Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC-SPG) publiée le 04/12/2008

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les dysfonctionnements survenus à Paris lors du vote électronique aux élections prud'homales ainsi qu'au sujet du vote électronique en général. Lors de la clôture de celui-ci plusieurs incidents ont été constatés qui mettent en question sa fiabilité. Cet évènement incite à s'interroger sur un mécanisme électoral pouvant donner lieu, comme l'a souligné le Conseil constitutionnel, à des incidents risquant d'accroître la réticence psychologique des citoyens en raison de la rupture du lien symbolique entre ces derniers et l'acte électoral. Ces innovations techniques concernent le fonctionnement de notre vie démocratique. Elles ne doivent pas être subies mais être pensées par l'ensemble de la société. C'est pourquoi un large débat public à ce sujet s'impose. Elle lui demande ce que le Gouvernement compte entreprendre en vue de l'engagement d'un tel débat.

- page 2402


Réponse du Secrétariat d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales publiée le 28/01/2009

Réponse apportée en séance publique le 27/01/2009

La parole est à Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 357, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ma question s'adresse en effet à Mme le ministre de l'intérieur, mais, pour une fois, M. Marleix est tout à fait habilité à me répondre.

Avec le vote électronique, les récentes élections prudhommales ont été émaillées de quelques incidents même si, finalement, le scrutin a été validé. Ces événements me conduisent à vous interroger, monsieur le secrétaire d'État, sur cette technique de vote qui, comme l'a souligné le Conseil constitutionnel, peut donner lieu à des incidents risquant d'accroître la réticence psychologique des citoyens et de casser le lien symbolique entre ces derniers et l'acte électoral.

En septembre 2007, le Conseil constitutionnel profite de la remise de ses observations sur les élections législatives de 2007 pour souligner les errements potentiellement inhérents aux machines à voter. Sans se poser en adversaire de principe des ordinateurs de vote, le juge suprême rappelle qu'il a été saisi d'un certain nombre de réclamations portant notamment sur l'impossibilité d'effectuer des tests de bon fonctionnement et d'imprimer des procès-verbaux.

Aucun de ces dysfonctionnements n'a été examiné par le Conseil Constitutionnel, car les écarts de voix entre les candidats ne pouvaient donner lieu à aucun litige ni à aucune contestation. Cependant, la dématérialisation du bulletin constitue une rupture radicale, aux conséquences peu prévisibles sur le processus de vote, dont les risques ne doivent pas être sous-estimés.

Dans le système actuel, le citoyen est impliqué dans le processus électoral, notamment par l'intermédiaire du dépouillement public.

La simplicité du processus de vote est un élément essentiel de la confiance que les citoyens peuvent y apporter. Les innovations techniques concernant le fonctionnement de notre vie démocratique ne doivent pas être subies ; elles doivent être pensées par et pour l'ensemble de la société. C'est pourquoi je considère qu'un large débat public s'impose sur ce sujet.

Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous m'indiquer si vous envisagez d'engager un tel débat avant les prochaines échéances électorales ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Madame le sénateur, vous avez interrogé Mme le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les dysfonctionnements survenus à Paris lors du vote électronique aux récentes élections prud'homales ainsi que sur l'utilisation du vote électronique en général.

Notre département ministériel n'étant pas chargé de l'organisation des élections professionnelles – c'est le ministère du travail qui est concerné –, je ne me prononcerai pas sur la nature des difficultés rencontrées lors des dernières élections prud'homales.

Il n'en est pas moins vrai que le vote électronique représente un enjeu pour le fonctionnement de la vie démocratique, dans une société qui a vu, ces dernières années, une diffusion croissante des outils numériques.

À l'heure actuelle, les machines à voter représentent en matière de vote électronique la seule alternative utilisée pour les élections politiques.

À la suite des problèmes rencontrés lors de l'élection présidentielle de 2007 a été constitué un groupe de travail qui a procédé à une série d'auditions de façon à recueillir un maximum d'opinions sur le vote électronique.

Dans un rapport rendu dans le courant du premier trimestre de 2008, cette instance a estimé qu'il fallait continuer à utiliser les machines à voter, tout en recommandant de modifier certaines dispositions législatives et réglementaires ainsi que le règlement technique qui leur est applicable.

Ces adaptations sont en cours de réalisation et pourraient être insérées dans un projet de loi relatif à la modernisation de la vie démocratique locale, projet qui est déjà dans les cartons du ministère de l'intérieur et qui pourrait être, je l'espère, soumis au Sénat et à l'Assemblée nationale avant la fin de l'année.

Les travaux de révision du règlement technique ont également été engagés avec le secrétariat général de la défense nationale.

Par ailleurs, au cours des débats qui se sont déroulés devant les deux assemblées sur le « paquet électoral » – vous étiez présente, madame le sénateur –, la question du recours au vote par Internet pour l'élection des députés des Français de l'étranger, nouvelle catégorie de députés, a été soulevée à plusieurs reprises.

Là encore, je considère que la réflexion doit être menée rapidement. Je m'y suis personnellement engagé lors de la discussion parlementaire, notamment dans cet hémicycle. Les acteurs concernés, notamment le bureau de l'Assemblée des Français de l'étranger, les associations qui les représentent et, bien entendu, les parlementaires, seront consultés et participeront à cette réflexion. Le débat sur ce sujet au Sénat a d'ailleurs été particulièrement dense, riche et intéressant.

La fiabilité des systèmes, leur intégrité et leur sécurité, ainsi qu'un niveau élevé de transparence sont nécessaires, chacun en conviendra. Nous avons donc besoin d'un débat objectif, c'est-à-dire éclairé par des avis techniques et scientifiques de haut niveau.

Tel est le sens de l'action politique qui sera conduite dans ce domaine, avec le souhait d'avancer sur ce dossier. Il n'est pas concevable, en effet, dans une société comme la nôtre, où les nouvelles technologies de l'information et de la communication se sont largement développées et se développeront encore dans les prochaines années, d'en rester à des modes de votation qui peuvent aujourd'hui paraître un peu désuets et obsolètes.

Donc, comme vous le souhaitiez, madame le sénateur, la concertation va se poursuivre.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Il est vrai qu'avec l'évolution des nouvelles technologies les pratiques anciennes n'ont plus lieu d'être. Mais, dans le même temps, on a constaté que le vote électronique n'était pas un facteur de plus grande participation électorale.

Vous savez certainement ce que la fédération des Associations françaises des sciences et des technologies de l'information pense du vote anonyme.

La question mérite un réel débat. J'espère que nous pourrons l'avoir au Parlement, afin de trouver un bon équilibre entre technologie et démocratie.

- page 921

Page mise à jour le