Question de M. SIGNÉ René-Pierre (Nièvre - SOC) publiée le 09/04/2009

M. René-Pierre Signé attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur le projet de réforme de la taxe professionnelle récemment annoncé par le Président de la République. Assurant un lien fiscal indispensable entre les collectivités territoriales et le développement économique, elle garantit, à ce titre, la juste participation des entreprises aux dépenses locales d'intérêt général, en particulier pour les établissements publics intercommunaux placés sous le régime de la taxe professionnelle unique (TPU). Les réformes successives entreprises ces dernières années (suppression de la part salaire, plafonnement réel fixé à 3,5 % de la valeur ajoutée, système de refacturation et dégrèvement sur les nouveaux investissements) ont conduit l'État à exonérer un nombre significatif de redevables et à compenser partiellement la diminution du produit de l'impôt par une majoration des dotations budgétaires. Toute exonération nouvelle portera une atteinte manifeste aux budgets des collectivités locales en supprimant leur recette majeure : la taxe professionnelle représente 44 % des produits de fiscalité locale de l'ensemble des collectivités, et plus de 90 % des produits de fiscalité locale des groupements à fiscalité propre. Cette décision n'est, pour l'instant, assortie d'aucune mesure susceptible de financer cette suppression, d'où l'inquiétude compréhensible des élus.

Au début du mois de mars, elle avait évoqué plusieurs pistes de réflexion sur la compensation intégrale de la suppression de la taxe professionnelle. Outre le versement aux collectivités territoriales d'un montant plus important de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) et l'accroissement de la part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) affectée aux départements et aux régions, elle avait proposé un relèvement des « bases foncières industrielles » et la création d'une taxe sur la valeur ajoutée. Par ailleurs, certains impôts énergétiques pourraient être relevés pour les entreprises œuvrant dans le secteur de l'énergie : ainsi il pourrait être mis fin notamment à l'abattement spécial pour les centrales nucléaires, les barrages et les centres de dépollution. La taxe spéciale sur les pylônes pourrait également être augmentée et le Gouvernement pourrait relever la taxe sur l'installation nucléaire de base, qui est déjà dévolue aux collectivités.

Il lui demande, au-delà des mesures substitutives évoquées, quelles pourront être les ressources des collectivités locales ?

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la solidarité publiée le 27/05/2009

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2009

La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 521, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

M. René-Pierre Signé. Une question orale avec débat est prévue prochainement sur ce sujet de la réforme de la taxe professionnelle. Ce doublon s'explique par l'organisation de nos travaux : entre le moment où une question est adressée au Gouvernement et celui où elle est inscrite à l'ordre du jour de nos travaux, il peut se passer un assez long délai.

Les réformes successives entreprises ces dernières années – suppression de la part salaire, plafonnement réel fixé à 3,5 % de la valeur ajoutée, système de refacturation et dégrèvement sur les nouveaux investissements – ont conduit l'État à exonérer un nombre significatif de redevables et à compenser partiellement la diminution du produit de l'impôt par une majoration des dotations budgétaires. Toute exonération nouvelle portera une atteinte manifeste aux budgets des collectivités locales en supprimant leur recette majeure, ce qui suscite l'inquiétude des élus.

Au début du mois de mars dernier, plusieurs pistes de réflexion sur la compensation intégrale de la suppression de la taxe professionnelle ont été évoquées : versement aux collectivités territoriales d'un montant plus important de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, la TSCA, accroissement de la part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, affectée aux départements et aux régions. Une hausse des bases foncières industrielles et la création d'une taxe sur la valeur ajoutée ont également été proposées.

Par ailleurs, certains impôts énergétiques pourraient être relevés pour les entreprises œuvrant dans le secteur de l'énergie : l'abattement spécial pour les centrales nucléaires, les barrages et les centres de dépollution.

La taxe spéciale sur les pylônes pourrait également être augmentée et le Gouvernement pourrait relever la taxe sur l'installation nucléaire de base, qui est déjà dévolue aux collectivités.

Toutes ces propositions entretiennent un flou ; les élus s'interrogent. Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous m'apporter plus de détails sur les mesures compensatoires qui seront retenues pour pallier la diminution ou la suppression de la taxe professionnelle ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le sénateur, le Président de la République a annoncé, le 5 février dernier, la suppression de la taxe professionnelle sur les investissements productifs. L'objectif de cette réforme est simple : il s'agit de supprimer un prélèvement qui n'existe dans aucun autre pays développé. La taxe professionnelle, en frappant l'outil de production, que l'entreprise soit rentable ou non, dissuade les entreprises d'investir sur notre territoire et encourage les délocalisations dans les pays où la fiscalité est structurée différemment.

Le Premier ministre a garanti aux collectivités qu'elles bénéficieraient d'une compensation intégrale et a demandé au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, Christine Lagarde, lors de la Conférence nationale des exécutifs du 26 mars dernier, d'engager une nouvelle phase de concertation avec les élus et les entreprises, afin de les associer pleinement, en amont, à l'ensemble des travaux préparatoires à cette réforme.

Christine Lagarde et Michèle Alliot-Marie ont rencontré les représentants des associations d'élus une première fois le 10 avril dernier et les organisations représentant les entreprises le 22 avril pour leur présenter des pistes possibles de compensation. Celles-ci sont multiples : transfert de ressources fiscales alimentant aujourd'hui le budget de l'État, utilisation de dotations budgétaires, augmentation ou création de taxes locales.

Vous avez cité certaines pistes de compensation des collectivités par transfert de ressources fiscales d'État : taxe spéciale sur les conventions d'assurance, taxe intérieure sur les produits pétroliers, relèvement des bases foncières et affectation de la cotisation minimale sur la valeur ajoutée aujourd'hui perçue par l'État.

Aucune création de taxe nouvelle sur la valeur ajoutée n'a été proposée, même si la cotisation minimale repose sur la valeur ajoutée.

J'en viens aux « impôts énergétiques » que vous avez mentionnés. À ce stade, le Gouvernement n'est pas aussi précis que vous. L'objectif est de mettre en place des taxes locales sectorielles, qui bénéficient aux collectivités et qui permettent d'éviter les effets d'aubaine dont certaines entreprises pourraient profiter. Les travaux sont en cours, les hypothèses de compensation des collectivités ne sont pas figées.

La concertation se poursuit dans un climat de confiance. La volonté d'aboutir est partagée par l'État, les collectivités locales et les entreprises, car tous les acteurs ont conscience de la nécessité de cette réforme.

Une chose est certaine : les collectivités ne verront pas le niveau de leurs ressources diminuer. Le Premier ministre l'a garanti : toutes les collectivités seront compensées, collectivité par collectivité.

Monsieur le sénateur, si je ne suis pas aujourd'hui en mesure de vous communiquer la nature exacte des ressources qui seront transférées aux collectivités locales, car elles font encore l'objet de concertations, je puis vous affirmer que le montant total sera le même avant et après la réforme.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Elle est rassurante dans la mesure où vous indiquez que n'est prévue aucune réduction du montant des dotations budgétaires affectées aux collectivités, dont la ressource principale est la taxe professionnelle. Je rappelle que les collectivités sont créatrices de 73 % de l'investissement public.

En revanche, je suis en désaccord avec vous sur un point : aucun raisonnement économique n'a démontré l'impact de la taxe professionnelle sur les délocalisations.

Je comprends qu'aucun choix ne soit encore arrêté sur la compensation de la suppression de la taxe professionnelle.

S'ils sont favorables à une réforme globale de la fiscalité locale, les élus souhaitent qu'elle soit opérée avec mesure et responsabilité. Ils ne veulent pas de réduction des recettes – vous m'avez assuré, madame la secrétaire d'État, qu'il n'en était pas question – et refusent que les dotations nouvelles substitutives pèsent sur les ménages.

Même s'ils approuvent la mesure, les élus constatent qu'il s'agit là d'un cadeau aux entreprises, et ce sans contrepartie. Or il n'est pas niable que la taxe professionnelle marquait le lien entre les collectivités locales et les entreprises.

Enfin, les « impôts énergétiques » n'assureraient pas de ressource régulière et seraient par conséquent mal perçus par les élus.

Madame la secrétaire d'État, globalement, le désaccord n'est pas très important. Avant d'approuver complètement cette réforme de la fiscalité, les élus attendent les propositions du Gouvernement, à condition qu'il soit tenu compte des remarques que je viens de formuler et que vous faites certainement vôtres.

M. le président. Madame la secrétaire d'État, nous partageons tous ici la position de notre collègue !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Je suis moi-même présidente d'une communauté d'agglomération de 200 000 habitants, qui a investi cette année 70 millions d'euros pour accompagner le plan de relance. Comme nombre de membres du Gouvernement qui sont aussi des élus, je suis très attentive à la question des ressources fiscales des collectivités locales. Nous veillerons à ce qu'elles restent très dynamiques. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. René-Pierre Signé. Vive le cumul des mandats !

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