Question de M. BOURQUIN Martial (Doubs - SOC) publiée le 16/04/2009

M. Martial Bourquin attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les dangers du nouveau mode de calcul de la population légale des petites communes et ses conséquences désastreuses sur le calcul des dotations d'État.

Depuis le 1er janvier 2009, les communes de moins de 10 000 habitants voient déterminer leur population par une estimation établie sur une période débutant au 1er janvier 2006. Or cette période de trois ans s'avère beaucoup trop longue pour des communes, dont la population est amenée à beaucoup fluctuer : construction de nouveaux logements, politique de démolitions-constructions, attribution d'un grand nombre de permis de construire…

La différence entre la population réelle et la population estimée en 2006 ou 2007 est parfois très significative. Une sous-estimation importante de cette population conduit mécaniquement à des baisses de dotations de fonctionnement ainsi que le passage en deça de seuils de population, ouvrant droit à d'autres dotations (DDU, DSU), qui s'avère sans rapport aucun avec la réalité de la commune.

Ces communes doivent ainsi faire face à une baisse incompréhensible de leurs dotations, DGF, parfois même DSU, alors que de nouveaux habitants, installés entre temps nécessitent des moyens et services renforcés pour les accueillir. Il cite le cas d'une commune du Doubs, qui compte parmi les 100 communes les plus pauvres de France de moins de 5 000 habitants et qui doit faire face à une réduction très brutale de ses dotations à hauteur de 391 856 euros alors que son budget de fonctionnement se monte à 4 700 000 euros. Cette situation met en péril la pérennité immédiate d'activités socio-éducatives menées par l'équipe municipale, essentielles pour aider les administrés les plus touchés par la crise économique et sociale. Or cette commune a les moyens de prouver, avec l'aide de l'administration fiscale, l'implantation de plusieurs centaines d'habitants nouveaux, qui font mentir les chiffres du recensement sur lesquels se fonde la direction générale des collectivités territoriales.

Il lui demande d'être aux côtés des élus des petites communes qui sont très dépendants des dotations d'État et de leurs fluctuations et de réviser dès à présent le mode de calcul des dotations d'État.

- page 925


Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'outre-mer publiée le 27/05/2009

Réponse apportée en séance publique le 26/05/2009

La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la question n° 526, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Martial Bourquin. Depuis le 1er janvier 2009, le calcul des dotations d'État prend en compte un nouveau mode de recensement de la population, dont les chiffres sont désormais actualisés chaque année.

C'est sur cette actualisation annuelle de la population légale que se fonde non seulement le calcul de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, mais également l'attribution de dotations complémentaires, comme la dotation de solidarité urbaine, la DSU, ou la dotation de développement urbain, la DDU.

Or des différences apparaissent parfois entre la population légale et la population réelle, ce qui pénalise aujourd'hui fortement les communes concernées.

Selon un décret du 30 décembre 2008, la population légale prise en compte pour l'année 2009 est la population recensée au 1er janvier 2006, soit un écart de trois ans. À l'échelle de la vie d'une commune, c'est surréaliste. Imaginez tout ce qui peut se produire en trois ans !

Permettez-moi de prendre l'exemple de Grand-Charmont : cette ville du Doubs, qui se classe parmi les 100 communes de plus de 5 000 habitants les plus pauvres de notre pays, est éligible à la DSU et à la DDU.

La population légale de Grand-Charmont a légèrement diminué en 2006 et en 2007, et la ville est passée sous le seuil de 5 000 habitants. La raison en est simple : la commune s'est engagée avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, dans un important programme de démolition-construction de 161 logements. Il serait tout de même incompréhensible que le prix d'une telle initiative soit la baisse des dotations perçues.

Parallèlement, la ville de Grand-Charmont bénéficie d'un potentiel de 516 habitants supplémentaires depuis 2007 et 287 permis de construire sont en cours d'instruction. Ces faits sont attestés par un recensement complémentaire et corroborés par l'administration fiscale. Mais ils ne sont pas pris en compte.

En 2009, la ville subit une baisse de 391 856 euros sur un budget de fonctionnement de 4,7 millions d'euros. Or c'est bien maintenant – et non pas dans trois ans, quand le dynamisme de la commune sera enfin pris en compte – que Grand-Charmont a besoin d'investir pour assurer des services aux nouvelles populations qu'elle accueille. C'est maintenant qu'elle se retrouve pieds et poings liés et subit une chute brutale de ses recettes !

Ne nous y trompons pas, ce sont les petites communes et les villes les plus pauvres qui souffrent d'une application tatillonne du nouveau mode de calcul.

Les collectivités locales ont besoin de stabilité pour mener à bien leurs missions dans une certaine cohérence et continuité.

Par conséquent, je souhaite que le Gouvernement m'indique comment les écarts entre population légale et population réelle seront pris en compte en amont. À l'évidence, les dispositifs de lissage prévus par la législation actuelle ne sont pas suffisants.

Je voudrais également savoir comment le cas de Grand-Charmont sera réglé. Il s'agit non pas de faire l'aumône, mais simplement de permettre à une commune très active sur le front de l'emploi et de l'insertion sociale, et ce malgré un potentiel fiscal bas, de continuer à investir pour ses habitants.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, le dispositif de recensement rénové de la population a été instauré par la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité. Ce mode de recensement repose sur un cycle pluriannuel d'enquêtes permettant d'actualiser chaque année la population à prendre en compte dans le calcul des dotations de l'État et de mettre fin à la situation antérieure, qui, vous en conviendrez, n'était pas satisfaisante.

Pour garantir l'égalité de traitement entre les communes, la population légale, qu'elle soit recensée au début ou à la fin de la période de recensement, est calculée par référence à l'année du milieu du cycle. Ainsi, pour l'année 2009, à l'issue d'un cycle d'enquêtes réalisées de 2004 à 2008, c'est la date de 2006 qui a été retenue, et ce uniquement pour des raisons de justice.

Le Gouvernement est évidemment attentif à la situation des communes qui, pour tel ou tel motif, subissent d'importants mouvements, en particulier des pertes de population.

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué le cas de Grand-Charmont. Comme vous le savez, des mécanismes correctifs ont été mis en place pour le calcul des dotations de telles communes. Ainsi, pour les villes ayant perdu plus de 10 % de leur population entre 2008 et 2009, l'article 167 de la loi de finances pour 2009 prévoit que la dotation de base des communes est augmentée de 50 % de la différence entre le montant de dotation perçu en 2008 et le montant calculé sur la base des nouveaux chiffres pour 2009.

Il faut le préciser, les communes qui subissent une perte de population pour l'exercice 2009, mais dont le dynamisme démographique sur les dernières années est réel – j'ai cru comprendre que c'était le cas de Grand-Charmont –connaîtront une augmentation de la dotation pour l'exercice suivant.

Ainsi, au 1er janvier 2010, c'est-à-dire d'ici à quelques mois, les chiffres qui seront pris en compte seront ceux de la population légale estimée au 1er janvier 2007. Cela devrait permettre à votre commune, du moins je l'espère, d'obtenir les éléments nécessaires pour faire face aux aléas de population dus aux programmes de restructuration urbaine.

Au demeurant, étant moi-même maire d'une commune connaissant des difficultés comparables, je pense qu'une prise de contact – j'imagine que vous avez dû le faire – avec les services de l'État, en l'occurrence les préfectures, devrait vous permettre de plaider en faveur d'un lissage des moyens accordés à votre commune.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai bien entendu votre réponse, qui est contenue dans la loi.

Pour ma part, je demande la mise en place d'un dispositif particulier pour les communes ayant enregistré une baisse de population voilà trois ans, mais ayant gagné 500 habitants depuis. En accord avec la préfecture de région, nous pourrions geler le nouveau mode de calcul, afin de prendre en compte la situation.

Pour une commune ayant un budget de fonctionnement d'un peu plus de 4 millions d'euros, il n'est pas tenable de perdre près de 400 000 euros ! Cela représente la suppression de services entiers à la population, alors que de nouveaux habitants s'installent, que des enfants arrivent dans les écoles.

Par conséquent, monsieur le secrétaire d'État, je souhaite qu'une réflexion soit menée avec le préfet de région afin d'essayer de geler cette nouvelle disposition pour Grand-Charmont et les communes comparables confrontées aux mêmes difficultés. Ces villes doivent pouvoir investir pour les nouvelles populations qu'elles sont en train d'accueillir.

- page 5022

Page mise à jour le