Question de Mme VOYNET Dominique (Seine-Saint-Denis - SOC-R) publiée le 17/07/2009

Question posée en séance publique le 16/07/2009

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

Les électeurs iraniens ont massivement participé à l'élection présidentielle du 12 juin.

Mahmoud Ahmadinejad, soutenu par le Guide suprême de la révolution et par les fractions les plus conservatrices de la République islamique, a été proclamé vainqueur.

Les soupçons de fraude massive, corroborés par de nombreuses observations directes, ont été écartés sans ménagement par le Guide suprême, qui a réaffirmé, après un simulacre de recomptage des voix, son soutien au président sortant.

Les candidats réformateurs, en faveur desquels la volonté populaire s'était clairement exprimée, ont contesté très fermement l'action du pouvoir. Pendant plusieurs semaines, le peuple iranien a manifesté son indignation et sa colère dans les rues de Téhéran et des autres grandes villes du pays.

« Où est mon vote ? », tel était le cri de ralliement des manifestants, qui ne toléraient pas que l'une des seules libertés qui leur étaient octroyées soit ainsi piétinée.

Des manifestants ont été blessés, tués parfois. Des opposants ont été arrêtés, maltraités, torturés, et ils continuent de l'être.

Les arrestations sont massives, la répression brutale. Elle touche les Iraniens, mais également les journalistes et les touristes étrangers, comme en témoigne l'arrestation arbitraire et révoltante de Clotilde Reiss, cette jeune étudiante française passionnée d'Iran qui est en prison depuis quinze jours.

En quelques semaines, l'Iran a été bousculé et le régime a été si contesté par le peuple que plus rien, probablement, ne sera comme avant.

La légitimité des dirigeants est en effet doublement écornée : ils ont perdu leur légitimité démocratique par la fraude ; ils ont perdu leur légitimité religieuse quand Ali Khamenei a exposé son autorité de guide pour justifier cette fraude.

Dans une situation si incertaine, la responsabilité de la France et de l'Europe n'en est que plus grande encore.

Monsieur le ministre, quelle sera la position de la France dans les prochaines semaines ? Reconnaîtra-t-elle le président iranien, qui n'est pas mal élu, mais non élu ? Exigera-t-elle la libération sans condition des milliers de personnes arrêtées ces dernières semaines, comme y invitent ce matin, dans le quotidien Libération, des dizaines de militants, d'artistes et d'intellectuels solidaires du peuple iranien ?

Enfin, monsieur le ministre, j'ai une autre question, un peu plus complexe, au regard des mutations à l'œuvre en Iran et dans la société iranienne.

Puisque nous sommes d'accord, je l'espère, pour réaffirmer avec force que la « guerre des civilisations » est une vision erronée de l'histoire ; puisque nous sommes favorables au renforcement des relations d'amitié et de reconnaissance mutuelle entre l'Orient et l'Occident, entre les mondes d'histoire judéo-chrétienne et les mondes d'histoire arabo-musulmane ; puisque ces idées, sans naïveté, doivent s'incarner dans des options stratégiques, dans des décisions politiques courageuses et dans une vision historique forte ; puisque nous sommes d'accord sur tous ces points, comment expliquez-vous, monsieur le ministre, que la France soit si réticente à envisager l'adhésion d'un autre grand pays de culture et d'histoire musulmanes au sein de l'Union européenne (Protestations sur les travées de l'UMP), alors que, manifestement, nous n'avons rien d'autre à lui reprocher que d'être, justement, un pays musulman ?

M. Dominique Braye. Nous mélangeons tout !

M. Rémy Pointereau. La question !

Mme Dominique Voynet. Est-ce là, monsieur le ministre, la meilleure façon d'honorer un islam laïcisé, démocratique et pluraliste, comme l'espère, à cor et à cri, le peuple iranien ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)


Réponse du Ministère des affaires étrangères et européennes publiée le 17/07/2009

Réponse apportée en séance publique le 16/07/2009

Voir le compte rendu de la séance.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Madame la sénatrice, vous avez posé au moins deux questions, qui ne se ressemblent guère et dont je dirais même qu'elles n'ont aucun rapport entre elles !

M. Josselin de Rohan. C'est sûr !

M. Bernard Kouchner, ministre. Toute la première partie de votre intervention, qui décrivait les tragiques et multiples répressions des manifestations en Iran, juste après l'annonce des résultats officiels du scrutin, était juste.

Il y a eu une réaction très spontanée de centaines de milliers, sinon de millions de personnes – personne ne les a comptées, en tout cas pas nous, malheureusement – et nous avons vu ce spectacle effrayant des arrestations et des nombreux morts.

S'y ajoute le cas de Clotilde Reiss. Cette jeune française qui, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, enseignait à l'université d'Ispahan, a été arrêtée le 1er juillet dernier. Elle est encore détenue aujourd'hui, ce qui n'est pas acceptable et exige une action concertée des pays européens, qui a déjà commencé, d'ailleurs.

Malgré une première visite de notre ambassadeur - une deuxième étant prévue samedi prochain, si tout se passe bien, du moins aussi bien que cela peut se passer -, malgré des contacts téléphoniques qui nous rassurent sur la santé et l'état psychologique de Clotilde Reiss, nous ne pouvons accepter qu'une innocente soit emprisonnée (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Aussi, nous faisons tout pour qu'elle soit libérée, à travers le G8 et l'Union européenne ; les Vingt-Sept ont d'ailleurs manifesté, à deux reprises, leur réaction spontanée sur ce sujet.

Que pouvons-nous faire d'autre ? Les vingt-sept États de l'Union européenne, y compris la France, ont chacun convoqué leur ambassadeur d'Iran, et nous nous apprêtons, même si nous ne souhaitons pas y être obligés, à réagir de façon extrêmement violente sur ce dossier à chaque fois que nous en aurons l'occasion.

Toutefois, je vous le rappelle, le Gouvernement iranien a arrêté entre-temps une employée franco-iranienne de notre ambassade à Téhéran qui, heureusement, a été relâchée. Nous devons donc mesurer nos effets, parce que nous voulons obtenir la libération de Clotilde Reiss.

Madame la sénatrice, vous affirmez dans le même temps qu'il ne faut pas reconnaître le régime ainsi « issu des urnes ». Je crains hélas, que celui-ci ne soit pas le premier qui, en se maintenant, doive être reconnu…

Il y a eu, bien sûr, une contestation de l'élection, qui était forte et que nous avons ressentie politiquement, psychologiquement et même presque physiquement, compte tenu de notre affection pour ce peuple. Toutefois, si tout le monde en Iran proclame l'élection d'un président, il serait bien inutile et contre-productif d'aller, seuls, dans le sens contraire.

En revanche, nous pouvons soutenir le mouvement de contestation, multiplier les contacts avec lui, continuer à nous opposer à la politique menée par le régime iranien en matière d'énergie atomique, comme nous l'avons fait d'ailleurs avant que cela ne nous soit imposé.

Je vous le rappelle, nous avons maintenu les contacts directs avec les dirigeants iraniens, nous les avons maintes fois rencontrés. Moi-même je téléphone tous les deux jours à mon homologue à Téhéran pour faire pression afin que Mlle Reiss soit libérée. Cette attitude est la bonne pour le moment, me semble-t-il.

Quant à votre seconde question, permettez-moi de ne pas la mélanger avec la première ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

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