Mayotte pour la confier à la préfecture.

J'ai ainsi rencontré récemment des directeurs d'école, démunis face à des Mahorais venant inscrire leurs enfants et présentant parfois des certificats de vaccination avec des dates de vaccination parfois antérieures à la date de la naissance !

Je citerai encore l'exemple de cette mère de famille qui demande l'établissement d'un passeport électronique pour son enfant né en 2008 et qui ne peut justifier de sa qualité ni de mère ni de représentant légal. L'intéressée porte en effet des noms différents sur son passeport, délivré en 2006, et dans l'acte de naissance de l'enfant.

Ce sont des problèmes importants sur lesquels je voulais attirer l'attention du Gouvernement.

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