Question de M. HOUEL Michel (Seine-et-Marne - UMP) publiée le 28/05/2009

M. Michel Houel attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services sur le statut de l'auto-entrepreneur, créé par la loi de modernisation de l'économie n° 2008-776 du 4 août 2008.

Si ce nouveau régime, qui vise à créer de l'activité économique, dans le cadre de mesures allégées en matière administrative, fiscale et sociale, a fait exploser les créations d'entreprises depuis le début de l'année, il a entraîné, en revanche, un très profond mécontentement dans l'ensemble du secteur de l'artisanat et du bâtiment.

Dans une période économique particulièrement difficile, les artisans du bâtiment immatriculés au répertoire des métiers, et qui s'acquittent par conséquent de la totalité des charges fiscales et sociales inhérentes à l'exercice de leurs activités, s'inquiètent des distorsions de concurrence qui pourraient résulter d'un développement incontrôlé du statut d'auto-entrepreneur n'offrant aucune garantie aux consommateurs, que ce soit en matière de qualification professionnelle, d'assurances, ou de qualité des constructions.

Il lui demande, en conséquence, s'il envisage d'apporter des aménagements à ce statut de l'auto-entrepreneur afin que les activités artisanales réglementées en application de l'article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 soient exclues de ce nouveau statut.

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Réponse du Ministère chargé de l'industrie publiée le 08/07/2009

Réponse apportée en séance publique le 07/07/2009

La parole est à M. Michel Houel, auteur de la question n° 569, adressée à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.

M. Michel Houel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a créé un régime simplifié destiné aux entrepreneurs individuels qui souhaitent exercer, à titre principal ou complémentaire, une activité artisanale, commerciale ou libérale, dit statut de l'auto-entrepreneur.

Ce nouveau dispositif vise un seul objectif : créer de l'activité économique, notamment dans le cadre de mesures allégées en matière administrative, fiscale et sociale.

Il faut reconnaître que cet objectif a été atteint, puisque le nombre de créations d'entreprises a augmenté de plus de 6 % en avril dernier par rapport au mois de mars, une hausse liée, selon l'INSEE, à la prise en compte du nouveau statut de l'auto-entrepreneur.

Depuis le 1er janvier dernier, ce statut permet, en effet, aux salariés, chômeurs, retraités ou étudiants de développer une activité à titre principal ou complémentaire pour augmenter leurs revenus, avec des démarches simplifiées.

Le nombre cumulé de créations d'entreprises au cours des mois de février, mars et avril a marqué une hausse de 62,5 % par rapport aux mêmes mois de l'année précédente.

Si ce nouveau statut d'auto-entrepreneur rencontre indéniablement un formidable succès, il a parallèlement entraîné un profond mécontentement au sein du secteur de l'artisanat du bâtiment.

Ce succès commence, en effet, à inquiéter très fortement les artisans du secteur du bâtiment qui y voient un risque de concurrence déloyale.

Dans une période économique particulièrement difficile, les artisans du bâtiment immatriculés au répertoire des métiers, qui s'acquittent, par conséquent, de la totalité des charges fiscales et sociales inhérentes à l'exercice de leurs activités, ne peuvent pas admettre que des activités identiques puissent être réalisées au prix d'un simple forfait fiscal et social calculé en fonction du chiffre d'affaires, sans commune mesure avec le niveau des contributions exigé dans le régime de droit commun.

Ils considèrent légitimement que le nouveau statut d'auto-entrepreneur engendre des situations de distorsions de concurrence, dont les conséquences peuvent se révéler dévastatrices pour la pérennité des entreprises artisanales du bâtiment.

Ils s'interrogent également sur l'efficacité du régime micro-social simplifié lié à ce statut, notamment en matière de constitution de droits à la retraite, sauf à développer, à terme, l'ouverture de nouveaux droits gratuits, incompatibles avec les nécessaires équilibres financiers des régimes d'assurance vieillesse.

Par ailleurs, les artisans du bâtiment doutent du contrôle réel qui doit être exercé en matière de qualification professionnelle minimale pour les activités réglementées dans le cadre de l'article 16 de la loi du 5 juillet 1996, dont le secteur du bâtiment fait partie.

Il faut rappeler que le législateur a souhaité soumettre les activités du bâtiment à un dispositif minimum de qualification professionnelle au titre de la sécurité des consommateurs. Il serait donc contraire à ce principe que des personnes puissent s'improviser dans les professions du bâtiment en optant pour ce nouveau statut.

De même, les artisans du bâtiment craignent que les personnes exerçant une activité du bâtiment sous le statut d'auto-entrepreneur ne respectent pas l'obligation de souscrire un contrat d'assurance décennale que le code civil impose à tout professionnel réalisant des travaux de construction d'un bâtiment. L'absence de garantie ferait alors courir de grands risques aux clients en cas de désordres survenant sur l'ouvrage réalisé.

Pour l'ensemble de ces raisons, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que de profonds aménagements devraient être apportés à ce nouveau statut de l'auto-entrepreneur ? Ne serait-il pas judicieux d'exclure de ce nouveau statut les activités artisanales réglementées en application de la loi du 5 juillet 1996 ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur Houel, vous avez souhaité appeler l'attention de mon collègue Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, sur le statut de l'auto-entrepreneur créé par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

Le succès rencontré montre bien que le régime de l'auto-entrepreneur répond à une aspiration profonde des Français et stimule puissamment le désir d'entreprendre. Ainsi, il représente pour chacun, a fortiori pour les salariés victimes de la crise et les chômeurs, l'espoir de créer sa propre activité et d'expérimenter ce qui peut, à terme, devenir une entreprise créatrice d'emplois.

Toutefois, le Gouvernement a bien entendu les interrogations dont vous vous faites l'écho. C'est pourquoi mon collègue Hervé Novelli a décidé de mettre en place un groupe de travail, afin d'être en mesure d'évaluer l'impact du régime de l'auto-entrepreneur sur les métiers de l'artisanat.

Ce groupe a débuté ses travaux le 6 mai, avec pour mission d'évaluer l'impact du nouveau régime sur les créations d'entreprises artisanales, sur les règles d'immatriculation et sur les métiers à qualifications professionnelles et obligation d'assurance.

Au vu de ses conclusions, il est envisagé, comme vient de l'annoncer M. Hervé Novelli, que le régime de l'auto-entrepreneur soit aménagé dans le domaine des activités artisanales sur la question de la qualification professionnelle et sur celle de l'accompagnement de ces nouveaux créateurs d'entreprises par les chambres de métiers.

Ainsi, avant toute création d'entreprise dans le domaine artisanal soumise à qualification professionnelle, il pourrait être demandé au créateur d'attester de sa qualification, en indiquant préalablement, le cas échéant par voie dématérialisée, comment il remplit les critères de qualification professionnelle : par la détention d'un diplôme ou, le cas échéant, trois ans d'expérience professionnelle ou encore une validation des acquis de l'expérience.

En outre, les auto-entrepreneurs qui ont une activité artisanale à titre principal pourraient être tenus de s'inscrire au répertoire des métiers, et ce dès leur inscription comme auto-entrepreneurs. C'est en effet une des clés pour que les auto-entrepreneurs soient vraiment considérés comme participant à la communauté artisanale et le gage qu'ils seront accompagnés par les dispositifs mis en place ces dernières années par les chambres de métiers.

Afin de ne pas renchérir le coût de la création, cette immatriculation pourrait être gratuite et sans taxe pendant les trois premières années à compter de la création d'activité et ne nécessiterait pas de formalité additionnelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Houel.

M. Michel Houel. Monsieur le ministre, votre réponse me réjouit, car, l'année dernière, j'avais déposé un amendement visant à demander que les auto-entrepreneurs s'inscrivent à la chambre de métiers. C'est l'obligation minimale !

En effet, imaginez que, dans une entreprise de plomberie comptant quelques salariés, l'un des plombiers s'institue auto-entrepreneur et travaille le samedi et le dimanche chez l'un des clients de son patron. Ce dernier n'a aucun moyen de le savoir si son employé n'est pas inscrit à la chambre de métiers et s'il travaille ainsi dans la clandestinité !

Selon moi, cette inscription à la chambre de métiers est indispensable ; j'ai d'ailleurs obtenu, en tant que président du groupe d'études Artisanat et services de la commission de l'économie, des renseignements précis de l'Assemblée permanente des chambres de métier, l'APCM.

Par conséquent, je me réjouis que les auto-entrepreneurs soient tenus de s'inscrire au répertoire des métiers, car c'est une mesure qui va dans le bon sens.

Monsieur le ministre, si votre collègue M. Hervé Novelli souhaite que des sénateurs participent au groupe de travail qu'il a décidé de mettre en place, qu'il sache que je suis partie prenante !

M. Christian Estrosi, ministre. Je le lui dirai !

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