Question de M. AUBAN Bertrand (Haute-Garonne - SOC) publiée le 09/04/2009

M. Bertrand Auban attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur la situation de l'entreprise Airbus qui est le moteur de l'industrie et de l'emploi dans la Haute-Garonne et surtout une entreprise primordiale pour l'économie nationale et européenne.

Il est inquiet des évolutions en cours depuis l'adoption du plan Power 8 en 2007, qui a fixé un objectif de 10 000 suppressions d'emploi, de réduction de 3 000 à 500 du nombre de fournisseurs de niveau 1, et enfin un objectif d'installation de la production dans des zones dollar ou dans des pays à bas coûts.

Pourtant la situation financière et industrielle de l'entreprise n'est pas si sombre : depuis 2007 Airbus connaît une bonne tenue des carnets de commande qui devraient se situer en 2009 entre 300 et 400 commandes d'appareils. Le bénéfice 2008 d'Airbus avant impôts est de 1,79 milliards d'euros soit 63 % du bénéfice d'EADS.

C'est pourquoi de nombreux élus nationaux et de collectivités territoriales demandent que le plan Power 8 fasse l'objet d'un moratoire, surtout au moment où notre économie souffre de dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires chaque mois.

L'échec de la vente des sites de Meaultes et Saint-Nazaire-Ville a conduit Airbus à créer une filiale, Aerolia, qui s'implante en Tunisie avec 750 embauches, plus 750 chez des sous-traitants, ce qui n'est certainement pas une bonne mesure pour l'économie nationale et européenne. Cette politique de baisse des coûts via les suppressions d'emploi, la filialisation, la pression sur les sous-traitants et les délocalisations lui paraît dangereuse pour notre économie, mais aussi pour l'entreprise elle-même.

Enfin, il lui fait part de sa grande inquiétude sur le devenir de l'avion de transport militaire A400M pour lequel les États commanditaires envisagent d'appliquer de très importantes pénalités de retard, voire d'annuler leurs commandes, au point que le PDG d'Airbus n'exclut plus un arrêt pur et simple du programme. Si les États peuvent faire valoir le non-respect des dates, ils ne peuvent pas pour autant s'exonérer de leurs propres responsabilités sur le retard pris à définir le programme puis sur les modifications exigées par eux.

C'est pourquoi il souhaite qu'elle lui indique l'appréciation du Gouvernement sur la situation globale d'Airbus, si le Gouvernement compte peser auprès d'Airbus pour un arrêt des suppressions d'emploi et de la délocalisation, et enfin comment le Gouvernement français entend soutenir Airbus dans le dossier de l'A400M sur les éventuelles pénalités et sur les commandes de l'État français pour cet avion.

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Réponse du Ministère de la santé et des sports publiée le 27/05/2009

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2009

La parole est à M. Bertrand Auban, auteur de la question n° 520, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

M. Bertrand Auban. Par ma question, qui s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, je veux attirer l'attention du Gouvernement sur la situation d'Airbus, qui est non seulement le moteur de l'industrie et de l'emploi dans la Haute-Garonne, mais surtout une entreprise primordiale pour l'économie nationale et l'économie européenne.

Je suis inquiet des évolutions en cours depuis l'adoption du plan Power 8 en 2007, qui avait prévu de supprimer 10 000 emplois, de réduire de 3 000 à 500 le nombre de fournisseurs de niveau 1 et d'installer la production en zone dollar ou dans des pays à bas coût. Pourtant, la situation financière et industrielle de l'entreprise n'est pas si sombre. Depuis 2007, Airbus a de bons carnets de commandes. Ainsi, en 2009, les commandes devraient se situer entre 300 et 400 appareils. En outre, le bénéfice de 2008 avant impôt est de 1,79 milliard d'euros, soit 63% du bénéfice d'EADS.

C'est pourquoi nous sommes nombreux, élus nationaux et collectivités territoriales, à demander que le plan Power 8 fasse l'objet d'un moratoire, surtout au moment où notre économie souffre de l'apparition de dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires chaque mois.

L'échec de la vente des sites de Méaulte et de Saint-Nazaire-Ville a conduit Airbus à créer une filiale, Aerolia, qui s'implante en Tunisie avec 750 embauches, plus 750 emplois chez des sous-traitants locaux, ce qui n'est certainement pas une bonne mesure pour l'économie nationale et l'économie européenne.

Cette politique de baisse des coûts via les suppressions d'emploi, la filialisation, la pression sur les sous-traitants et les délocalisations me paraît dangereuse non seulement pour notre économie, mais aussi pour l'entreprise elle-même.

Enfin, j'aimerais faire part de ma grande inquiétude au sujet de l'avion de transport militaire A400M, pour lequel les États commanditaires envisagent d'appliquer de très importantes pénalités de retard, voire d'annuler leurs commandes, au point que le P-DG d'Airbus n'exclut plus un arrêt pur et simple du programme. Si les États peuvent faire valoir le non-respect des dates, ils ne peuvent pas pour autant s'exonérer de leurs propres responsabilités sur le retard pris à définir le programme, puis sur les modifications exigées par eux.

C'est pourquoi je souhaiterais connaître l'appréciation du Gouvernement sur la situation globale d'Airbus. Compte-t-il peser sur l'entreprise afin qu'elle mette fin aux suppressions d'emplois et aux délocalisations ? Comment le gouvernement français entend-il soutenir Airbus dans le dossier de l'A400M vis-à-vis des éventuelles pénalités et des commandes de l'État français pour cet avion ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur, je veux vous présenter les excuses de Christine Lagarde, qui, vous le savez, accompagne le Président de la République dans un très important déplacement aux Émirats arabes unis. Elle m'a donc demandé de vous faire connaître sa réponse.

Le programme Power 8, lancé en 2007 par EADS, prévoyait une économie de 2,1 milliards d'euros d'ici à 2010, la suppression de 5 000 postes dans le périmètre Airbus et l'hypothèse d'une perte d'emploi de même niveau dans la sous-traitance. Ce plan a été complété en septembre dernier par un second volet prévoyant une économie supplémentaire de 650 millions d'euros d'ici à 2012, notamment par une internationalisation plus importante des activités d'ingénierie et de fabrication.

Ce programme demande des sacrifices importants à l'entreprise, aux salariés et aux partenaires industriels. Néanmoins, l'enjeu international est majeur et, selon l'analyse du Gouvernement, c'est grâce à des gains de parts de marché que le groupe sera en mesure de pérenniser des emplois à haute valeur ajoutée en France, non seulement dans son périmètre propre, mais aussi chez ses sous-traitants.

Pour faire face à la concurrence très dure de Boeing, il faut gagner en compétitivité, optimiser les coûts et donc arbitrer la localisation des activités en fonction de leur niveau technologique et des spécificités des ressources locales. La création de la filiale tunisienne d'Aerolia entre dans cette démarche.

L'effort demandé à la filière est important. À la fin de 2008, Airbus chiffre à 5 000 le nombre de suppressions de postes en interne dans le cadre de Power 8 – sans licenciement –, ce qui correspond à l'objectif que s'était donné le constructeur sur le fondement d'une situation économique qui était alors sensiblement plus favorable que celle d'aujourd'hui.

Simultanément, dans le contexte des augmentations de cadences de production des années 2007 et 2008, il n'a pas été constaté de destructions d'emplois significatives dans la sous-traitance aéronautique, bien au contraire. Des projets créateurs d'emplois à moyen terme ont été engagés, notamment pour soutenir la production du futur A350 sur les bassins de Nantes-Saint-Nazaire – bassin qui m'est particulièrement cher, vous le savez –, Méaulte et Toulouse.

Ces projets ne sont pas remis en cause, même si la situation actuelle en ralentit les effets. La chute du trafic aérien entraîne une baisse brutale des commandes d'avions et un ralentissement de l'activité de production.

Les mutations engagées dans le cadre de Power 8 permettent assurément à Airbus et à l'ensemble de la filière de mieux résister à cette situation.

De même, les mesures du plan pour la filière aéronautique annoncées dès 2007 par le Premier ministre à Marignane ont permis d'accélérer la mutation de la filière, notamment des PME, particulièrement sensibles aux évolutions en cours. L'action du Gouvernement a ainsi permis à l'ensemble des sous-traitants d'être plus robustes pour affronter la situation.

La France est très attachée au programme A400M et souhaite qu'il puisse aboutir, car c'est à la fois une réponse adaptée au besoin opérationnel des forces armées, un projet structurant pour l'Europe de la défense et un programme important sur le plan technologique et en termes d'emplois.

Le ministre de la défense, qui négocie ce dossier au nom du Gouvernement avec ses homologues des autres pays clients et l'OCCAR, l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, répondra à une question sur ce sujet spécifique au Sénat. Vous aurez ainsi un complément d'information bienvenu par rapport à la réponse que je viens de vous faire au nom de Mme Christine Lagarde.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Auban.

M. Bertrand Auban. Je prends acte de l'absence de Mme Lagarde, qui effectue un déplacement de la plus haute importance. Envoyer la ministre de la santé au chevet de cette entreprise qui connaît quelques difficultés n'est peut-être pas la solution la plus appropriée. (Sourires.)

Vous m'indiquez que M. Morin nous apportera des précisions, probablement jeudi prochain, au sujet de l'A400M. J'en prends note. Si j'interpelle le Gouvernement à ce sujet, c'est parce que nous sommes inquiets. Le désengagement de certains pays, je pense notamment à la Grande-Bretagne, pourrait remettre en cause le projet et avoir un effet négatif sur Airbus.

En ce qui concerne les délocalisations, notamment Aerolia, je rappelle qu'Airbus est l'une des rares entreprises à être protégée par rapport à la parité euro-dollar grâce à la couverture du risque de change jusqu'en 2010. Elle n'a donc pas à pâtir des variations de taux entre l'euro et le dollar. De plus, contrairement à ce qu'on dit, les finances sont plutôt saines.

Toujours est-il que 10 000 emplois sont en passe d'être supprimés, ce qui n'est pas rien ! Ajoutons qu'il s'agit d'emplois qualifiés. Or, en cas d'embellie, l'entreprise sera bien obligée de réembaucher, mais rien ne lui garantit qu'elle retrouvera à ce moment-là du personnel aussi qualifié.

Cette entreprise – on peut aussi penser à celles qui touchent au domaine spatial – est incontestablement l'un des fleurons de la coopération européenne. L'aéronautique est donc un secteur sur lequel il faut veiller avec beaucoup d'attention.

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