Question de Mme BOUMEDIENE-THIERY Alima (Paris - SOC-R) publiée le 25/12/2008

Mme Alima Boumediene-Thiery attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité sur la situation des vieux migrants qui sont amenés à circuler entre leur pays d'origine et la France. Les « chibanis » ont pour la plupart travaillé durant 20 ou 30 ans pour des salaires minimums, et se trouvent, lorsqu'ils entrent en retraite, confrontés à des difficultés importantes liées à leur nomadisme. Ces migrants qui résident en France se rendent souvent, durant leur retraite, dans leur pays d'origine, pour un mois ou parfois pour un séjour plus long.
Ainsi, ils perdent le bénéfice de nombreuses prestations sociales en raison de ces voyages, pourtant nécessaires pour le maintien des liens familiaux. Ces populations vulnérables connaissent en effet des difficultés d'accès aux soins, d'accès au logement et d'accès aux droits sociaux :

1. Pour pouvoir bénéficier de l'allocation pour le logement, les migrants ne peuvent s'absenter de leur domicile plus de trois mois. Ainsi, tout séjour supérieur à ce délai entraîne la suspension de l'allocation logement.
2. En cas de maladie chronique, ces migrants ne peuvent obtenir, en raison d'instructions prises par les CPCAM en direction des pharmacies, un traitement pour une durée supérieure à un mois. Ainsi, les migrants malades ou suivant un traitement pour une infection de longue durée, ne peuvent voyager plus d'un mois, et sont obligés de revenir pour une simple ordonnance, alors qu'ils pourraient bénéficier de leur traitement pour plusieurs mois, ce que les pharmacies leur refusent. Or, ces retraités, compte tenu des conditions de vie et de travail qu'ils ont connu tout au long de leur existence, sont beaucoup plus fragiles que le reste de la population. Ainsi, les travailleurs maghrébins souffrent dès l'âge de 55 ans de pathologies que l'on ne rencontre que chez les Français de vingt ans plus âgés.
3. De nombreux migrants, ayant travaillé toute leur vie à de très bas salaires, bénéficient en France du minimum vieillesse ou d'une retraite complémentaire. Or, pour pouvoir toucher ces prestations, les migrants doivent résider en France de manière stable et continue, ce qui est incompatible avec leur mode de vie consistant à effectuer régulièrement des allers-retour entre la France et leur pays d'origine. Certains se voient même proposer une indexation de leur complémentaire sur la monnaie de leur pays d'origine, divisant ainsi leur pouvoir d'achat par 10.

Les caractères de stabilité et de continuité de l'obligation de résidence sont à leur égard inadaptés et constituent donc un obstacle sévère pour les vieux migrants. L'obligation de résidence ne doit pas être considérée comme une obligation de résidence continue, afin de tenir compte des pratiques de vie faites de va-et-vient entre le pays d'origine et la France.

C'est pourquoi elle lui demande quelles propositions elle entend faire pour garantir le droit d'accès effectif de ces personnes hautement vulnérables aux droits à la santé, au logement et aux prestations sociales.

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Transmise au Ministère de la santé et des sports


Réponse du Secrétariat d'État chargé des sports publiée le 28/01/2009

Réponse apportée en séance publique le 27/01/2009

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, auteur de la question no 374, transmise à Mme la ministre de la santé et des sports.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le secrétaire d'État chargé des sports, mes premiers mots seront pour regretter l'absence de Mme la ministre de la santé. Mais il est vrai que la situation des vieux migrants exige d'eux un véritable sport ! (Sourires.)

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je souhaite vous interpeller sur la situation des vieux migrants, ces personnes âgées que l'on nomme affectueusement les « chibanis ». Ils ont pour la plupart travaillé vingt, trente ou quarante ans en France, pour des salaires très bas et dans des conditions qui laissent souvent des traces sur leur santé.

À l'heure de la retraite – quand ils ont la chance d'y arriver –, ils se trouvent confrontés à des difficultés importantes liées aux allers-retours entre ces deux pays avec lesquels ils ont des liens très forts : leur pays de résidence, où ils ont toujours vécu, et leur pays d'origine.

En effet, même s'ils continuent à résider régulièrement en France, ces migrants, une fois à la retraite, se rendent souvent dans leur pays d'origine pour un mois, deux mois, parfois davantage. Ces allers-retours sont nécessaires au maintien des liens familiaux dans le pays, et importants pour la conservation de leurs droits dans leur pays de résidence.

Or plusieurs associations qui accueillent les chibanis, les médecins qui les suivent, nous ont alertés sur la précarité de leur situation et les problèmes administratifs qu'ils vivent : en raison de ce « nomadisme » ces vieux migrants perdent le bénéfice de nombreuses prestations sociales. Ces populations vulnérables, particulièrement fragiles, connaissent en particulier des difficultés d'accès au logement, d'accès aux soins, d'accès aux droits sociaux.

En matière de logement, tout d'abord, les migrants ne peuvent s'absenter de leur domicile plus de trois mois s'ils veulent pouvoir bénéficier de l'allocation logement ; tout séjour d'une durée supérieure entraîne la suspension de leur allocation.

Dans le domaine de la santé, ensuite, l'accès aux produits pharmaceutiques n'est pas le problème le moins important. En effet, en raison d'instructions données aux pharmacies par les caisses d'assurances-maladie, ces migrants ne peuvent obtenir de traitement pour une durée supérieure à un mois. De ce fait, les migrants malades – et ils sont nombreux – suivant un traitement pour une maladie chronique ou une infection de longue durée ne peuvent voyager plus d'un mois. Même quand leur ordonnance est renouvelable trois mois, ils sont obligés de revenir pour pouvoir se procurer leurs médicaments, alors qu'ils pourraient bénéficier de leur traitement pour au moins un trimestre, ce que les pharmacies leur refusent. Parce que le voyage est onéreux, ces migrants préfèrent parfois interrompre leurs soins pendant un temps. Tout cela a de graves conséquences sur leur santé, voire aggrave leur pathologie.

Ces retraités, compte tenu des conditions de vie et de travail qu'ils ont connues pendant toute leur existence, sont beaucoup plus fragiles que d'autres. Ainsi, les travailleurs migrants souffrent dès l'âge de cinquante-cinq ans de pathologies que l'on ne rencontre chez les Français que parmi les personnes de vingt ans plus âgées.

En termes de droits sociaux, enfin, il faut noter que de nombreux migrants, ayant travaillé toute leur vie à de très bas salaires, bénéficient en France du minimum vieillesse ou d'une retraite complémentaire. Or, pour pouvoir toucher ces prestations, ils doivent résider en France de manière stable et continue, ce qui est incompatible avec le mode de vie qu'ils adoptent une fois à la retraite et les nombreux allers-retours qu'il comporte. On leur demande de produire leur passeport pour constater qu'il n'y a pas eu d'absence de plus de deux mois, ce qui me semble un contrôle abusif lorsqu'ils ont une carte de résidence « retraité ».

Les caractères de stabilité et de continuité de l'obligation de résidence sont à leur égard inadaptés et constituent pour eux un obstacle sévère. On leur propose parfois une indexation de leur retraite complémentaire sur la monnaie de leur pays d'origine ; mais alors, ils doivent diviser leur pouvoir d'achat par dix !

Tout cela m'amène à souligner que l'obligation de résidence régulière ne doit pas être considérée comme une obligation de résidence continue, afin qu'il puisse être tenu compte des pratiques de vie, des va-et-vient entre le pays d'origine et le pays de résidence.

Je souhaite donc savoir quelles dispositions le Gouvernement entend prendre pour garantir le droit d'accès effectif de ces personnes hautement vulnérables au logement, aux soins, aux prestations sociales. Ne pense-t-il pas que ces personnes ont suffisamment cotisé, par leur travail en France, pour pouvoir obtenir, notamment, le droit à la santé et aux soins lorsqu'ils sont à la retraite ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Madame la sénatrice, vous avez bien voulu appeler l'attention de Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur la situation des « chibanis », qui sont des ressortissants des pays du Maghreb venus en France dans les années soixante-dix pour y travailler.

Ces personnes sont désormais retraitées. Elles vivent en France, mais effectuent de fréquents allers-retours entre la France et leur pays d'origine, notamment pour rejoindre les membres de leurs familles qui y demeurent toujours.

Vous indiquez que ces allers-retours ont pour conséquence la perte de certains de leurs droits sociaux, notamment au regard de leur retraite et des allocations logement. En outre, ceux qui souffrent de maladies chroniques seraient contraints de revenir très fréquemment en France dès lors que les prescriptions médicales ne sont données que pour une durée limitée à un mois.

Votre question appelle trois observations.

Tout d'abord, concernant les droits à la retraite, il est important de préciser que ces migrants ont, pour la quasi-totalité d'entre eux, exercé une activité professionnelle en France. Ils perçoivent à ce titre une pension contributive de la part des régimes de retraite de base et complémentaire. Cette pension contributive, qui est la contrepartie des cotisations versées, est « exportable », c'est-à-dire qu'ils peuvent continuer à la percevoir dans son intégralité quel que soit le pays dans lequel ils résident.

Toutefois, comme vous l'indiquez, un certain nombre d'entre eux perçoivent de petites retraites en raison soit de carrières incomplètes, soit de salaires souvent faibles. En conséquence, ces personnes se voient allouer, en complément de leur pension contributive, une allocation différentielle dans le cadre du minimum vieillesse.

Il est important de rappeler que la prestation non contributive que constitue le minimum vieillesse est subordonnée à une condition de ressources et à une condition de résidence. Cette prestation exprime la solidarité de la nation à l'égard des personnes qui perçoivent en France de faibles retraites. Le montant de cette prestation a donc été fixé à un niveau permettant aux intéressés de vivre décemment sur notre territoire.

Ces prestations n'ont pas vocation à être exportables et ne sont donc pas versées aux personnes qui quittent durablement le territoire français. Ce principe de non-exportation des prestations non contributives n'est pas propre aux chibanis.

Ensuite, concernant les allocations logement, pour prétendre bénéficier d'une aide, il faut pouvoir justifier d'une résidence de huit mois sur le territoire français. En cas de résidence à l'étranger de plus de quatre mois, ces personnes ne peuvent plus prétendre au bénéfice des aides au logement.

Pour prendre en compte la situation des anciens salariés hébergés en foyers de travailleurs migrants ou en résidences sociales et dont les retraites contributives sont très faibles, l'article 58 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable a permis de créer une aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine.

Cette aide est ouverte aux étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, vivant seuls et âgés d'au moins soixante-cinq ans, qui justifient d'une résidence régulière et ininterrompue en France pendant les quinze ans précédant la demande d'aide et qui effectuent des séjours de longue durée dans leur pays d'origine. Elle a pour but de compléter leurs ressources afin qu'ils puissent, s'ils le désirent, retourner régulièrement dans leur pays d'origine.

Compte tenu toutefois des difficultés juridiques complexes, soulignées par le Conseil d'État, que soulèvent les modalités d'application de cette mesure, le Gouvernement privilégie une mise en œuvre de ce dispositif par voie d'accords bilatéraux avec les pays les plus concernés.

En dernier lieu, s'agissant de la délivrance de traitements pour les patients malades chroniques, il est vrai qu'en règle générale les pharmaciens n'ont pas le droit de délivrer de médicaments pour une durée supérieure à un mois. Cette limitation résulte non pas d'une instruction de la Caisse nationale d'assurance maladie, mais de l'application de l'article L. 5123-7 du code de la santé publique, édicté pour des raisons de santé publique et pour éviter tout gaspillage.

Toutefois, des exceptions existent, en particulier pour la délivrance de médicaments en grands conditionnements, dans le cas d'un traitement de trois mois pour une pathologie chronique, l'hypertension artérielle notamment. Le Gouvernement est d'ailleurs favorable au développement des prescriptions de ces grands conditionnements, plus économiques pour le patient et l'assurance maladie.

En outre, une circulaire de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés autorise les caisses à prendre en charge les médicaments des assurés qui sont obligés de se rendre à l'étranger pour des durées supérieures.

Comme vous pouvez le constater, madame la sénatrice, le Gouvernement est mobilisé sur cette question et met en place les dispositifs adaptés, qui répondent, je l'espère, à vos légitimes préoccupations.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Vous oubliez malheureusement de dire, concernant le droit à la retraite, que la pension reçue exploitable est souvent divisée par dix, ce qui restreint énormément le pouvoir d'achat.

Concernant l'allocation logement, la condition de résidence suppose une durée de huit mois consécutifs. Nous souhaitons que l'interruption de cette durée puisse être comprise entre deux et quatre mois, et non plus inférieure à deux mois. Ainsi, cette interruption pourra intervenir en une seule fois.

S'agissant des soins, nous regrettons que l'exception prévue puisse être admise seulement par le biais d'une autorisation spéciale, très difficile à obtenir. Nous demandons au Gouvernement, dans ce type de cas, de bien vouloir adresser une circulaire aux caisses d'assurance maladie, ou bien aux pharmaciens, afin que cette autorisation puisse être obtenue plus facilement.

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