Question de M. ANTOINETTE Jean-Étienne (Guyane - SOC-A) publiée le 09/10/2009

Question posée en séance publique le 08/10/2009

M. Jean-Etienne Antoinette. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

Fallait-il attendre le blocage du rectorat de Guyane pendant un mois et le ralliement des enseignants à la grève des personnels administratifs avant de dépêcher un énième inspecteur constater le bien-fondé de revendications que vous aviez déclarées une semaine plus tôt « irréalistes », monsieur le ministre ? Ne se moque-t-on pas des citoyens guyanais ?

Depuis la création bruyante du rectorat de Guyane en 1996, ne connaît-on pas la réalité de ce territoire où la population scolaire double tous les dix ans, où les flux migratoires ne sont pas contrôlés et où, sur dix enfants d'une classe d'âge, trois se présentent un jour au baccalauréat, contre cinq qui se perdent dans la nature sans aucun suivi, sans aucun diplôme et sans perspective de formation professionnelle ?

D'année en année, les rapports se succèdent et les chiffres s'alarment : seize langues usuelles parlées dans les écoles ; jusqu'à 80 % d'échec aux évaluations en CM2 ; 73 % des élèves ne maîtrisant pas correctement le français à l'entrée en sixième ; dix points d'écart entre les taux de réussite au baccalauréat de Guyane et de métropole, sans compter la déscolarisation, et la non-scolarisation : 3 000 enfants officiellement, 6 000 ou plus peut-être, d'après les observations sur le terrain du Réseau Éducation Sans Frontières.

Et en face, monsieur le ministre, on fait subir à la Guyane le même rationnement qu'ailleurs ! On supprime, on regroupe, on transfère, on colmate ! Et à chaque grosse grève, un ministre vient, prend des « mesurettes » d'urgence, et promet un plan !

En 2004, Xavier Darcos disait qu'il fallait un plan de rattrapage. Les collectivités locales, pourtant exsangues, ont alors donné la priorité à la construction d'établissements, même en l'absence de fonds européens ; or, aujourd'hui, à l'heure où je vous parle, les enfants de Cayodé sur le Maroni attendent toujours leurs enseignants ! Et ils ne sont pas les seuls ! Il en va de même au lycée de Kourou.

M. François Marc. C'est vrai !

M. Jean-Etienne Antoinette. En février 2008, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, affirmait à Camopi, en Guyane : « nous devons aller plus loin, plus vite, et ne pas fermer les yeux sur une réalité qui dure... ». Or, lors de la grève de juin 2008, Yves Jégo, alors secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, promettait lui aussi un plan pour l'éducation.

M. René-Pierre Signé. Où est-il passé, celui-là ?

M. le président. Votre question, monsieur Antoinette !

M. Jean-Etienne Antoinette. Cette année, tant la mission d'information sénatoriale sur la situation des départements d'outre-mer que les États généraux de l'outre-mer ont placé, dans leurs conclusions, l'éducation au premier rang des priorités pour la Guyane et souligné la nécessité d'une action forte et volontariste.

M. le président. Votre question !

M. Simon Sutour. Et, encore une fois, il s'agit d'un socialiste !

M. Jean-Etienne Antoinette. Ils défendent une politique sérieuse, conçue au regard des réalités, intégrant toutes les dimensions du problème : capacités d'accueil, ressources humaines, moyens et méthodes, dispositifs d'accompagnement, approches pédagogiques plus réalistes...

M. le président. Mon cher collègue, vous devez vraiment poser votre question !

M. Simon Sutour. Monsieur le président, contrôlez aussi les temps de parole de la majorité !

M. Jean-Etienne Antoinette. L'éducation est un droit opposable. Quand ce droit opposable sera-t-il un droit effectif en Guyane ?

À quand le plan éducation pour la Guyane, monsieur le ministre ? Il y a urgence ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)


Réponse du Ministère de l'éducation nationale publiée le 09/10/2009

Réponse apportée en séance publique le 08/10/2009

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je ne méconnais pas la situation spécifique de la Guyane en matière d'éducation nationale, situation spécifique liée à ses particularités à la fois géographiques et démographiques.

Depuis 1996, année, en effet, de la création de l'académie de Guyane, je n'ai pas le sentiment que l'État ait réduit les moyens ou les effectifs de celle-ci.

Les moyens, au contraire, se sont progressivement adaptés, qu'il s'agisse des moyens humains…

M. Simon Sutour. Mais il y a plus d'élèves !

M. Luc Chatel, ministre. …ou des constructions scolaires, l'État ayant encore, je le rappelle, la compétence en la matière dans ce département.

Concernant le mouvement de grève que vous avez évoqué, monsieur le sénateur, j'ai pris pleinement conscience de la situation puisque j'ai envoyé un chargé de mission en Guyane le 28 septembre dernier afin qu'il conduise une expertise portant sur les personnels non seulement des administrations du rectorat, mais aussi des établissements scolaires.

À la suite des échanges qui se sont déroulés, un plan d'action a été élaboré et différentes mesures ont été proposées, en particulier l'annulation des quelques suppressions de postes de personnels administratifs qui étaient intervenues au 1er septembre dernier, ainsi que la création de quinze supports budgétaires destinés aux personnels administratifs des établissements scolaires pour tenir compte de l'accroissement de la démographie dans le département.

M. David Assouline. Et les enseignants ?

M. Luc Chatel, ministre. Par ailleurs, un groupe de travail permanent, avec les organisations syndicales, a été constitué pour travailler sur le calibrage des effectifs en Guyane.

M. David Assouline. Il n'y a pas assez d'enseignants !

M. Luc Chatel, ministre. En outre, des crédits supplémentaires de formation ont été débloqués pour assurer un accompagnement des personnels.

M. David Assouline. Les élèves attendent des professeurs !

M. Luc Chatel, ministre. Ce plan d'action a été soumis aux organisations syndicales et, monsieur Assouline, il a été approuvé par celles-ci. Il a fait l'objet d'un protocole d'accord qui a été signé le 1er octobre dernier, et, à cette même date, le mouvement de grève a immédiatement pris fin.

Le Gouvernement a donc pris la mesure de la situation dans le département de la Guyane, monsieur Antoinette.

Quant à l'avenir, j'ai eu l'occasion de recevoir cette semaine les présidents du conseil régional et du conseil général de la Guyane. Nous avons évoqué des pistes de coopération pour moderniser notre système éducatif dans ce département.

Je sais que les représentants des collectivités locales, comme d'ailleurs les parlementaires, réfléchissent, dans le cadre d'une évolution du statut, à l'avenir de la compétence éducative. Nous sommes prêts à travailler sur ce point, notre objectif étant que l'éducation nationale soit bien assurée, en Guyane comme sur l'ensemble du territoire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

- page 8439

Page mise à jour le