Question de M. PATIENT Georges (Guyane - SOC-A) publiée le 09/04/2009

M. Georges Patient attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la crise que traversent les principaux secteurs productifs de Guyane : la pêche, le riz, le bois et l'or.

En effet, la filière rizicole qui constituait un des fers de lance de l'économie guyanaise connaît depuis plusieurs années une chute vertigineuse de sa production puisqu'elle est passée de 30 000 tonnes en 2006 à 8 000 tonnes en 2007. Cette baisse est constante malgré une forte politique de subventions publiques et le passage à un cycle unique de production. Ceci est d'autant plus inquiétant que cette diminution de l'activité va à rebours de la demande mondiale qui est en forte hausse.

La pêche qui représente l'un des principaux pôles de production en Guyane avec près d'un tiers du chiffre total à l'export réalisé, hors activité spatiale, est également en crise. Depuis plusieurs années, l'activité se dégrade et doit faire face à des obstacles d'ordre financier. En effet, les outils OSEO, les prêts PME de la Banque Européenne d'Investissement ne sont pas proposés en Guyane.

S'agissant de la filière bois, malgré un fort potentiel, il rappelle que la forêt couvre 96 % du territoire de la Guyane, sa balance commerciale est toujours déséquilibrée, la valeur des exportations s'établissant en moyenne à 2,6 millions d'euros par an entre 2000 et 2006 contre 10 millions d'euros pour les importations. La concurrence des produits en provenance du Brésil et surtout de la France métropolitaine est de plus en plus forte. La filière dispose pourtant de nombreux atouts pour se développer : l'élargissement du marché soutenu par une démographie dynamique, le rattrapage des équipements publics et la hausse des cours des matériaux. Après le BTP, les produits de seconde transformation constituent un second débouché pour la filière, mais peu de produits sont fabriqués localement. Les entreprises locales de seconde transformation sont en général faiblement équipées et souffrent d'une organisation insuffisante.

Enfin, la filière aurifère, à l'instar des autres secteurs précités, est aussi en grande difficulté. Affaiblie par le développement de l'orpaillage clandestin et les contraintes liées aux exigences environnementales, cette filière a vu sa production s'effriter en quelques années. Au 31 décembre 2006, la production déclarée atteignait un volume de 2,7 tonnes soit un repli de 24 % par rapport au début de la décennie.

Afin de mieux comprendre les raisons de cette crise, il aimerait avoir des renseignements détaillés sur l'état de ces filières et sur la politique de l'État par rapport à celles-ci.

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Transmise au Secrétariat d'État chargé de l'outre-mer


Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'outre-mer publiée le 27/05/2009

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2009

La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 515, transmise à M. le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.

M. Georges Patient. Je souhaite attirer une fois de plus l'attention du Gouvernement sur l'exigence de développement de la Guyane.

En raison de la faiblesse de l'activité économique, le taux de chômage y est déjà très élevé. Mais on constate qu'il s'amplifie depuis quelque temps. Cela tient, d'une part, à la croissance démographique exceptionnelle de la Guyane – son taux d'accroissement démographique, 3,9 % par an, est le plus élevé de France et parmi les plus importants de la planète – et, d'autre part, à la chute vertigineuse des secteurs productifs de la Guyane.

Le constat actuel est éloquent. Pour que l'offre globale et la demande d'emploi évoluent de manière raisonnablement parallèle sur les vingt prochaines années, il faudrait créer plusieurs milliers d'emploi en Guyane, dont entre 1 500 et 2 000 dans les activités productives, qui sont le véritable moteur de l'économie.

Nous sommes très loin de ces chiffres ! En effet, la filière rizicole, qui constituait l'un des fers de lance de l'économie guyanaise, connaît depuis plusieurs années une chute vertigineuse de sa production. Cette dernière est passée, en l'espace de quatre ou cinq ans, de 30 000 tonnes à moins de 8 000 tonnes en 2007. Le phénomène est d'autant plus inquiétant que cette diminution de l'activité va à rebours de la demande mondiale, en forte hausse.

Autre signe inquiétant, la pêche, qui constitue l'un des principaux pôles de production en Guyane, avec près du tiers des recettes totales d'exportation, hors activités spatiales, est également en crise.

Depuis plusieurs années, l'activité se dégrade et le secteur doit faire face à des obstacles d'ordre financier. Je pense, en particulier, aux outils OSEO, aux prêts de la Banque européenne d'investissement aux PME, qui ne sont pas proposés en Guyane. D'ailleurs, ces dispositifs ne sont pas non plus appliqués dans les autres départements d'outre-mer, comme j'ai pu le constater lors de la récente mission d'information commune.

S'agissant de la filière bois, malgré un fort potentiel – je rappelle que la forêt couvre actuellement 96 % de la Guyane –, la balance commerciale est déséquilibrée.

Les exportations s'établissent en moyenne à 2,6 millions d'euros par an, contre 10 millions d'euros pour les importations. La concurrence des produits en provenance du Brésil et même de la France métropolitaine est de plus en plus forte : nous exportons du bois de la France métropolitaine alors que plus de 90 % de notre territoire est couvert de forêt.

Enfin, à l'instar des secteurs précités, la filière aurifère est aussi en grande difficulté.

Affaiblie par le développement de l'orpaillage clandestin, dont la production avoisinerait 10 tonnes d'or par an, par les contraintes liées aux exigences environnementales et aux exigences mal comprises de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, la DRIRE, cette filière a vu sa production s'effriter en quelques années. Au 31 décembre 2006, la production déclarée atteignait à peine une tonne, alors qu'elle s'élevait officiellement à 4 tonnes au début de la décennie.

Ces secteurs productifs constituent pourtant de réels atouts et peuvent permettre le développement endogène dont, monsieur le secrétaire d'État, vous faites la clé de voûte de votre politique ultramarine.

Que compte faire l'État pour accompagner le développement de ces filières susceptibles de jouer un rôle essentiel en termes d'autonomie économique de la Guyane ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous le savez, le Gouvernement est soucieux d'apporter au département de la Guyane des réponses concrètes sur les sujets que vous évoquez.

Dans le cadre de la mission que lui a confiée le Président de la République, Jean-François Dehecq a remis au Gouvernement, voilà quelques semaines, un rapport fixant les pistes stratégiques selon lesquelles nous pouvons envisager de développer des activités génératrices d'emploi en Guyane.

L'exploitation des ressources halieutiques, la filière bois, l'activité aurifère et, sur un plan plus large, la recherche peuvent effectivement permettre, en étant associées à la production locale, en particulier à la riziculture, d'apporter des réponses tout à fait significatives.

Le Gouvernement souhaite donc s'engager dans une démarche de soutien à ces différents secteurs.

Je me suis rendu le 4 avril dernier dans votre commune, monsieur le sénateur, et je vous remercie d'avoir accepté une mission de bons offices pour le secteur rizicole, afin que les différents acteurs puissent trouver les moyens de redémarrer l'exploitation dans de bonnes conditions. Étant entendu que, bien souvent, la panne économique que vous évoquez est due au manque de structuration et d'organisation des filières et à l'existence de nombreux blocages.

Pour soutenir cette volonté, qui me semble partagée, de redonner à la production locale toute sa dimension, le Gouvernement envisage la désignation d'un commissaire au développement économique et à la production locale en Guyane.

Comparable aux commissaires à l'industrialisation qui seront mis en place par la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, dans les secteurs en grande difficulté de notre pays, ce commissaire aura justement pour mission de soutenir les stratégies des filières que vous avez citées, monsieur le sénateur, d'accompagner leur professionnalisation, de rechercher éventuellement des investisseurs et d'atteindre les nouveaux objectifs fixés, afin d'apporter les réponses économiques attendues en Guyane en matière tant de recettes que d'emploi.

Ce défi est au cœur des états généraux de l'outre-mer et des problématiques actuellement évoquées. Le Gouvernement prendra certainement des décisions en la matière dans le cadre du futur conseil interministériel de l'outre-mer, qui se tiendra, je vous le rappelle, dans le courant du mois d'octobre. Ces décisions contribueront certainement à la structuration des différents secteurs que vous avez mentionnés, monsieur le sénateur.

Cela étant, je peux vous garantir que, au-delà des discours et des rapports établis, le Gouvernement est attentif au passage à l'acte afin de créer une croissance locale, de l'activité économique et de l'emploi.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai écouté attentivement votre réponse et votre proposition, même si elle ne constitue que la première étape de l'évolution que je souhaite pour la Guyane, me semble très positive.

En effet, avec une volonté politique forte de l'État et certainement aussi des collectivités locales, quand elles sont associées aux démarches, il est possible de progresser en Guyane. Je voudrais citer, à ce titre, l'exemple de la base spatiale.

Très souvent, la Guyane a été assimilée à une terre d'échecs. Elle a effectivement connu de nombreuses tentatives qui ont avorté. Je n'évoquerai pas les handicaps qui expliquent ces échecs.

La base spatiale, qui peut être considérée comme l'un des fleurons de l'industrie française, se situe en Guyane en raison de l'atout important que constitue la position stratégique du département. Mais elle représente aussi une réussite locale. Le Centre national d'études spatiales, le CNES, et la base spatiale de Kourou vont actuellement de succès en succès, et le succès de cette dernière est dû à une volonté forte de l'État de faire en sorte que ce soit une réussite. C'est ce que nous souhaitons pour les secteurs que j'ai évoqués et qui, eux aussi, offrent des atouts très intéressants.

La Guyane produit de l'or, du bois et dispose de ressources halieutiques ! La délégation du Sénat que j'ai récemment accompagnée dans sa visite du territoire a pu le constater et percevoir toute la réalité de ces atouts.

Ce qui a manqué jusqu'à aujourd'hui, c'est un engagement très fort de l'État, une réelle volonté politique de faire de ce département, doté d'atouts, une réussite économique et de ne pas le laisser dans l'attente ou dans la nécessité de demander l'aumône à l'État.

La mise en place d'un commissaire au développement économique et à la production locale est très positive, mais il faudrait que des moyens réels soient mis à la disposition de ce commissaire et que l'on parvienne au développement autonome que tous les Guyanais appellent de leurs vœux.

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