Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - UMP) publiée le 16/04/2009

M. Antoine Lefèvre souligne à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie qu'à la suite de la remise du rapport "Pour une filière apicole durable" en octobre dernier, il a été reconnu que les abeilles et les pollinisateurs sont essentiels à l'agriculture. Alors qu'une prorogation de quelques mois de l'autorisation de mise sur le marché du Cruiser a été accordée, même à des conditions restrictives et sous réserve d'un renforcement du suivi de son utilisation, les apiculteurs s'inquiètent pour leur cheptel et refusent d'exposer ce dernier à un insecticide toujours jugé dangereux et d'en subir les conséquences économiques. Certains souhaiteraient obtenir le classement des insectes pollinisateurs en espèces protégées. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer ses intentions à ce sujet.

- page 932


Réponse du Secrétariat d'État chargé de l'écologie publiée le 03/12/2009

L'évolution de la pollinisation est une question majeure qui concerne une part de la diversité biologique essentielle à l'environnement de l'homme, à commencer par sa nourriture et par les paysages dans lesquels il vit. La notion d'espèces protégées est issue de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Cette loi, qui est à l'origine des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement, a permis d'établir, par arrêtés, des listes d'espèces dont la protection juridique est une liste d'interdictions d'activités : « [...] sont interdits : 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; 2° La destruction, l'altération ou la dégradation du milieu particulier à ces espèces animales ou végétales. » Dans le cas de l'abeille domestique, appliquer de telles dispositions équivaudrait à programmer la disparition de l'apiculture, dont chacun, au contraire, souhaite le développement durable. L'abeille domestique n'a donc pas vocation à figurer sur la liste des insectes protégés au titre des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code susvisé : une telle initiative serait contre-productive car les dispositions de cet outil juridique ne sont pas adaptées au cas des espèces dont on veut soutenir l'élevage et la vente des produits. D'autres voies de protection de l'abeille domestique et de l'apiculture doivent donc être explorées. C'est précisément ce que fait le rapport « Pour une filière apicole durable - Les abeilles et les pollinisateurs sauvages » que M. Martial Saddier, député de la Haute-Savoie, a remis au Premier ministre en octobre 2008. À certains égards, le cas des pollinisateurs sauvages est différent, bien que, sur le terrain, le contexte général de l'environnement soit souvent le même. En raison du nombre considérable de leurs espèces (des milliers), de la diversité des niches écologiques qu'ils occupent et des spécialisations que certains d'entre eux ont acquises dans la pollinisation de telle ou telle plantes, nos connaissances sur les pollinisateurs sauvages sont infiniment plus faibles que celles qui existent aujourd'hui sur l'abeille domestique et sur les quelques bourdons d'élevage. En raison de l'importance de leur activité pollinisatrice pour les cultures et pour les plantes sauvages, le rapport de M. Saddier propose de s'attacher, dans un premier temps, à des actions permettant de réinitialiser notre connaissance des pollinisateurs sauvages en général, et des abeilles sauvages en particulier. Conformément aux préconisations de ce rapport, la loi de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement prévoit, dans ses articles 32 et 33, la mise en place d'un plan d'urgence pour la préservation des abeilles, dès 2009. S'agissant du Cruiser, en décembre 2008, le ministre de l'agriculture et de la pêche avait reconduit l'autorisation de la mise sur le marché, jusqu'au 15 mai 2009, de la préparation Cruiser utilisée pour le traitement des semences de maïs et contenant du thiamétoxam. Cette décision faisait, notamment, suite à trois avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), émis les 21 novembre, 20 décembre 2007 et 14 novembre 2008. L'AFSSA avait remis un avis favorable en le conditionnant d'une recommandation de plusieurs mesures destinées à contenir le risque vis-à-vis des eaux souterraines et des abeilles et de la mise en place, dès 2008, d'un suivi dans des conditions réalistes de ruchers pilotes, particulièrement exposés, du fait de leur localisation par rapport aux parcelles de maïs traitées. Ce suivi n'a révélé aucune évolution préoccupante de la mortalité des abeilles, ni de défauts d'application des règles techniques sur la qualité de l'enrobage des semences et des conditions de semis, dans les ruchers surveillés. L'analyse chimique des émissions des poussières au semis a révélé des valeurs cohérentes avec les résultats observés lors de l'évaluation de la demande d'autorisation. Le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche a, par ailleurs, examiné avec la plus grande attention la décision des autorités allemandes et italiennes de suspendre la mise sur le marché et l'utilisation de plusieurs spécialités d'insecticides pour l'enrobage de semences (dont le Cruiser). Cette décision des autorités allemandes faisait suite à un épisode aigu de surmortalité des abeilles dans la zone du Bade-Wurtemberg, lié à l'emploi de certains types de semoirs et aux doses d'emploi plus élevées que dans l'autorisation française. Ces éléments n'ont pas été constatés dans la situation française, dans le cadre du suivi post-autorisation du Cruiser. La prorogation de quelques mois de l'autorisation de mise sur le marché du Cruiser a été accordée à des conditions restrictives et sous réserve d'un renforcement du suivi de son utilisation. Les conditions de fabrication et d'utilisation du Cruiser sont strictement encadrées et renforcées pour les semis de l'année 2009. Par ailleurs, en tenant compte de l'expérience de 2008, le protocole de suivi de l'autorisation est également renforcé et étendu à six régions pour l'année 2009. Ce protocole de suivi est une innovation en termes d'évaluation des impacts environnementaux d'un produit phytosanitaire. Il s'inscrit dans la logique du plan « écophyto 2018 », qui prévoit la détection et l'identification des éventuelles conséquences de l'utilisation des phytosanitaires sur l'environnement. Le pilotage de ce protocole est assuré par un comité placé auprès du cabinet du ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, rassemblant toutes les associations qui le souhaiteront. Les données définitives de la campagne 2009 ne sont pas encore disponibles. Enfin, le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche a appelé les firmes phytopharmaceutiques à intensifier leur recherche pour trouver des solutions de substitution afin de sortir de l'impasse technique dans laquelle se trouvent actuellement les agriculteurs qui doivent protéger le maïs des nuisances du taupin.

- page 2806

Page mise à jour le