Question de M. DUFAUT Alain (Vaucluse - UMP) publiée le 30/10/2008

M. Alain Dufaut attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la question de la réforme de la carte scolaire.

Si le constat était partagé que la carte scolaire, telle qu'elle fonctionnait avant 2007, n'était pas satisfaisante puisqu'elle accentuait les inégalités sociales et scolaires, force est de constater qu'après deux années d'assouplissement progressif visant à aboutir à une totale suppression, le résultat est pire que le mal pour les établissements des quartiers défavorisés (en particulier, ceux situés en ZEP et en ambition réussite). En effet, cette libéralisation des règles a abouti très rapidement à la fuite des meilleurs élèves de ces établissements. En donnant le choix aux parents, ce sont les enfants des familles les plus aisées qui sont partis de ces quartiers, pour rejoindre les établissements des centres-villes ou des quartiers plus huppés. En fait, la libéralisation de la carte scolaire tend inexorablement à accroître la ségrégation scolaire et va totalement à l'encontre de la volonté de mixité sociale.

Ainsi, les effectifs du collège Giéra implanté dans un des quartiers les plus défavorisés et les plus fragiles de France, le quartier Monclar, ont baissé de 87 élèves cette année, entraînant la suppression de deux classes de 6ème pour cette rentrée scolaire.

Une telle évolution qui tire, année par année, les effectifs vers le bas, induit une inquiétude grandissante sur le devenir de cet établissement et génère une angoisse légitime des équipes pédagogiques qui s'inquiètent pour leur avenir. Cette incertitude sur le devenir de cet établissement scolaire, seul service public de ce quartier, est dramatique pour ces populations déjà fortement fragilisées. En effet, il offre aux jeunes de ces cités le seul et unique tremplin social de nature à les insérer dans le monde du travail.

Des solutions existent : il faut attirer des élèves extérieurs au quartier par la création de classes sport/études, par l'enseignement de langues rares ou de disciplines artistiques par exemple.

Dès lors, il souhaiterait connaître les propositions ministérielles visant à pallier cet exode massif des meilleurs élèves de ce type d'établissement, qui met en danger la pérennité de ces derniers.

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Réponse du M. le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants publiée le 17/12/2008

Réponse apportée en séance publique le 16/12/2008

M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut, auteur de la question n° 323, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Alain Dufaut. Ma question, qui concerne la carte scolaire, était adressée à M. Xavier Darcos, mais je vais faire confiance à la grande polyvalence de M. Jean-Marie Bockel.

Monsieur le secrétaire d'État, la carte scolaire telle qu'elle fonctionnait avant 2007 n'était pas satisfaisante, puisqu'elle accentuait les inégalités sociales et scolaires.

Force est de constater qu'après deux années d'un assouplissement progressif visant à une suppression totale de la carte le résultat est pire que le mal pour les établissements des quartiers défavorisés, en particulier pour ceux qui sont situés en zones d'éducation prioritaire et ceux qui sont classés « ambition réussite ».

Cette libéralisation des règles a abouti très rapidement à la fuite des meilleurs élèves de ces établissements. À partir du moment où le choix a été donné aux parents, les enfants des familles les plus aisées sont partis de ces quartiers pour rejoindre les établissements des centres-villes, ou des quartiers beaucoup plus huppés.

En fait, la libéralisation de la carte scolaire tend inexorablement à accroître la ségrégation scolaire et va totalement à l'encontre de notre volonté de mixité sociale.

Ainsi, les effectifs du collège Paul Giéra d'Avignon, implanté dans un des quartiers les plus défavorisés et les plus fragiles de France, le quartier Monclar, ont baissé, cette année encore, de 87 élèves, entraînant la suppression de deux classes de sixième.

Une telle évolution tire, année après année, les effectifs vers le bas et conduit à une inquiétude grandissante sur le devenir de ces établissements, et de celui-ci en particulier. C'est vrai, elle engendre l'angoisse légitime d'équipes pédagogiques inquiètes pour leur avenir.

Pour le collège Paul Giéra, une réunion, à laquelle je participais, a eu lieu le jeudi 11 décembre dernier à la préfecture du département du Vaucluse.

À la demande du président du conseil général, la possibilité d'une démolition du collège y a été envisagée. Une décision devrait être prise avant le 15 janvier prochain sur l'éventualité de la démolition.

Cela est, à mon sens, impensable et totalement inadmissible, quand on sait que cet établissement scolaire est le seul service public de ce quartier de 6 000 habitants ! Sa disparition serait dramatique pour ces populations déjà fortement fragilisées. Le collège Paul Giéra offre aux jeunes de ces cités le seul et unique tremplin social de nature à les insérer dans le monde du travail.

Des solutions existent. Il faut, par exemple, attirer des élèves extérieurs au quartier par la création de classes sports-études, par l'enseignement de langues rares ou de disciplines artistiques.

Je souhaiterais donc, monsieur le secrétaire d'État, connaître les propositions visant à pallier cet exode massif des meilleurs élèves de ce type d'établissement, dont la pérennité est ainsi menacée.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, en répondant au nom de mon collègue M. Xavier Darcos, je ne prétends pas à la polyvalence.

Toutefois, avant de vous donner les éléments de réponse qu'il m'a transmis, je puis vous dire d'emblée que, en tant que maire de Mulhouse, je comprends parfaitement la problématique que vous avez évoquée.

J'ai pu vivre comme vous les effets pervers d'une carte scolaire figée et parfois inadaptée, et je vis comme vous les difficultés inhérentes au passage d'un système figé à un système ouvert. Je considère donc votre question comme tout à fait pertinente et importante.

Je vous rappelle la mesure, décidée en juin 2007 et reconduite en 2008, qui a permis de rompre, comme je le disais à l'instant, avec un système tout de même obsolète, et souvent inique, en offrant une nouvelle liberté aux familles et en améliorant, dans bien des cas, la mixité sociale des établissements. Cela, je vous le concède, ne s'est pas toujours passé ainsi, et je puis en témoigner comme vous.

Des critères de priorité ont été donnés – élèves boursiers, rapprochement de fratrie, option rare – et, cette année, 88 % des demandes de dérogations ont été satisfaites. Il est important de souligner que les demandes acceptées des élèves boursiers entrant en sixième ont augmenté de 33 % par rapport à 2007.

M. Xavier Darcos a assuré à plusieurs reprises que les moyens des collèges ou lycées touchés par de nombreuses pertes d'élèves seraient conservés, afin de donner à ces établissements toutes les chances d'inverser la fatalité. C'est le cas sur le terrain, je puis en témoigner également, même s'il faut parfois se mobiliser.

Ces établissements doivent alors accompagner ces départs d'une réflexion sur leur avenir et sur la perception que les familles en ont.

Dans le cas particulier du collège Paul Giéra d'Avignon, classé « ambition réussite », une réflexion a été menée par le conseil général du Vaucluse – vous y avez fait allusion à l'instant – qui envisage aujourd'hui sa fermeture.

Au cours de la réunion, qui s'est déroulée le 11 décembre dernier à la préfecture du Vaucluse et à laquelle vous participiez, le préfet a demandé au président du conseil général de préciser sa position, de lui dire s'il demandait de fermer ce collège et, le cas échéant, de lui transmettre une délibération officielle de l'assemblée départementale sur cette question, afin que les services de l'État puissent travailler à partir d'une prise de position claire de la collectivité concernée.

La situation aujourd'hui n'est donc pas figée. Bien sûr, la position du conseil général, quelle qu'elle soit, aura son importance, mais elle ne vaut pas décision.

Bien entendu, je transmettrai à mon collègue M. Xavier Darcos les éléments de réticence, voire de franche opposition, que vous avez développés à l'instant, et les arguments que vous avez mis en avant.

Je peux comprendre votre point de vue, étant moi-même confronté à des collèges dans des situations particulièrement difficiles, pour lesquelles des solutions semblent effectivement possibles, à condition de s'en donner les moyens. La réponse sera-t-elle la fermeture du collège, ou bien une solution alternative et volontariste ?

Bien sûr, vous l'avez compris, nous ne sommes pas en mesure de le dire aujourd'hui, puisque nous respectons un processus de concertation. Je retiens toutefois de notre échange les arguments que vous avez développés, et qui devront être soumis à la décision des autorités du ministère de l'éducation nationale, et, en dernier ressort, du ministre.

C'est ainsi que je reçois votre message et que je le transmettrai à M. Xavier Darcos.

M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.

M. Alain Dufaut. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse. Je me doutais bien que, dans l'exercice de votre mandat de maire d'une grande ville, vous aviez été confronté au même type de problème.

Je considère que c'est très grave pour les quartiers défavorisés. Par ailleurs je précise que le collège concerné se trouve dans mon canton.

Monsieur le secrétaire d'État, je vous prie de vous faire mon interprète auprès de M. Xavier Darcos pour lui dire qu'en aucun cas ce collège ne peut être fermé. Une équipe pédagogique formidable y accomplit un travail considérable pour les 385 élèves du quartier !

Il serait insensé de démolir ce collège ! (M. Jean-Marie Bockel acquiesce.) Je considère que sur le terrain une telle décision serait perçue comme une désertion de l'école de la République là où le besoin s'en fait le plus sentir.

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