Question de M. COLLIN Yvon (Tarn-et-Garonne - RDSE) publiée le 15/05/2009

Question posée en séance publique le 14/05/2009

La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, le 19 avril dernier est paru au Journal officiel un décret qui rend applicable l'accord signé le 18 décembre 2008 par votre gouvernement avec l'État du Vatican. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Scandaleux !

M. Yvon Collin. Or cet accord ne va pas sans poser de sérieux problèmes, puisqu'il remet en cause ni plus ni moins l'un des fondements de la laïcité de l'enseignement dans notre pays.

M. Guy Fischer. Il a raison !

M. Didier Boulaud. C'est le discours de Latran qui revient !

M. Yvon Collin. Dès lors, monsieur le Premier ministre, vous comprendrez que le groupe du RDSE dans son ensemble, et tout particulièrement les sénateurs radicaux de gauche,…

M. Didier Boulaud. Et nous, avec !

M. Yvon Collin. … ne peuvent faire autrement que, d'une part, dénoncer cet accord,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo !

M. Didier Boulaud. Nous sommes d'accord !

M. Yvon Collin. … d'autre part, demander l'annulation du décret en question au Conseil d'État. (Bravo ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Eh oui ! C'est du jamais vu !

M. Yvon Collin. De quoi s'agit-il exactement ?

Cet accord prévoit la possibilité pour le Saint-Siège…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah, le Saint-Siège !...

M. Yvon Collin. … de viser des diplômes de l'enseignement supérieur français, en l'occurrence ceux des instituts catholiques,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Scandaleux !

M. Yvon Collin. … alors que, jusqu'ici, c'était l'État, et lui seul, qui avait, depuis une loi de 1880 et par l'intermédiaire de l'université publique, le monopole de la reconnaissance des diplômes.

Désormais, avec un tel accord, votre gouvernement permet la reconnaissance automatique par la France des diplômes visés par le Vatican, et ce sans passer, comme c'était le cas jusqu'à aujourd'hui, par la labellisation et l'aval de l'université publique.

M. Didier Boulaud. C'est scandaleux !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Chouette, un diplôme du Vatican !

M. Didier Boulaud. Tous en cornette !

M. Yvon Collin. Cet accord revient à entamer le monopole de l'État dans la délivrance des diplômes universitaires et, par voie de conséquence, à remettre en cause la neutralité de l'État et le principe de laïcité, si cher à ma famille politique.

Monsieur le Premier ministre, comment ne pas interpréter de telles décisions comme le prolongement du discours de Latran, si controversé et si regrettable, du Président de la République, au mois de décembre 2007 ?

M. Didier Boulaud. Bien sûr !

M. Yvon Collin. Comment ne pas y voir la volonté de s'attaquer une nouvelle fois à la laïcité comme socle fondateur de notre République ?

M. Didier Boulaud. Absolument !

M. Yvon Collin. Le groupe du RDSE et les radicaux de gauche doivent-ils vous rappeler qu'il s'agit d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République ?

M. Didier Boulaud. Eh oui !

M. Yvon Collin. L'entrée en vigueur de ce décret au 1er mars prochain méconnaît totalement l'article 53 de la Constitution,...

M. Didier Boulaud. Ils s'en moquent ! Cela n'a aucune importance pour le pouvoir en place !

M. Yvon Collin. … qui dispose que les traités ou accords internationaux « qui modifient des dispositions de nature législative [...] ne peuvent être ratifiés et appliqués qu'en vertu d'une loi ».

M. Didier Boulaud. Ils prétendent défendre la Constitution, mais ils s'assoient dessus !

M. Yvon Collin. Dans ces conditions, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous indiquer à quelle date cet accord avec le Vatican sera soumis au Parlement et, dans cette attente, quelles instructions vous donnerez pour que son application soit purement et simplement suspendue ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)


Réponse du Secrétariat d'État chargé des affaires étrangères et des droits de l'homme publiée le 15/05/2009

Réponse apportée en séance publique le 14/05/2009

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Monsieur le sénateur, la publication au Journal officiel de l'accord sur la reconnaissance des grades et diplômes dans l'enseignement supérieur entre la France et le Saint-Siège a pu susciter des questions. Je souhaite dissiper toutes les craintes que vous exprimez à ce sujet en rappelant le contexte dans lequel cet accord a été signé.

Lancé voilà près de dix ans, le processus de Barcelone a fait de la création d'un espace européen de l'enseignement supérieur sa priorité.

À Louvain, voilà deux semaines, les quarante-six pays qui participent à ce processus, dont le Saint-Siège, ont réaffirmé leur volonté de coopérer, notamment en favorisant la mobilité des étudiants au sein de cet espace.

Faciliter la poursuite des études entre établissements des différents pays, tel est précisément l'objectif des accords de reconnaissance des diplômes.

M. Yannick Bodin. Le Vatican, ce n'est pas l'Union européenne !

M. François Fillon, Premier ministre. Écoutez jusqu'au bout !

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Ces accords faciliteront la vie et le parcours des étudiants en levant les barrières bureaucratiques nationales. (Vives exclamations sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Didier Boulaud. C'est scandaleux !

M. Yannick Bodin. Cela n'a rien à voir !

M. Didier Boulaud. Ce n'est pas la question !

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. L'accord que nous avons signé avec le Saint-Siège…

M. Didier Boulaud. Ce n'est pas l'objet de la question !

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. … se situe dans le droit fil de ceux que nous avons signés avec d'autres pays,...

M. Yannick Bodin. Il n'y a pas de diplômes du Saint-Siège !

M. Didier Boulaud. C'est lamentable !

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. … comme dernièrement l'Espagne, le Portugal ou encore la Pologne et, bientôt, la République tchèque et la Roumanie.

Cet accord a simplement pour objet, en indiquant les niveaux d'études, de faciliter l'examen par les établissements d'enseignement supérieur de l'une des parties des candidatures à la poursuite d'études présentées par les étudiants de l'autre partie.

M. Simon Sutour. C'est laborieux !

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Il n'a pas pour objet, je le précise, d'imposer une reconnaissance automatique de droit des diplômes concernés.

M. Didier Boulaud. Bien sûr que si !

M. Yannick Bodin. Cela finira comme cela !

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Il tend uniquement à offrir une grille de lecture plus claire des niveaux de diplômes. (Exclamations sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Yannick Bodin. Quel est le rapport entre le droit international et la religion ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Écoutez bien !

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. L'accord signé rappelle bien que l'autorité compétente (Exclamations prolongées sur les mêmes travées.)… C'est important, monsieur le président ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. le président. Mes chers collègues, laissez parler Mme la secrétaire d'État ! Un peu de respect !

M. Yannick Bodin. C'est la règle du jeu !

M. Charles Revet. C'est de l'intolérance !

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Je souhaite aller au bout de mon explication, si vous me le permettez.

L'accord signé rappelle bien que l'autorité compétente pour prononcer ou non une reconnaissance pour poursuite d'études est l'établissement d'enseignement supérieur au sein duquel l'étudiant sollicite son inscription. (Exclamations sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Didier Boulaud. C'est scandaleux !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Rien n'a changé !

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. L'État a donc le monopole de la collation des grades et des titres universitaires et le gardera.

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Soyez donc pleinement rassuré, monsieur le sénateur (Exclamations sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), …

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Didier Boulaud. Nous ne sommes pas rassurés du tout !

M. Guy Fischer. Nous sommes très inquiets !

Mme Rama Yade, secrétaire d'État. … cet accord international ne changera en rien cette situation et n'aura surtout aucune conséquence sur ce monument inviolable qu'est la laïcité. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. – Protestations sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. François Fortassin. Ah, c'est éclairant !

M. le président. Mes chers collègues, un peu de tolérance, je vous prie ! (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste. – M. Yannick Bodin tape sur son pupitre. –Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Boulaud. Il y a un institut musulman dans mon département : on verra jusqu'où ira votre tolérance, et ce que vous ferez de leurs diplômes !

- page 4580

Page mise à jour le