Question de Mme HOARAU Gélita (La Réunion - CRC-SPG) publiée le 11/06/2009

Mme Gélita Hoarau rappelle à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche que depuis plusieurs générations, l'Office national des forêts accorde aux planteurs de vanille du sud-est de La Réunion (communes de Saint-Philippe et de Sainte-Rose) des concessions de forêt départemento-domaniale dont les arbres servent de tuteurs aux lianes de vanille, contre paiement d'une redevance. Cette activité, dans une région particulièrement déshéritée, a une grande importance sociale (ressources d'appoint, lutte contre l'assistance) et identitaire, la fécondation de la vanille a été découverte par un esclave réunionnais Edmond Albius et la vanille "Bourbon" est la meilleure du monde. Or, depuis quelques temps, l'ONF, sans explication, met fin aux contrats en cours et demande aux planteurs d'enlever leurs lianes dans les trois mois sans leur proposer des terrains de rechange et sans indemnité. Cependant, la vanille replantée ne rapporte qu'au bout de trois ans et les planteurs ne disposent pas de foncier alors que l'ONF gère 12 000 ha sur les 16 000 ha que couvre la commune de Saint-Philippe pour ne prendre que cet exemple. Aussi, elle lui demande s'il pourrait expliquer aux planteurs de vanille de Saint-Philippe les raisons de cette initiative malheureuse de l'ONF, répondre favorablement à la mise à disposition de nouveaux terrains à ceux qui le demandent et accorder un accompagnement financier à ceux qui doivent transplanter leurs cultures.

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Réponse du Secrétariat d'État au logement et à l'urbanisme publiée le 08/07/2009

Réponse apportée en séance publique le 07/07/2009

La parole est à Mme Gélita Hoarau, auteur de la question n° 581, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Mme Gélita Hoarau. Monsieur le secrétaire d'État, si la Réunion, au début du XXe siècle, était, avec le Mexique, le seul exportateur mondial de vanille, nous assistons depuis un siècle dans le département au déclin de cette filière. Aujourd'hui, l'île n'exporte plus de vanille en raison de la faiblesse de sa production – 4,6 tonnes de vanille noire en 2004 – et de son coût. Alors que le kilo s'achète à 1 euro à Madagascar, il est à 20 euros dans le département. Même l'autosuffisance sur le marché local – pour le tourisme, les grandes et moyennes surfaces et l'industrie agroalimentaire – ne peut plus être atteinte. C'est donc la vanille malgache qui supplée le manque.

Malgré ce constat désastreux, les professionnels de la filière ouvrent de nouvelles perspectives pour cet arôme en misant sur la qualité et le haut de gamme. Ainsi, dès le début des années 2000, une démarche de labellisation a été engagée visant à obtenir une indication géographique protégée « Vanille de l'île de la Réunion », afin de différencier la vanille de la Réunion de celles qui sont importées des autres pays producteurs et de faire reconnaître la qualité de ces produits face à la concurrence internationale. Cette démarche se fait en partenariat avec le CIRAD, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, l'université de la Réunion, les coopératives et les planteurs.

Ces derniers sont plus de 150 dans toute la Réunion et se partagent environ 200 hectares. Outre le problème d'écoulement de leur production se pose également celui des concessions.

En effet, depuis des générations, l'Office national des forêts, l'ONF, accorde aux planteurs de vanille du sud-est de la Réunion, qui fournissent plus de la moitié de la production réunionnaise, des concessions de forêts départemento-domaniales, dont les arbres servent de tuteurs aux lianes de vanille. Cette concession se fait contre le paiement d'une redevance. Cette activité, dans une région particulièrement déshéritée, revêt une grande importance sociale : ressource d'appoint, lutte contre l'assistance et dimension identitaire, puisque la fécondation de la vanille a été découverte par un esclave réunionnais, Edmond Albius.

Or, depuis quelque temps, l'ONF, sans explication, met fin aux contrats en cours et demande aux planteurs d'enlever leurs lianes dans un délai de trois mois, sans leur proposer des terrains de rechange ni d'indemnité. Or la vanille replantée ne rapporte qu'au bout de trois ans et les planteurs ne disposent plus de foncier alors que l'ONF gère 12 000 des 16 000 hectares de la commune de Saint-Philippe.

Monsieur le secrétaire d'État, les planteurs s'interrogent sur les raisons de ces décisions malheureuses. Ne pourrait-on pas mettre de nouveaux terrains à la disposition de ceux qui en demandent et accorder un accompagnement financier à ceux qui doivent transplanter leurs cultures ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Madame la sénatrice, vous avez appelé l'attention de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur les préoccupations des producteurs de vanille du sud-est de l'île de la Réunion.

Permettez-moi tout d'abord de vous rappeler combien les enjeux sociaux, économiques et identitaires liés à la production de vanille Bourbon sont pris en considération par le ministère de l'agriculture. Cela se traduit notamment par la mise en œuvre de deux actions de soutien spécifiquement ciblées en direction des producteurs de vanille d'outre-mer : une aide au maintien des surfaces plantées à la Réunion, ainsi qu'une aide à la production de vanille verte.

Afin d'inciter les producteurs à mieux valoriser le potentiel économique et culturel de la vanille, cette aide est par ailleurs majorée d'un tiers pour les producteurs s'engageant dans une démarche de labellisation.

L'ONF, en tant que gestionnaire du domaine, est amené à octroyer des concessions aux producteurs de vanille en tentant de concilier des contraintes économiques et environnementales. Dans ce contexte, il a été amené à résilier certaines concessions pour des raisons précisément exposées aux différents producteurs.

D'une part, à cause de l'éruption volcanique survenue en avril 2007, certaines concessions au sein de la commune de Saint-Philippe, situées dans le périmètre recouvert par la lave, ont été résiliées. À ce jour, tous les concessionnaires ont été réinstallés dans les zones de repli proposées par l'ONF.

D'autre part, certaines concessions sont situées dans des zones dont l'intérêt écologique est particulièrement élevé, ayant à ce titre fait l'objet, au cours des dernières années, de formulation d'objectifs spécifiques d'aménagement et de préservation. Il s'agit de la réserve biologique littorale de Saint-Philippe, des forêts de la Coloraie du Volcan et de Bois de Couleurs des Bas, ainsi que de Bois-Blanc et de l'Anse des Cascades. S'y trouvent encore à ce jour des reliques de forêts primaires très bien préservées et classées pour la plupart en tant que réserves.

Concernant les terrains que vous évoquez, ceux de la réserve biologique de Bois de Couleurs des Bas, les concessions qui avaient auparavant été accordées sont arrivées à expiration au cours de l'année 2008. Les planteurs en étaient informés puisque cela était explicitement prévu lors de la signature des concessions. Ce phénomène se présentera d'ailleurs pour les autres réserves biologiques dans les années à venir.

Étant donné l'importance capitale de l'accès au foncier pour les producteurs concernés, un examen attentif et individuel des concessions a été effectué par l'ONF en vue de concilier au mieux les objectifs apparemment contradictoires d'une préservation harmonieuse du capital écologique des zones en question avec ceux d'un développement de l'activité économique et agricole de l'île de la Réunion.

À l'issue de ces travaux, il est apparu que trois des dix producteurs dont les concessions avaient pris fin en 2008 étaient en mesure de fournir les garanties d'une bonne pratique de la culture de vanille en sous-bois et de contribuer, en collaboration étroite avec les agents de l'ONF, à la régénération des espèces indigènes dans leurs parcelles. L'ONF a donc renouvelé ces concessions.

Pour les sept autres concessionnaires, dont les parcelles étaient incluses dans les zones à haut potentiel écologique, l'ONF n'a effectivement pas pu renouveler leurs concessions : il réalise actuellement une étude qui permettra soit de s'assurer que les personnes concernées sont en mesure de fournir les garanties demandées, soit d'identifier des solutions foncières alternatives – répondant ainsi à votre demande, madame la sénatrice – assurant aux producteurs concernés des concessions dans les meilleurs délais.

Dans tous les cas, l'ONF met et mettra en œuvre les moyens nécessaires à une stabilisation rapide et durable de la situation de ces producteurs, dont le mode de production ne serait plus compatible avec les objectifs de préservation de reliques de forêts primaires particulièrement précieuses.

Une condition suspensive à cette procédure serait évidemment le non-paiement des redevances antérieures. Les aides des planteurs en question seront bien sûr maintenues, que ce soit les aides POSEI à la production et au maintien des plantations – le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements d'outre-mer – ou la prise en charge, dans le cadre des programmes sectoriels, de la moitié des coûts de plantation de vanille.

Mme la présidente. La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Mme Gélita Hoarau. Lorsque j'ai déposé ma question, aucune solution n'avait encore été trouvée. Je vais maintenant retourner sur le terrain, voir ce qui s'y passe et suivre ces dossiers, mais je prends d'ores et déjà acte, monsieur le secrétaire d'État, des avancées positives dont vous venez de m'informer.

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