Question de M. BOYER Jean (Haute-Loire - UC) publiée le 20/02/2009

Question posée en séance publique le 19/02/2009

M. Jean Boyer. Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Madame le ministre, le Président de la République a annoncé, le 5 février dernier, la suppression de la taxe professionnelle. Cette décision a suscité une certaine perplexité chez la plupart des observateurs, à commencer par les élus locaux que nous sommes.

Lundi, M. le Premier ministre a annoncé qu'en dépit de cette suppression le niveau des ressources des collectivités locales serait maintenu. Cette promesse est rassurante,…

M. Jean-Pierre Sueur. Pas du tout !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle est même inquiétante !

M. Robert Hue. Vous croyez au père Noël !

M. Jean Boyer. … mais l'enchaînement des annonces soulève tout de même de nombreuses questions et des craintes que j'aimerais, madame la ministre, relayer devant vous.

La taxe professionnelle représente pour bon nombre de collectivités une source de recettes fiscales très importante.

M. Robert Hue. En moyenne, 47 % !

M. Jean Boyer. Elle est souvent un levier incontournable au service de développement local.

Cette annonce pose deux problèmes, l'un sur la forme et l'autre sur le fond.

Sur la forme tout d'abord, la suppression de la taxe professionnelle semble avoir été décidée sans attendre les conclusions du comité présidé par M. Édouard Balladur, dont le travail, encore en cours, doit notamment conduire à des recommandations sur l'avenir des finances locales.

M. Bernard Frimat. Eh oui !

M. Jean Boyer. On parle souvent de codécision ; c'est une notion à laquelle nous devons penser.

Sur le fond, la suppression de la taxe professionnelle pose un problème de chiffrage précis. On parle de 8 milliards d'euros qui devront être compensés,…

M. René-Pierre Signé. Par les contribuables !

M. Jean Boyer. … parfois de 11 milliards, voire de 22 milliards.

De plus, en abolissant la taxe professionnelle sur les équipements bruts mobiliers et en la conservant sur le foncier professionnel, on créera une forte distorsion entre les territoires. Quel sera donc le périmètre exact de la suppression qui sera retenu afin de ne pas créer trop d'inégalités ?

En tout état de cause, cette mesure pose le problème de la compensation pour les collectivités. Les solutions proposées, telles que la taxe carbone…

Mme Nicole Bricq. C'est du vent !

M. Jean Boyer. …ne semblent pas, pour l'instant, très pérennes et la taxe carbone sera de toute façon dégressive.

À un moment où l'on souhaite miser sur l'investissement public, et notamment sur celui des collectivités, pour sortir de la crise, on pourrait avoir l'impression que celles-ci sont ignorées ; si j'étais excessif, je dirais même brimées !

Ma question est donc simple : pouvez-vous, madame le ministre, nous dire très concrètement quel est le moyen de remplacement des ressources des collectivités le plus juste possible et quelles pistes de compensation sont envisagées ?

Les relations entre l'État et les collectivités constituent un sujet récurrent et primordial au sein de notre assemblée. Il faut qu'elles soient claires, justes et transparentes. À partir de là, madame le ministre, chacun pourra et devra assumer ses responsabilités au service de notre pays.


Réponse du Ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales publiée le 20/02/2009

Réponse apportée en séance publique le 19/02/2009

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, nous sommes les seuls en Europe à avoir un impôt qui pénalise ceux qui investissent et qui épargne, au contraire, ceux qui se contentent d'importer. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Il y a une taxe professionnelle en Allemagne !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. C'est une pénalisation que, à l'évidence nous ne pouvons plus supporter, et le Président de la République avait depuis longtemps déjà…

M. René-Pierre Signé. Il n'y a pas si longtemps qu'il est Président de la République !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. …indiqué – et il l'a répété récemment – qu'il fallait aller vers la suppression de la taxe professionnelle.

Plusieurs sénateurs socialistes. Qui l'a inventée ?

M. Jacques Mahéas. Chirac en 1975 !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Elle a été inventée voilà des années et je constate, messieurs, que vous ne l'avez pas modifiée pendant que vous étiez au pouvoir !

M. Jean-Pierre Sueur. Dominique Strauss-Kahn avait supprimé la part « salaires » !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Vous en êtes donc tout autant responsables ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP. – Protestations non moins vives sur les travées du groupe socialiste.)

M. René-Pierre Signé. Et vous, vous n'avez pas supprimé les 35 heures !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il convient par conséquent, pour protéger la capacité d'investissement des collectivités locales, qui est en effet un facteur très important de l'activité économique dans notre pays, de prévoir une compensation.

Le Premier ministre a annoncé qu'il y aurait une compensation intégrale du manque à gagner pour les collectivités,…

M. Jean-Pierre Sueur. Comment ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. … soit environ 22 milliards d'euros.

Comment ? Il s'agira d'abord d'une compensation par d'autres systèmes d'imposition protégeant l'autonomie financière des collectivités locales,…

M. Jean-Pierre Sueur. Lesquels ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. …ce qui répond à une revendication également importante.

Connaissant le volume, sachant qu'il doit y avoir un transfert…

M. René-Pierre Signé. Vers les contribuables !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. …et qu'il doit y avoir préservation des finances des collectivités locales, c'est en effet en fonction des résultats des travaux de la commission Balladur que nous allons déterminer quels types d'impôts pourront être transférés en compensation pour les collectivités locales de leur manque à gagner. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Tout cela va être examiné en étroite concertation avec les associations d'élus,…

M. Didier Boulaud. Comme d'habitude !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. …conformément à la règle générale, et aussi, bien entendu, avec le Parlement.

M. Didier Boulaud. Concertation piège ! Concertation bidon !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ainsi, nous aurons, dans quelques semaines au plus, l'occasion de débattre dans le détail des propositions que nous vous soumettrons pour compenser intégralement le manque à gagner des collectivités locales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. Bravo !

M. Jean-Luc Mélenchon. Bravo pour quoi ? C'est absurde : vous ne savez même pas qui va payer !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous n'avons eu aucune réponse !

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