Question de M. REPENTIN Thierry (Savoie - SOC) publiée le 22/10/2009

M. Thierry Repentin attire l'attention de M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État sur les difficultés que rencontrent de nombreux propriétaires-bailleurs ayant réalisé un investissement immobilier en résidences de tourisme dans le cadre de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, dite loi « Demessine ». Un grand quotidien régional a récemment consacré deux pages complètes à ce sujet, illustrant l'ampleur du problème qui semble se poser. Le dispositif précité, dont l'objectif était de promouvoir la construction de résidences dans les zones de revitalisation rurale, accorde aux investisseurs privés la possibilité d'acquérir un bien hors taxes, avec une réduction d'impôts échelonnée sur six ans, à la condition que le logement situé en résidence de tourisme soit confié avec un bail à un gestionnaire pendant au moins neuf ans. Cet outil de défiscalisation a été perçu par de nombreux investisseurs comme un moyen de se constituer un patrimoine susceptible de compléter leur retraite tout en leur laissant la possibilité de reprendre leurs biens au terme du bail initialement consenti. En réalité, des gestionnaires des résidences en question ont retardé, voire suspendu très rapidement les règlements des loyers aux propriétaires en leur imposant une réduction de 50 à 60 % de leur montant initial, malgré une activité touristique correcte. Dans certains cas la valeur des biens acquis a fortement chuté. Les propriétaires n'ont d'autre alternative que d'accepter les conditions des gestionnaires afin d'éviter une requalification fiscale lourde de conséquences : remboursement de TVA du logement et du crédit d'impôts. D'après les données fournies par une association de propriétaires récemment constituée, il semble qu'une telle situation concerne plus de 200 résidences et plus de 20 000 familles. De nombreux propriétaires étant en difficulté du fait d'un rendement très largement inférieur à ce qui était annoncé par les agences de vente, il convient de s'assurer que les objectifs poursuivis par le législateur n'aient pas été dévoyés. Il souhaite connaître la réponse que le Gouvernement entend apporter à ces problèmes rencontrés par les propriétaires-bailleurs dans le cadre de la loi dite « Demessine » et qui inquiètent également les élus des territoires confrontés à des projets de résidences aujourd'hui en état de chantiers arrêtés.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat publiée le 20/01/2010

Réponse apportée en séance publique le 19/01/2010

M. Thierry Repentin. Madame la secrétaire d'État, je souhaite appeler votre attention sur les difficultés que rencontrent de nombreux propriétaires-bailleurs qui ont réalisé un investissement immobilier en résidence de tourisme. Plusieurs grands quotidiens régionaux ont d'ailleurs ouvert leurs colonnes à ce sujet, illustrant l'ampleur du problème qui semble se poser tout particulièrement dans les zones touristiques, qu'elles soient littorales ou montagnardes.

Le dispositif précité, qui visait à promouvoir la construction de résidences dans les zones de revitalisation rurale, accorde aux investisseurs privés la possibilité d'acquérir un bien hors taxes avec une réduction d'impôt échelonnée sur six ans, à la condition que le logement soit situé en résidence de tourisme et confié avec un bail à un gestionnaire pendant au moins neuf ans.

Cet outil de défiscalisation a été perçu par de nombreux investisseurs comme un moyen de se constituer un patrimoine susceptible de compléter leur retraite tout en leur laissant la possibilité de reprendre leur bien au terme du bail initialement consenti.

En réalité, des gestionnaires des résidences en question ont très rapidement retardé, voire suspendu le règlement des loyers aux propriétaires en leur imposant parfois une réduction de 50 % à 60 % de leur montant initial, malgré une activité touristique correcte. Dans certains cas, la valeur des biens acquis a fortement chuté, quand elle n'a pas été réduite à néant par l'arrêt pur et simple des chantiers.

Les propriétaires n'ont d'autre possibilité que d'accepter les conditions des gestionnaires afin d'éviter une requalification fiscale lourde de conséquences. Celle-ci peut en effet conduire au remboursement à la fois de la TVA sur le logement et du crédit d'impôt. D'après les données fournies par une association de propriétaires récemment constituée, il semble qu'une telle situation concerne plus de 200 résidences et plus de 20 000 familles.

Face à cette situation, des avancées défendues par les parlementaires, notamment ceux qui sont membres de l'Association nationale des élus de la montagne, l'ANEM, ont pu être adoptées lors de l'examen de la loi de finances pour 2010. Ainsi, le délai de reprise de la réduction d'impôt pour l'acquisition de résidences de tourisme dans les zones de revitalisation rurale en cas de rupture de l'engagement de location lié à la défaillance de l'exploitant a été porté à trois ans. Par ailleurs, la reprise de la réduction d'impôt est supprimée lorsque les copropriétaires, au terme d'un délai de douze mois pendant lesquels la recherche d'un gestionnaire se serait révélée infructueuse, substituent au gestionnaire défaillant une ou plusieurs entreprises qui assument les mêmes prestations sur la période de location restant à courir.

Toutefois, des interrogations subsistent chez les propriétaires concernés. Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous m'indiquer quelle suite le Gouvernement entend donner aux avancées et aux attentes constatées ?

Au nombre des souhaits, je citerai la possibilité pour les propriétaires de reprendre les logements au travers d'une société adaptée. Certains propriétaires trouvent aussi trop long le délai de carence d'un an pour retrouver un nouveau gestionnaire.

Par ailleurs, ils souhaitent avoir la possibilité, dans le bail commercial qui lie le propriétaire et le gestionnaire, de prévoir une clause concernant la recette dans le calcul du loyer. Leur préoccupation porte sur les loyers, dont ils voudraient qu'ils comportent une part fixe et garantie au moins égale à 75 % du loyer annuel.

Enfin, ils réclament une instruction fiscale qui préciserait que, en cas de faillite d'un gestionnaire subie par un propriétaire, ce dernier ait la possibilité de basculer en régime « loueur de meublés non professionnels » ou en « bénéfices industriels et commerciaux » pour la durée restante de l'engagement fiscal initial, tout en gardant le bénéfice de la réduction d'impôts sur les revenus acquis à la date de la faillite.

Sur ces différents points, dont je concède volontiers le caractère complexe, parce que fiscal, je souhaite, madame la secrétaire d'État, avoir votre sentiment, voire des perspectives pour répondre à l'inquiétude grandissante d'un certain nombre de ménages qui ont investi en pensant faire une bonne affaire et se retrouvent aujourd'hui contraints de gérer une situation très difficile.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, Éric Woerth, qui, en déplacement à Berlin, ne pouvait être présent pour vous répondre.

Les difficultés des contribuables investisseurs en résidence de tourisme dans le cadre du « dispositif Demessine » sont réelles en cas de défaillance du gestionnaire. De nombreuses mesures ont été prises afin d'y répondre.

Concernant l'impôt sur le revenu, comme vous le savez, le bénéfice des réductions d'impôt au titre des investissements locatifs réalisés dans le secteur du tourisme est subordonné à un engagement du contribuable de louer le logement de manière effective et continue pendant au moins neuf ans à l'exploitant de la résidence de tourisme. En cas de non-respect de l'engagement de location, la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année de la rupture de l'engagement ou de la cession du logement.

Cela étant, il est admis que la période de vacance entre l'ancien et le nouvel exploitant du logement puisse, dans certains cas limitativement énumérés de défaillance de l'exploitant précédent, être supérieure à un mois, sans toutefois pouvoir excéder douze mois.

En outre, trois nouveaux aménagements, apportés au dispositif Demessine par le Parlement dans le cadre de la loi de finances pour 2010, ont permis des avancées substantielles dans l'amélioration de la situation des investisseurs.

Ainsi, comme vous le savez, l'article 23 permet l'étalement sur trois ans de la reprise de la réduction d'impôt, sous certaines conditions.

Quant à l'article 86, il prévoit que l'indexation d'une part minoritaire du loyer sur le chiffre d'affaires de la résidence ne fait pas obstacle à l'imposition des revenus locatifs dans la catégorie des revenus fonciers, et donc au bénéfice de la réduction d'impôt Demessine. Cette part d'indexation du loyer sur le chiffre d'affaires doit demeurer « minoritaire » : il appartiendra aux parties de fixer plus précisément, dans le cadre légal ainsi défini, cette part variable, par opposition à la part fixe, qui devra en tout état de cause rester majoritaire.

Enfin, l'article 87 introduit une nouvelle exception à la remise en cause de la réduction d'impôt lorsque les copropriétaires, le cas échéant réunis en société, substituent au gestionnaire défaillant de la résidence de tourisme une ou un ensemble d'entreprises qui assurent les mêmes prestations sur la période de location restant à courir, conformément aux prescriptions légales. Cette faculté leur est ouverte à la double condition que la candidature d'un autre gestionnaire n'ait pu être retenue après un délai d'un an et qu'ils regroupent au moins 50 % des appartements de la résidence.

Ce délai légal de carence d'un an ne saurait être réduit, car il convient de donner toutes ses chances à la reprise de la gestion professionnalisée de la résidence de tourisme par un nouveau gestionnaire, dans l'esprit de la loi Demessine, avant d'envisager une « gestion directe » par les propriétaires eux-mêmes.

Ces nouvelles dispositions feront l'objet de commentaires détaillés dans une instruction administrative, qui sera elle-même soumise, avant sa publication au Bulletin officiel des impôts, à une large consultation.

Enfin, je tiens à préciser que le Gouvernement n'est pas favorable à la proposition d'offrir la possibilité de basculer sur un autre régime d'imposition, en l'occurrence celui des bénéfices industriels et commerciaux, tout en gardant le bénéfice de la réduction d'impôt. En effet, cela permettrait aux bailleurs de profiter d'un cumul d'avantages fiscaux et les autoriserait en outre à donner eux-mêmes leur logement en location, alors que la mise en location par l'intermédiaire d'un exploitant est l'un des principes de base du dispositif Demessine, qui repose sur la professionnalisation de l'accueil touristique, gage de qualité.

Au total, vous en conviendrez, monsieur le sénateur, l'ensemble de ces dispositions, légales comme doctrinales, témoigne de l'attention portée par le Gouvernement à la situation des particuliers qui, ayant investi dans ces résidences de tourisme, sont victimes de la défaillance de leur gestionnaire.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Madame la secrétaire d'État, M. Woerth est bien évidemment excusé, d'autant que son absence nous donne le plaisir de vous entendre, dans cet hémicycle que vous connaissez bien.

Les éléments de réponse que vous venez de fournir ont au moins le mérite d'apporter des éclaircissements à des investisseurs qui, aujourd'hui, ne savent plus à quel saint se vouer.

Vous l'avez bien compris, la volonté de l'investisseur n'est pas en cause : c'est la défaillance du promoteur ou du gestionnaire qui empêche la location du bien, quelquefois même l'achèvement du chantier.

Plus largement, comme je l'ai indiqué à M. Woerth lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative, il me semble qu'il devrait être procédé à un bilan de l'application du dispositif. En effet, on continue à recourir à cette forme d'investissements défiscalisés dans des endroits où, hélas ! il est douteux que la clientèle soit au rendez-vous : si elle l'était, il y aurait vraisemblablement moins de défaillances chez les promoteurs et les gestionnaires eux-mêmes ! Or, le dispositif pèse sur le budget de notre pays, c'est-à-dire sur la solidarité nationale.

J'espère donc qu'un bilan sera réalisé pour que, le cas échéant, ce type d'investissement puisse être reconfiguré.

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