Question de Mme TERRADE Odette (Val-de-Marne - CRC-SPG) publiée le 19/02/2009

Mme Odette Terrade attire l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique sur la situation d'inégalité de traitement entre les fonctionnaires du cadre B des impôts promus dans le cadre A avant le 1er janvier 2007, date d'entrée en vigueur du décret n° 2006-1827 du 23 décembre 2006, et ceux de leurs collègues issus des promotions suivantes.

Les fonctionnaires d'État nommés avant la promulgation de ce décret, subissent une inégalité de traitement ayant des conséquences sur leur salaire, leur retraite et leur avancement de carrière.

En effet, les anciennes règles de classement d'échelons étaient effectives lors de la titularisation, alors qu'elles le sont aujourd'hui lors de la nomination. Cette modification induit un premier handicap d'un an d'ancienneté par rapport aux nouveaux promus.

Le dispositif de reclassement, pour les fonctionnaires issus de la catégorie B, était soumis à un « écrêtement » de leur ancienneté lors de leur titularisation en catégorie A, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui et aboutit à des situations telles que les agents ayant réussi l'examen professionnel ou dont les mérites ont été reconnus en 2005 par exemple, se voient rattrapés et devancés de deux échelons par la plupart de leurs collègues promus après eux, à partir de 2006 et les années suivantes. Cette modification induit un second handicap de six ans d'ancienneté par rapport aux nouveaux promus.

Si le nombre de fonctionnaires concernés reste restreint, les conséquences individuelles pour chacun d'eux se chiffrent en centaines d'euros par mois, voire en milliers d'euros sur l'ensemble de leur carrière. Celles-ci sont défavorables sur le calcul de leurs retraites et sur l'évolution de leurs carrières.

Par ailleurs, de nombreux agents et leurs organisations syndicales ont plusieurs fois saisis les services de l'administration et le Médiateur de la République qui a reconnu l'inéquité de la situation ainsi que le secrétaire d'État à la fonction publique dans la réponse du 22 janvier 2009 à la question écrite d'un collègue sénateur.

Pour ces raisons, elle souhaite connaître les différentes mesures qu'il compte prendre pour remédier à ces inégalités.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la fonction publique publiée le 18/03/2009

Réponse apportée en séance publique le 17/03/2009

La parole est à Mme Odette Terrade, auteur de la question n° 447, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Mme Odette Terrade. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur l'inégalité de reclassement entre les fonctionnaires du cadre B de la fonction publique promus dans le cadre A avant le 1er janvier 2007 par rapport à leurs collègues promus postérieurement à cette date.

Cette inégalité résulte de l'application du décret n° 2006-1827, dit « décret Jacob », dont les effets pervers vous ont déjà été signalés à de nombreuses reprises depuis plus de deux ans.

Ainsi, une trentaine de mes collègues parlementaires, députés ou sénateurs, considérant l'injustice de la situation subie par les agents promus avant ce décret, vous ont déjà interrogé.

À ce jour, toutes les démarches et interventions se sont vu opposer un refus fondé en droit sur le principe de la « non-rétroactivité des textes et des actes juridiques ».

Les agents concernés n'ignorent évidemment pas ce principe fondamental de notre droit. Aussi ne revendiquent-ils pas l'application rétroactive du décret Jacob avec effet pécuniaire à la date de leur nomination. Par conséquent, la réponse fondée sur le principe de la non-rétroactivité est une réponse à une question qu'ils ne posent pas.

En revanche, monsieur le secrétaire d'État, ce que ces agents vous demandent, c'est l'adoption de nouvelles mesures statutaires pour corriger les effets du décret Jacob, ainsi que le recommande d'ailleurs le Médiateur de la République, M. Jean-Paul Delevoye.

Dans le numéro 44 de la Revue du Médiateur, paru en février dernier, M. Delevoye écrit en effet : « En l'absence de mesures transitoires entre les deux dispositifs de reclassement, il s'ensuit des franchissements d'ancienneté préjudiciables aux agents promus avant le 1er janvier 2007 en matière non seulement de rémunération mais aussi d'avancement, de mutation et de droits à pension. Selon l'échelon de reclassement, la rémunération mensuelle d'anciens promus peut être ainsi inférieure de plusieurs centaines d'euros à celle de leurs nouveaux collègues.

« De plus, les nouveaux promus […] bénéficieront […] d'un indice de liquidation de leur pension vieillesse supérieur […].

« Enfin, de nombreux effets pervers se sont également manifestés en matière de mutations, du fait que les inspecteurs nouvellement promus et mieux reclassés primeront ceux des promotions antérieures.

« La situation créée pour les personnels promus de la catégorie B à la catégorie A avant le 1er janvier 2007, par le décret n° 2006-1827, n'est donc pas équitable et doit pouvoir être corrigée par la mise en œuvre de mesures transitoires. »

Le Médiateur de la République fait ensuite des propositions.

Les mesures transitoires « devront permettre le reclassement à l'échelon résultant de l'application des dispositions du décret n° 2006-1827 des fonctionnaires issus d'un corps ou d'un cadre d'emploi de catégorie B et nommés dans un corps de catégorie A au titre de la promotion interne, à la date de leur nomination.

« Ce reclassement pourrait alors être assorti d'un effet pécuniaire sans rappel antérieur à compter de la date d'entrée en vigueur de ce décret, soit le 1er janvier 2007. »

Monsieur le secrétaire d'État, on ne saurait être plus clair, et c'est justement ce que les agents attendent !

Ainsi donc, la seule autorité indépendante, dont la compétence ne saurait être contestée, reconnaît pleinement le bien fondé de la demande de ces personnels.

Vous avez vous-même, dans vos dernières réponses aux questions écrites de mes collègues parlementaires, admis la réalité du « désavantage » induit par l'application du décret pour les agents promus antérieurement au 1er janvier 2007.

C'est pourquoi, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures vous comptez prendre pour mettre en œuvre le plus rapidement possible les recommandations du Médiateur de la République et pour rétablir enfin l'équité entre ces agents soumis aux mêmes critères de sélection et exerçant les mêmes fonctions.

Comme moi, monsieur le secrétaire d'État, la délégation des agents des impôts concernés par cette question, qui est présente dans les tribunes de notre hémicycle ce matin, attend avec impatience votre réponse.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, tout d'abord, excuser Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui ne pouvait être présent ce matin.

Le décret du 23 décembre 2006 que vous évoquez, madame, a mis en place un dispositif plus favorable pour les agents promus sur liste d'aptitude au grade d'inspecteur, avec un gain indiciaire d'une cinquantaine de points en moyenne, contre environ vingt-cinq points majorés avec le précédent système.

J'assume cette volonté réelle de valoriser les agents les plus méritants.

En ce qui concerne une prétendue rupture d'égalité, je me permets de vous rappeler que le Conseil d'État a déjà jugé, dans une décision du 10 décembre 2004, que le fait de ne prévoir l'application d'une mesure qu'aux agents recrutés à compter de son entrée en vigueur ne constituait pas une discrimination contraire au principe d'égalité des fonctionnaires d'un même corps.

Vous dites que les agents promus avant le 1erjanvier 2007 seraient désavantagés.

En ce qui concerne les mutations, l'administration des impôts a mis en œuvre, en concertation avec les représentants du personnel, des dispositifs aménageant les effets novateurs du décret en faveur des fonctionnaires promus dont le classement était intervenu avant le 1er janvier 2007.

Concrètement, un suivi a été mis en place pour s'assurer qu'un agent issu d'une promotion antérieure ne serait pas devancé par un agent promu après le 1er janvier 2007.

En 2008, quatre agents ont pu bénéficier de ce dispositif.

S'agissant de l'avancement, le statut prévoit un nombre d'années de services effectifs en catégorie A pour accéder au grade supérieur, ce qui neutralise les effets du décret en termes de reprise d'ancienneté.

Un autre aménagement a été réalisé pour permettre aux agents issus de listes d'aptitude, d'examens professionnels ou de concours internes antérieurs au 1er janvier 2007 de se porter candidat même s'ils n'ont pas atteint l'échelon requis.

En 2008, cinquante-quatre agents ont bénéficié de cet aménagement.

Ainsi, madame le sénateur, permettez-moi de ne pas partager votre avis lorsque vous parlez d'inégalité de traitement entre les fonctionnaires des impôts. Dans le cas présent, non seulement il y a valorisation des mérites individuels, mais encore nous traitons avec équité les agents promus avant le 1er janvier 2007.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Monsieur le secrétaire d'État, je prends acte de votre réponse, même si elle n'est pas de nature à satisfaire les agents concernés.

Vous avez à juste titre rappelé que des mesures avaient été prises. Mais ne serait-il pas préférable de reconsidérer la situation dans son ensemble ?

Il ne s'agit pas de revenir sur le principe de non-rétroactivité. Vous le savez, le règlement de cette question est aussi budgétaire. Le retard pris dans le traitement de ce dossier, voire le refus de le prendre en compte de manière globale, n'est pas sans lien avec la révision générale des politiques publiques et les enjeux budgétaires des ministères.

Cependant, au regard du nombre de fonctionnaires concernés – environ 500 –, le coût que représenteraient des mesures visant à rétablir une égalité de traitement et de grade serait bien moins important que celui qui est engendré pour le reclassement d'autres cadres, pour lesquels les moyens nécessaires ont pu être dégagés.

J'ai personnellement saisi le Médiateur de la République sur ce sujet. S'il m'a apporté la même réponse que vous, monsieur le secrétaire d'État, s'appuyant lui aussi sur la jurisprudence du Conseil d'État, constante du fait de la non-rétroactivité des textes, il a rappelé que le Conseil d'État considérait « que l'exercice du pouvoir réglementaire impliqu[ait] pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit » et qu'« il incomb[ait] à l'autorité investie du pouvoir réglementaire [...] d'édicter [...] les mesures transitoires ».

Ainsi, le Conseil d'État et le Médiateur de la République reconnaissent la nécessité de remédier à cette situation. Il ne s'agit ici, selon moi, que de volonté politique.

Accéder à la demande des fonctionnaires subissant une inégalité de traitement ne créerait pas un précédent et ne représenterait pas un coût financier excessif.

Dans le secteur privé, cette question aurait certainement déjà été réglée en vertu du principe « à travail égal, salaire égal ».

Monsieur le secrétaire d'État, en refusant de résoudre ce problème rapidement, vous continuez à alimenter le ressentiment des agents concernés. Il serait de meilleure administration de dégager les moyens permettant de régler cette situation, plutôt que d'alimenter un motif de conflit latent.

Je regrette que vous ne preniez pas en compte les propositions et recommandations du Médiateur de la République qui visaient à réparer cette injustice. Il importe de reconsidérer cette question et de ne pas retarder une fois de plus le règlement ce dossier, qui traîne depuis deux ans.

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