Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 29/10/2009

M. Jean Louis MASSON attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur les retards tout à fait inacceptables mis pour répondre aux questions écrites, ce qui entraîne la radiation des questions du rôle du Sénat et l'obligation de les déposer à nouveau. Dans certains cas, la négligence ministérielle est telle que même des questions réinscrites une seconde fois n'obtiennent pas de réponse. C'est notamment le cas de la question qu'il a posée le 26 juillet 2007, laquelle reposait une précédente question déjà posée le 18 novembre 2004 et restée également sans réponse. Il lui renouvelle donc ladite question. Plus précisément, il attirait son attention sur le fait que « le comité de défense des travailleurs frontaliers de la Moselle a récemment évoqué les discriminations sur l'attribution de l'allocation d'éducation spécialisée (AES) versée aux travailleurs frontaliers travaillant en Allemagne. Le comité indique notamment : « L'article L. 512-5 du code de la sécurité sociale prévoit que les prestations familiales du régime français ne peuvent se cumuler avec les prestations pour enfants versées en application des traités, conventions et accords internationaux auxquels la France est partie et que dans ce cas, seule une allocation différentielle peut être éventuellement servie. Le règlement CEE 1408/71 dispose que le terme « prestations familiales » désigne toutes les prestations en nature et en espèces destinées à compenser les charges de famille à l'exclusion des allocations spéciales de naissance ou d'adoption. A partir de ces dispositions, seul peut donc être versé un complément égal à la différence entre les avantages dus au titre de la législation française et ceux perçus au titre de la législation allemande. L'allocation d'éducation spéciale fait partie de la liste des prestations familiales françaises à prendre en compte pour le calcul de l'allocation différentielle. Ce qui signifie en pratique, que le travailleur frontalier occupé en Allemagne bénéficie de l'allocation familiale de ce pays qui est prioritaire pour payer les prestations familiales légales. Et la France est tenue de verser une différentielle lorsque le montant des prestations versées est inférieur à celui que la France aurait payé. Dans ce cas de figure : un travailleur frontalier n'ayant qu'un seul enfant, malheureusement handicapé, ne pourra pas bénéficier de l'AES étant donné que l'allocation familiale versée par l'Allemagne pour un enfant est de 154 euros, donc montant supérieur à l'AES. L'AES, prestation accordée par la COTOREP, doit aider la famille dans l'éducation et les soins à apporter à un enfant handicapé. Elle ne devrait donc pas, à notre avis, rentrer dans le calcul de l'allocation différentielle pour ce qui concerne les allocations purement familiales (allocations familiales, majorations allocations familiales, complément familial...), mais elle devrait être calculée par rapport à la même prestation que servirait l'Allemagne. En effet, un organisme allemand autre que la "Familienkasse" (caisse familiale compétente pour le versement des allocations exclusivement familiales) verse ce type d'allocation. Mais cette AES allemande est seulement servie à l'enfant résidant en Allemagne ». Le comité s'étonne en conséquence du fait que l'inclusion de l'AES dans l'allocation différentielle détourne la finalité de cette prestation qui est d'aider l'enfant handicapé. Il souhaiterait qu'il lui indique les solutions qui sont envisageables en la matière ». Dans la mesure où il est tout-à-fait déplorable que la question écrite susvisée n'ait toujours pas obtenu de réponse depuis qu'elle a été déposée pour la première fois le 18 novembre 2004, il lui demande d'élargir sa réponse en intégrant dans celle-ci les éléments d'actualité liés à l'évolution depuis lors du contexte législatif et réglementaire.

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Réponse du Ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique publiée le 19/08/2010

Le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a pris connaissance avec intérêt de la question relative sur les conditions d'attribution de l'allocation d'éducation spéciale (AES) aux frontaliers travaillant en Allemagne. Les mécanismes de coordination des systèmes de protection sociale mis en place dans le cadre de l'Union européenne (règlement CE n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et remplaçant, à compter du 1er mai 2010, le règlement CEE n° 1408/71 du 14 juin 1971) prévoient qu'un citoyen couvert par ces mécanismes ne peut relever que d'une seule législation nationale de sécurité sociale, le critère principal permettant de déterminer cette législation étant le lieu d'exercice d'une activité professionnelle. Ce principe général est complété, en matière de prestations familiales, par des règles de priorité permettant d'éviter le cumul de prestations familiales en déterminant l'État prioritairement compétent pour verser des prestations, lorsqu'une même famille ouvre des droits en vertu de plusieurs législations. Les autres États versent, le cas échéant, un complément différentiel. Ainsi, un travailleur exerçant son activité dans un État membre ouvre droit, pour les membres de sa famille résidant dans un autre État membre, aux prestations familiales de l'État dans lequel est exercée cette activité. Dans le cas d'un frontalier résidant en France, travaillant en Allemagne, et dont le conjoint éventuel n'exerce pas d'activité professionnelle en France, l'Allemagne est prioritairement compétente pour verser des prestations familiales. La législation française peut toutefois intervenir à titre subsidiaire, en versant aux intéressés, conformément à l'article L. 512-5 du code de la sécurité sociale, une allocation différentielle, lorsque le montant de l'ensemble des prestations familiales étrangères est inférieur au montant de l'ensemble des prestations familiales françaises auxquelles ils ouvriraient droit si cette législation leur était applicable. L'objectif de cette disposition est donc de garantir un montant total de prestations équivalent à ce que percevrait la famille si l'allocataire travaillait en France et relevait à ce titre de la législation française. L'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), qui remplace l'AES depuis le 1er janvier 2006, est une prestation de sécurité sociale dont l'objectif principal est de compenser les charges de famille supplémentaires liées à la présence d'un enfant handicapé dans le foyer. À ce titre, elle est considérée comme une prestation familiale au sens de la législation française et est visée à l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale. Elle est donc nécessairement prise en compte dans la comparaison entre les deux montants totaux de prestations familiales pour calculer celui de l'allocation différentielle éventuellement due. En d'autres termes, l'AEEH n'est pas versée, directement et pour son montant intégral, aux intéressés, sur la base de leur seule résidence en France. En outre, l'exclusion de l'AEEH du calcul de l'allocation différentielle serait contraire à la logique qui a présidé à la modification récente du mode de calcul de celle-ci (conformément au décret n° 2008-1384 du 19 décembre 2008, codifié à l'article D. 512-3 du code de la sécurité sociale), dont l'objectif était de renforcer les limites au cumul de prestations en incluant dans ce calcul différentiel des prestations familiales qui jusqu'alors étaient versées directement, pour leur montant intégral, aux intéressés, en sus des prestations étrangères versées par l'État prioritairement compétent. Par ailleurs, dans le cas présenté, les allocations familiales prévues par la législation allemande peuvent notamment être servies dans les cas où la famille assume la charge d'un enfant handicapé. La législation allemande prévoit donc bien une prestation familiale dans ce cas de figure. Elle prévoit par ailleurs des prestations de dépendance, qui peuvent être versées à des ayants droit et ce, soit sous forme de prestations en nature, soit sous forme de prestations en espèces. Or, au sens du règlement de coordination et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), les prestations de dépendance constituent des prestations de maladie. Parmi ces dernières, les prestations en espèces sont, à l'instar des prestations familiales, « exportables », c'est-à-dire qu'elles peuvent être versées par l'institution de sécurité sociale de l'État compétent à une personne assurée et aux membres de sa famille même si ceux-ci résident sur le territoire d'un autre État membre. Par conséquent, le frontalier résidant en France et relevant à titre principal de la législation allemande en vertu de l'activité qu'il y exerce ne peut se voir opposer, de la part de l'État compétent (en l'occurrence, l'Allemagne), une condition de résidence pour le bénéfice des prestations de dépendance en espèces, dès lors qu'il en remplit les autres conditions. Il est vrai qu'une jurisprudence récente de la CJUE (arrêt du 18 octobre 2007, affaire C-299/05, Commission c/Parlement européen et Conseil de l'Union européenne) a qualifié de prestations de dépendance - et donc de prestations de maladie de longue durée au sens du règlement de coordination - les allocations de soins pour enfant handicapé finlandaise et suédoise. Néanmoins, aucune conséquence commune n'a à ce jour été tirée de cette jurisprudence par la Commission européenne et les États membres. Cependant, si, dans ce cadre, l'AEEH devait in fine être requalifiée en prestation de dépendance en espèces, en application conjuguée des deux exemples de jurisprudence précités, elle n'en conserverait pas moins les mêmes conditions d'attribution ainsi que le caractère « exportable » qu'elle a aujourd'hui en tant que prestation familiale.

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