Question de Mme PAYET Anne-Marie (La Réunion - UC) publiée le 02/07/2009

Mme Anne-Marie PAYET souhaite appeler l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur les effets néfastes du tabagisme pendant la grossesse.

Malgré la mesure 10 du plan cancer (2003) et le soutien par le ministère de la santé de la charte maternité sans tabac signée par 356 des 580 maternités, en France, aujourd'hui, un enfant sur cinq est encore exposé in utero au tabagisme de sa mère (Baromètre-Santé 2005). D'après « European perinatal health report » (2008), la France était en 2004 le pays ayant la plus grande proportion de fumeuses parmi les femmes enceintes (au troisième trimestre : 22 % versus 6 % en Suède, et versus 17 % pendant toute la grossesse au Royaume-Uni et 11 % en Allemagne).

Elle souligne que l'exposition au tabac in utero augmente le risque d'avortement spontané, de grossesse extra-utérine, d'accouchement prématuré et d'hypotrophie. En outre, le tabagisme des parents augmente les risques de mort subite du nourrisson et d'infection broncho-pulmonaire. La France est le pays d'Europe dans lequel la mortalité fœtale la plus élevée (9 pour 1000, supérieure d'un tiers à celle observée en Russie et le triple de celle observée en Suède et en Finlande). La proportion de nouveau-nés de moins de 1 000 g a été multiplié par trois depuis 1990, or un poids faible est souvent associé à des séquelles nerveuses et intellectuelles sérieuses. La France est également le pays européen (voir European perinatal health report, 2008) dans lequel la proportion de nouveau-nés avec un poids compris entre 1 500 et 2 500 g est le plus élevé (supérieur de 83 % à celle observée en Suède).

Dans ce contexte, il serait judicieux, comme le préconise le rapport Tubiana, à chaque visite prénatale, que les maternités effectuent un dosage du CO dans l'air expiré par la femme enceinte, et si possible par son conjoint. Si ce dosage est élevé, la femme enceinte doit être adressée à une consultation d'arrêt du tabac. La sécurité sociale pourrait prendre en charge les substituts nicotiniques pendant la grossesse et pendant l'allaitement. Par ailleurs, il est nécessaire d'organiser une éducation parentale dans les maternités avec distribution de documents standards et suivi personnalisé si besoin est.

Elle ajoute qu'un rapport annuel sur la mise en œuvre de ces recommandations est indispensable, afin de vérifier que les moyens mis en œuvre sont adéquats et de suivre les résultats. De même, la notation des établissements hospitaliers devrait prendre en compte le respect de la charte maternité sans tabac dans les maternités ainsi que les résultats obtenus. En plus de la responsabilité personnelle des chefs de service, celle des directeurs d'établissement et des présidents de commission médicale d'établissement doit être engagée dans le fonctionnement des maternités.

Dans ce contexte, elle lui demande de bien vouloir lui faire part de l'avis du Gouvernement sur ses propositions et, éventuellement, des mesures qu'elle entend prendre pour remédier à cette situation.

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Réponse du Secrétariat d'État à la justice publiée le 14/10/2009

Réponse apportée en séance publique le 13/10/2009

La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 594, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais attirer votre attention sur les effets néfastes du tabagisme pendant la grossesse. Je sais que vous relaierez de façon efficace ma préoccupation auprès de Mme Roselyne Bachelot-Narquin et vous en remercie.

Malgré la mesure n° 10 préconisée par le Plan Cancer 2003-2007 et le soutien par le ministère de la santé et des sports de la charte « maternité sans tabac », signée par 356 des 580 maternités – soit 60 % –, aujourd'hui un enfant sur cinq est encore exposé in utero au tabagisme de sa mère.

D'après le récent rapport européen sur la santé périnatale de 2008, la France est le pays ayant la plus grande proportion de fumeuses parmi les femmes enceintes : 22 % au troisième trimestre de la grossesse, contre 6 % en Suède, tandis que la proportion pendant toute la grossesse est de 17 % au Royaume-Uni et de 11 % en Allemagne.

Je tiens à souligner que l'exposition au tabac in utero augmente le risque d'avortement spontané, de grossesse extra-utérine, d'accouchement prématuré et d'hypotrophie. En outre, le tabagisme des parents augmente les risques de mort subite du nourrisson et d'infection broncho-pulmonaire.

La France est le pays d'Europe dans lequel la mortalité fœtale est la plus élevée – 9 pour 1000 –, supérieure d'un tiers à celle qui est observée en Russie et trois fois plus importante qu'en Suède et en Finlande.

La proportion de nouveau-nés de moins de 1 kilogramme a été multipliée par trois depuis 1990. Or un poids faible est souvent associé à des séquelles nerveuses et intellectuelles sérieuses.

La France est également le pays européen dans lequel la proportion de nouveau-nés avec un poids compris entre 1,5 kilogramme et 2,5 kilogrammes est la plus élevée. Elle est par exemple supérieure de 83 % à celle qui est observée en Suède.

Ces constatations illustrent la gravité de la situation actuelle sur le plan sanitaire, social et financier, et ce malgré les améliorations récentes. En effet, d'après le baromètre santé de l'INPES, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, la proportion de fumeuses parmi les femmes enceintes est passée de 28 % à 20 % entre 2000 et 2004. Mais il semble que ces chiffres sont vraisemblablement sous-estimés, car ils se fondent sur les déclarations des femmes enceintes. Or celles-ci manquent de fiabilité, comme l'ont montré les dosages du monoxyde de carbone dans l'air exhalé par les patientes.

Dans ce contexte, il serait judicieux, comme le préconise le rapport Tubiana, qu'à chaque visite prénatale les maternités effectuent un dosage du monoxyde de carbone contenu dans l'air expiré par la femme enceinte et, si possible, par son conjoint.

Si ce dosage est élevé, la femme enceinte doit être envoyée à une consultation d'arrêt du tabac. La sécurité sociale pourrait prendre en charge les substituts nicotiniques pendant la grossesse et pendant l'allaitement.

Il est également nécessaire d'organiser une éducation parentale dans les maternités, qui passerait notamment par la distribution de documents standards et, si besoin est, par un suivi personnalisé.

Par ailleurs, la réalisation d'un rapport annuel sur la mise en œuvre de ces recommandations est indispensable, afin de vérifier que les moyens engagés sont adéquats et de suivre les résultats.

De même, la notation des établissements hospitaliers devrait prendre en compte le respect de la charte « maternité sans tabac » dans les établissements, ainsi que les résultats obtenus. En plus de la responsabilité personnelle des chefs de service, celle des directeurs d'établissement et des présidents de commission médicale d'établissement, ou CME, doit être engagée pour ce qui est du fonctionnement des maternités.

Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande de bien vouloir me faire part de l'avis du Gouvernement sur ces propositions du rapport Tubiana, ainsi que des mesures qu'il entend prendre pour remédier à la situation actuelle.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. C'est bien volontiers, madame Payet, que je réponds à votre question, à la demande de Mme Roselyne Bachelot-Narquin qui n'a pu, à son grand regret, être présente ce matin pour le faire en personne.

Vous avez raison d'attirer notre attention, et plus particulièrement celle de Mme la ministre de la santé et des sports, sur les effets néfastes du tabagisme pendant la grossesse, qui sont connus et n'ont plus besoin d'être démontrés.

Ce problème concernait en 2005, date du dernier baromètre santé, encore 18 % des femmes enceintes, notamment celles qui étaient âgées de vingt-six à trente-cinq ans.

Il est vrai que, ces dernières années, comme vous l'avez rappelé, les pouvoirs publics et les associations ont mis en œuvre un plan de lutte soutenu avec successivement, depuis 2004, une conférence de consensus sur le thème « grossesse et tabac », une campagne « grossesse et santé », l'autorisation donnée de prescrire en seconde intention des substituts nicotiniques et la création d'un nouveau carnet de maternité.

Par ailleurs, le déploiement du dispositif « maternité sans tabac », qui existe depuis 2004 sur la base du volontariat, doit être encouragé. L'ensemble de ces actions a conduit à une réduction de 26 % de la proportion de femmes fumant pendant leur grossesse, ce qui me paraît démontrer l'efficacité de la démarche engagée.

Je ne suis pas sûr que le fait de vouloir mettre en jeu la responsabilité des directeurs d'établissements ou celle des présidents de CME constitue forcément le meilleur moyen de motiver les différents acteurs, étant donné les difficultés auxquelles on est parfois confronté pour faire passer ce message.

Pour autant, vous avez raison de dire que, au regard de l'objectif d'une grossesse sans tabac, nous devons assurément aller encore plus loin.

C'est un objectif de santé publique et la question de la prise en charge des traitements de l'arrêt du tabac, au-delà du forfait proposé par l'assurance maladie, va être abordée dans le cadre du prochain plan cancer.

L'amélioration de cette prise en charge nécessite un effort de recherche, afin d'évaluer notamment l'intérêt d'utiliser la mesure du monoxyde de carbone expiré pour établir un diagnostic, ou encore l'efficacité du recours aux substituts nicotiniques. Dans ce dernier cas, d'ailleurs, un essai clinique financé par le ministère de la santé et des sports est en cours.

Enfin, les recommandations issues de l'évaluation du plan périnatalité apporteront également de nouvelles pistes pour renforcer la lutte contre le tabagisme des femmes enceintes.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Je remercie M. le secrétaire d'État de sa réponse, que je transmettrai bien évidemment aux professionnels de santé et qui est de nature à calmer leurs inquiétudes.

Je tiens à préciser que l'action dans ce domaine est vraiment nécessaire. En effet, si 60 % des maternités ont signé la charte « maternité sans tabac », seuls 15 % – soit une centaine d'établissements – intègrent la mesure du monoxyde de carbone expiré et moins de 10 % appliquent des traitements efficaces.

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