Question de M. BIWER Claude (Meuse - UC) publiée le 09/07/2009

M. Claude Biwer attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur le fait que les rémunérations et charges sociales des travailleurs saisonniers sont supérieures en France à ce qu'elles sont dans la plupart des autres pays européens, Allemagne, Belgique, Pays-Bas et Espagne.
Cette situation pénalise les producteurs français de fruits et légumes et, notamment, les producteurs de fruits lorrains qui sont directement concurrencés par les producteurs belges et hollandais.
Il le prie de bien vouloir préciser les initiatives qu'il compte prendre afin d'aboutir à une harmonisation européenne des coûts des travailleurs saisonniers, et ainsi, mettre fin à ces distorsions de concurrence.

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Réponse du Haut commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissariat à la jeunesse publiée le 23/09/2009

Réponse apportée en séance publique le 22/09/2009

La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 599, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

M. Claude Biwer. Monsieur le haut-commissaire, les distorsions de concurrence entre les producteurs de fruits et légumes français et leurs voisins de l'Union européenne ne constituent pas un phénomène nouveau.

Toutefois, l'année 2009 ayant été particulièrement abondante en fruits, cette situation, conjuguée avec des importations considérables, a entraîné une chute des cours telle que les agriculteurs n'avaient, à l'extrême limite, plus intérêt à récolter leurs produits, car le prix qui leur était payé ne couvrait en aucune manière leurs charges d'exploitation, ni même le simple coût de l'opération.

Cette situation est due à deux phénomènes, me semble-t-il.

Le premier, qui fait l'objet de ma question orale d'aujourd'hui, est l'important différentiel de charges de main-d'œuvre entre les producteurs de fruits et légumes français et européens. Je le répète, le prix de vente ne compense pas le coût de la seule récolte ne serait-ce que pour cette raison.

Selon les indications qui nous ont été fournies, le coût du travail saisonnier s'établit en 2009 à 11,04 euros en France, 6 euros en Allemagne, 7,80 euros en Espagne, 7,37 euros en Belgique, 9,97 euros aux Pays-Bas, voire 4,47 euros dans ce dernier pays si le salarié est âgé de moins de dix-huit ans !

J'ajoute que les producteurs de fruits et légumes lorrains et meusiens, qui sont plus proches des frontières, subissent la concurrence directe des produits originaires de Belgique, des Pays-Bas et d'Allemagne. Dans le sud de la France, les mêmes phénomènes s'observent, mais à partir de l'Espagne ou de l'Italie cette fois, auxquels s'ajoutent des effets de proximité et de mise sur le marché.

Monsieur le haut-commissaire, avec de telles distorsions de concurrence, à savoir un différentiel de coûts allant de 10 % à 60 %, comment voulez-vous que les producteurs français de fruits et légumes luttent ? Ce n'est pas tenable !

Et comment ne pas comprendre leur désarroi et leur colère lorsque, de surcroît, ils sont victimes d'une « double peine », c'est-à-dire à la fois de charges de production plus élevées que celles de leurs voisins européens et de la politique des prix bas imposée par les centrales d'achat françaises ?

C'est le second aspect de ce dossier : les producteurs de fruits et légumes subissent une telle pression de la part des centrales d'achat que le prix qui leur est payé ne couvre pas leurs coûts de revient.

Et pourtant, les consommateurs, de leur côté, se plaignent très souvent de la cherté des fruits et légumes. Il y a donc bien dans les circuits de distribution un problème de marge, qui a fait l'objet, ici même, de nombreuses interventions, y compris de ma part, mais qui n'est manifestement pas résolu. Il en va de même, d'ailleurs, pour le lait, à propos duquel je suis intervenu lors de la dernière séance de questions d'actualité, le jeudi 17 septembre.

Les difficultés rencontrées par les producteurs de fruits et légumes témoignent que l'agriculture connaît une très grave crise, à laquelle il est urgent d'apporter des solutions.

En particulier, il faut obtenir, coûte que coûte, une diminution des marges de la distribution ou toute autre mesure susceptible de faire véritablement baisser les prix à la consommation et augmenter les volumes achetés par les consommateurs.

Monsieur le haut-commissaire, quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il prendre afin d'aboutir à une harmonisation européenne du coût des travailleurs saisonniers et, de façon plus générale, du coût du travail, mettant fin ainsi à ces distorsions de concurrence qui pénalisent durement les producteurs de fruits et légumes français ?

M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse. Monsieur le sénateur, je tiens en premier lieu à excuser Bruno Le Maire qui, en ce moment même, préside une table ronde consacrée à la compétitivité de la filière des fruits et légumes.

Vous avez appelé son attention sur ce sujet, et en particulier sur les préoccupations des producteurs de fruits et légumes lorrains, au regard de distorsions de concurrence liées au coût de la main-d'œuvre saisonnière par rapport à ce qui prévaut dans d'autres pays européens, notamment la Belgique et les Pays-Bas.

Tout d'abord, il faut rappeler que chaque État membre de l'Union européenne peut fixer librement son cadre social et fiscal, et notre pays est attaché à ce principe.

Ainsi, en France, le Gouvernement a mis en place des dispositifs d'allégements de charges sociales, particulièrement en cette période de crise. Il a, notamment, institué au profit des petites entreprises le dispositif dit « zéro charges », qui a probablement permis 500 000 embauches depuis sa création.

Diverses dispositions ont été adoptées à l'échelon national : l'allongement de la période d'allégement de charges sociales pour l'emploi de travailleurs occasionnels, l'allégement accru des charges sociales pour toute transformation d'emplois occasionnels longs en emplois permanents sous contrat à durée indéterminée, les encouragements à la constitution et au développement des groupements d'employeurs, enfin, depuis le 1er octobre 2008, la réduction des cotisations sociales pour les heures supplémentaires et complémentaires effectuées par les salariés.

Toutefois, il est manifeste que le coût du travail en France peut peser sur la compétitivité des exploitations, en particulier dans les filières qui emploient beaucoup de main-d'œuvre.

C'est la raison pour laquelle ce facteur doit être largement abordé lors de la table ronde que Bruno Le Maire tient, ce matin même, avec les représentants de la filière.

Dans l'agriculture comme dans les autres secteurs, cependant, la compétitivité ne peut reposer uniquement sur les coûts de main-d'œuvre, mais doit s'appuyer aussi sur des avancées techniques et stratégiques.

Dans ce contexte, il faut privilégier une approche fondée sur l'organisation économique. La concertation interprofessionnelle ainsi que l'organisation de la première mise en marché, fondée sur une relation de confiance entre les différents maillons d'une filière, doivent être renforcées. C'est pourquoi les acteurs de ce dossier sont réunis autour d'une même table ce matin.

À ce titre, le prédécesseur de Bruno Le Maire, Michel Barnier, avait engagé une réforme profonde de la gouvernance de la filière des fruits et légumes, visant à faire du renforcement de l'organisation économique et du développement de la concertation interprofessionnelle deux priorités d'action.

Bruno Le Maire est fermement décidé à poursuivre ce projet, qui est aujourd'hui inscrit dans la Charte nationale de gouvernance des filières fruits et légumes, validée par les professionnels le 13 mai 2008.

La mise en œuvre de cette charte est en cours, et Bruno Le Maire est persuadé que les professionnels des départements lorrains se joindront de manière encore plus active à la dynamique ainsi créée.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie de votre réponse.

Je sais que vous ne pouvez inventer de remède miracle et que le Gouvernement accomplit déjà des efforts certains. Toutefois, je sais aussi les difficultés que connaît cette filière !

Nous ne nous contentons plus de beaux discours : il faut apporter au moins des mini-solutions, même si je ne doute pas qu'il faille du temps pour les dégager, au niveau national et plus encore au niveau européen. En effet, l'agriculture, de façon générale, et certaines productions comme les fruits, les légumes ou le lait plus particulièrement, connaissent aujourd'hui des problèmes cruciaux.

Monsieur le haut-commissaire, les actions qui sont en cours, et que vous avez évoquées, doivent être poursuivies. J'espère que les événements se précipiteront à cet égard, sinon nous risquons d'être confrontés à une crise d'une particulière gravité.

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