Question de Mme ASSASSI Éliane (Seine-Saint-Denis - CRC-SPG) publiée le 05/02/2009

Mme Éliane Assassi attire l'attention de M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire sur les menaces qui pèsent sur les centres de soins pour les victimes de torture à la suite de l'annonce faite par la Commission européenne du retrait progressif de son soutien financier à ce secteur à partir de 2010. Elle précise que les personnes concernées sont des demandeurs d'asile ou des réfugiés, originaires de pays d'Afrique, d'Asie ou d'Europe de l'Est. Selon des estimations concordantes, 20 % des demandeurs d'asile et des réfugiés présents sur le territoire de l'Union européenne souffrent de graves traumatismes liés à la torture, aux mauvais traitements, à la guerre et à la violence, subis dans leur pays d'origine. Alors que plusieurs textes européens reconnaissent la nécessité d'une prise en charge spécifique et inconditionnelle des victimes de la torture qui sont particulièrement vulnérables, lourdement traumatisées et en grande détresse psychologique (angoisses, cauchemars, réminiscences, irritabilité …), très peu de gouvernements nationaux assument pleinement leurs responsabilités en la matière. Les centres de soins dépendent donc fortement des financements de l'Union européenne et du fonds de contribution volontaire des Nations unies pour les victimes de torture (UNVFVT). Si l'Union européenne soutenait jusqu'à présent la prise en charge des victimes de torture indépendamment de leur situation géographique, via le financement de centres de soins, elle a estimé dans son document de stratégie 2007-2010 que les États membres devaient dorénavant s'engager financièrement et prendre le relais de l'Europe en la matière. Les résultats de cette annonce ne se sont pas fait attendre : en 2008, une vingtaine de centres en Europe se sont vu refuser par la Commission européenne des subventions pourtant nécessaires au maintien ou à l'extension de leurs activités, mettant en danger la poursuite des soins dispensés aux victimes de torture et conduisant à des réductions drastiques de leurs activités. Onze de ces centres se retrouvent donc dans une situation financière très critique : il s'agit de ceux situés en Albanie, Bosnie, Bulgarie, Irlande, Kosovo, Macédoine, Moldavie, Roumanie, Belgique, Allemagne et Italie. Le centre d'Athènes quant à lui, qui est l'un des plus anciens en Europe et le plus sollicité en raison de sa situation géographique, a d'ores et déjà fermé à la fin de l'année 2008. L'offre de soins aux victimes de torture qui était déjà en deçà des besoins est donc aujourd'hui réellement menacée dans plusieurs pays européens. Les centres de soins situés en France connaissent eux aussi de grandes difficultés qui ne manqueront pas de s'aggraver avec la fin des financements en 2010. Pourtant l'on sait que sans compensation financière au plan national, chaque fermeture de centre a pour conséquence l'abandon de l'aide auprès de centaines de personnes. Parce qu'elle estime que la décision de l'Union européenne de supprimer à compter de 2010 son soutien financier ne doit pas porter préjudice aux victimes de la torture, elle lui demande par conséquent de bien vouloir lui préciser les mesures concrètes qu'il envisage de prendre afin d'assurer dans les meilleures conditions le relais de l'Europe et garantir ainsi non seulement le financement durable des centres de soins pour les victimes de torture situés en France mais aussi l'augmentation de leur capacité d'accueil qui est actuellement encore trop faible par rapport aux besoins.

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Transmise au Ministère des affaires étrangères et européennes


Réponse du Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire publiée le 18/02/2009

Réponse apportée en séance publique le 17/02/2009

La parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la question no 424, transmise à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre, je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur les menaces qui pèsent sur les centres de soins pour les victimes de torture depuis que la Commission européenne a annoncé le retrait progressif, à partir de 2010, de son soutien financier.

Vous le savez, les personnes concernées sont des demandeurs d'asile ou des réfugiés originaires de pays d'Afrique, d'Asie ou d'Europe de l'Est.

Selon des estimations concordantes, 20 % des demandeurs d'asile et des réfugiés présents sur le territoire de l'Union européenne souffrent de graves traumatismes liés à la torture, aux mauvais traitements, à la guerre et à la violence subis dans leur pays d'origine.

Alors que plusieurs textes européens reconnaissent la nécessité d'une prise en charge spécifique et inconditionnelle des victimes de la torture, qui sont particulièrement vulnérables, lourdement traumatisées et en grande détresse psychologique, très peu de gouvernements nationaux assument pleinement leurs responsabilités en la matière. Les centres de soins dépendent donc fortement des financements de l'Union européenne et du fonds de contributions volontaires des Nations unies pour les victimes de torture.

Si l'Union européenne soutenait jusqu'à présent la prise en charge des victimes de torture indépendamment de leur situation géographique, via le financement de centres de soins, elle a estimé, dans son document de stratégie 2007-2010, que les États membres devaient dorénavant s'engager financièrement et prendre le relais de l'Europe en la matière. Les résultats de cette annonce ne se sont pas fait attendre : en 2008, une vingtaine de centres, en Europe, se sont vu refuser par la Commission des subventions pourtant nécessaires au maintien ou à l'extension de leurs activités, ce qui met en question la poursuite des soins qu'ils dispensent aux victimes de torture et les conduit à réduire drastiquement leurs activités.

Onze de ces centres se trouvent donc dans une situation financière désormais très critique : il s'agit de ceux qui sont situés en Albanie, en Bosnie, en Bulgarie, en Irlande, au Kosovo, en Macédoine, en Moldavie, en Roumanie, en Belgique, en Allemagne et en Italie. Le centre d'Athènes, quant à lui – l'un des plus anciens en Europe et le plus sollicité en raison de sa situation géographique –, a fermé à la fin de l'année 2008.

L'offre de soins aux victimes de torture, qui était déjà en deçà des besoins, est donc aujourd'hui réellement menacée dans plusieurs pays européens.

Les centres de soins situés en France connaissent eux aussi de grandes difficultés ; celles-ci ne manqueront pas de s'aggraver en 2010, lorsque prendront fin les financements européens. On sait pourtant que, sans compensation financière nationale, chaque fermeture de centre a pour conséquence l'abandon de l'aide apportée à des centaines de personnes.

Parce que la décision de l'Union européenne de supprimer à compter de 2010 son soutien financier ne doit pas porter préjudice aux victimes de la torture, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir me préciser les mesures concrètes que vous envisagez afin de prendre dans les meilleures conditions le relais de l'Europe et de garantir ainsi non seulement le financement durable des centres de soins pour les victimes de torture situés en France, mais aussi l'augmentation de leur capacité d'accueil, actuellement encore trop faible par rapport aux besoins.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Je vous prie tout d'abord, madame la sénatrice, de bien vouloir excuser l'absence de Bernard Kouchner, qui m'a demandé de vous répondre en son nom. Il vous remercie d'avoir soulevé cette question importante concernant les centres de soins pour les victimes de la torture, qui sont, dans leur grande majorité, demandeurs d'asile et réfugiés.

Les dispositifs de « soins gratuits » sont en effet essentiels pour ces personnes en perte de repère après un exil souvent difficile. Ils permettent aussi de pallier les périodes d'exclusion de droits pour les personnes démunies. Ces centres sont gérés par des organisations non gouvernementales, qui effectuent un travail remarquable, mais dont les moyens, notamment en personnel qualifié, manquent.

La France est très sensible à la question de la prise en charge, sur son territoire, des personnes victimes de la torture, car elle mène une action résolue contre la torture sur la scène internationale.

Notre pays apporte son soutien aux organismes internationaux de prévention de la torture, tels que le Comité contre la torture ou le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l'Europe. Nous soutenons également l'action du rapporteur spécial du Conseil des droits de l'homme des Nations unies sur la torture, dont le mandat a été renouvelé pour trois ans, avec notre coparrainage, lors de la 7ème session du Conseil des droits de l'homme, en mars 2008.

De plus, la France contribue chaque année, à hauteur de 200 000 euros, au financement du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture, qui permet à des organisations non gouvernementales d'apporter une assistance humanitaire, psychologique, médicale, sociale, juridique et économique aux victimes de la torture ainsi qu'aux membres de leurs familles.

Les personnes soumises à la torture et, plus généralement, les personnes persécutées trouvent en la France une terre d'asile, ce qui en fait le deuxième pays d'asile au monde. À cet égard, nous avons le devoir d'accueillir dignement en France les victimes de la torture.

Conformément à la directive européenne « Accueil » de janvier 2003, relative aux normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les États membres, nous nous engageons à faire en sorte que « les personnes ayant subi des tortures, des viols ou d'autres violences graves, reçoivent le traitement que nécessitent les dommages causés par les actes en question ».

Même si les centres de soins ne sont pas gérés par l'État, ils participent de cet accueil digne des personnes victimes de la torture. L'État n'est cependant pas inactif : nous apportons en effet des subventions aux associations qui gèrent les centres de soins, telles que le Comité médical pour les exilés, le COMEDE, et l'association Primo Levi, qui sont par ailleurs financées sur fonds européens au titre du Fonds européen pour les réfugiés.

La France ne manque pas de préconiser, auprès de la Commission, le maintien de l'aide apportée aux centres de soins pour les victimes de la torture, et continuera de le faire.

Madame la sénatrice, l'action de l'État en faveur des centres de soins pour les victimes de la torture sera poursuivie. Nous resterons mobilisés sur cette question très importante.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Vous avez rappelé, avec une certaine solennité, que tous les dispositifs existants étaient essentiels, même si les moyens manquent cruellement, que la France était sensible au problème de la prise en charge des victimes, qu'elle ne baisserait pas les bras et continuerait d'agir en faveur des centres de soins.

Pour notre part, nous nous en tenons aux actes. Nous verrons donc si les propos que vous avez tenus, au nom de M. Bernard Kouchner, se vérifient sur la durée.

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