Question de M. HOUPERT Alain (Côte-d'Or - UMP-R) publiée le 05/11/2009

M. Alain Houpert attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur l'impact actuel de la fiscalité agricole en cette période de crise agricole exceptionnelle.

L'agriculture est l'un des piliers de l'économie française, fortement excédentaire dans la balance commerciale mais elle a ses spécificités par rapport aux autres secteurs de notre économie.

Aujourd'hui, le secteur crise agricole est en crise et pour que notre agriculture soit viable et pérenne, il faut lui donner des outils fiscaux mieux adaptés et plus souples, des outils qui lui permettent de corriger les évolutions sinusoïdales du revenu agricole, qui impactent fortement ses perspectives de rentabilité.

En effet, ces entreprises agricoles ont peu de trésorerie et la fiscalité actuelle n'est pas en prise directe avec leurs résultats. Pour compléter le dispositif dotation fiscale à l'investissement (DFI) existant, qu'il faut absolument maintenir, il faut faire évoluer la DPA. La DPA, dotation pour aléas, est peu utilisée aujourd'hui car elle est réservée aux seuls aléas climatiques et sanitaires. Il faut l'ouvrir aussi aux aléas économiques et familiaux, afin qu'elle couvre non seulement la chute des cours sur les marchés agricoles, mais aussi l'ensemble des répercutions des événements familiaux ou humains sur l'exploitation. Cette épargne professionnelle doit être utilisée avec beaucoup de souplesse dans le cas d'une chute de la marge brute de l'exploitation supérieure à 10 %.

À ce dispositif, il convient d'ajouter une assurance destinée à protéger l'exploitation contre les risques économiques, afin de sécuriser le revenu dans ce monde économique profondément dérégulé.

Enfin, face à l'investissement souvent lourd et peu rentable, même s'il est indispensable, un allègement fiscal sur ces sommes réinjectées dans l'exploitation s'impose par rapport au revenu du travail utilisé pour vivre.

Compte tenu de la crise agricole qui touche l'ensemble des producteurs, le Gouvernement envisage-t-il de réformer la fiscalité agricole, d'une part pour alléger la charge fiscale en contrepartie des efforts d'investissement et des aléas économiques et familiaux et, d'autre part, pour que l'impôt sur le revenu agricole soit calculé dorénavant, comme les charges sociales, sur une moyenne triennale.

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Réponse du Ministère de la santé et des sports publiée le 16/12/2009

Réponse apportée en séance publique le 15/12/2009

M. Alain Houpert. Ma question s'adressait à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, mais je ne doute pas que Mme la ministre de la santé et des sports parviendra à répondre à mes interrogations concernant l'état de santé de la filière agricole, laquelle est en crise. En effet, gérer une crise s'avère parfois un sport : il faut en effet être sur tous les fronts !

L'agriculture, domaine fortement excédentaire dans la balance commerciale, est l'un des piliers de l'économie française. Mais elle a ses spécificités par rapport aux autres secteurs de notre économie.

Aujourd'hui, le secteur agricole est en crise et, pour que notre agriculture soit viable et pérenne, il faut mettre à sa disposition des outils fiscaux mieux adaptés et plus souples, lui permettant de corriger les évolutions sinusoïdales du revenu agricole qui ont une incidence forte sur ses perspectives de rentabilité.

En effet, les entreprises agricoles ont peu de trésorerie, et la fiscalité actuelle n'est pas en prise directe avec leurs résultats. Pour compléter l'actuel dispositif de dotation fiscale à l'investissement, ou DFI, qu'il faut absolument maintenir, il faut faire évoluer la dotation pour aléas, ou DPA, peu utilisée aujourd'hui car réservée aux seuls aléas climatiques et sanitaires. C'est pourquoi il faut ouvrir la DPA aux aléas économiques et familiaux, afin qu'elle couvre non seulement la chute des cours sur les marchés agricoles, mais aussi l'ensemble des répercussions des événements familiaux ou humains sur l'exploitation ; cette épargne professionnelle doit être utilisée avec beaucoup de souplesse dans le cas d'une chute de la marge brute de l'exploitation supérieure à 10 %.

À ce dispositif, il convient d'ajouter une assurance destinée à protéger l'exploitation contre les risques économiques, afin de sécuriser le revenu des exploitants dans ce monde économique profondément dérégulé.

Enfin, il faudrait prévoir un allégement fiscal sur l'investissement souvent lourd et peu rentable, mais indispensable, que constituent les sommes réinjectées dans l'exploitation, par rapport au revenu du travail utilisé pour vivre.

Compte tenu de la crise agricole qui touche l'ensemble des producteurs, le Gouvernement envisage-t-il de réformer la fiscalité agricole, d'une part, pour que soit allégée la charge fiscale en contrepartie des efforts d'investissement et des aléas économiques et familiaux, d'autre part, pour que l'impôt sur le revenu agricole soit calculé dorénavant, comme les charges sociales, sur une moyenne triennale ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Bruno Le Maire, actuellement retenu à Bruxelles par le Conseil européen « Agriculture et pêche ». Cela me donne le plaisir de répondre à votre question, étant moi-même élue de l'une des premières régions agricoles françaises, et suivant, à ce titre, ces questions avec beaucoup d'intérêt.

Vous avez tout à fait raison de souligner que l'agriculture traverse une crise exceptionnelle. Les radios ont annoncé ce matin la baisse du revenu des agriculteurs, donnant un retentissement médiatique à la réalité que vivent les exploitants agricoles. Tous les secteurs sont touchés. C'est une crise de revenu, mais c'est aussi une crise d'identité : le monde agricole se demande quelle est sa place dans la société. Nous devons lui offrir des perspectives.

Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour trouver des solutions à cette crise. À cet égard, le plan présenté le 27 octobre dernier par le Président de la République est sans précédent. Doté de 1,6 milliard d'euros, il comprend deux volets : des mesures bancaires, d'une part, des mesures d'allégements de charges, d'autre part. Ce plan est composé d'une batterie de mesures pour répondre aux besoins de tous les exploitants en difficulté, quelles que soient les filières et les régions. Ce sont les résultats qui comptent. C'est un parlementaire, M. Nicolas Forissier, qui a été nommé médiateur national pour le plan d'urgence en faveur de l'agriculture, afin de s'assurer que les agriculteurs seront entendus.

La déduction pour aléa est un dispositif déjà inscrit dans le code général des impôts, en cas d'aléa climatique, naturel ou sanitaire, afin d'inciter les agriculteurs à constituer une épargne de précaution en vue d'y faire face.

Comme vous le demandiez, l'Assemblée nationale vient d'étendre aux aléas économiques cette disposition par un amendement déposé par le député Marc Le Fur, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010.

Par ailleurs, le Gouvernement a pour ambition de généraliser l'assurance récolte. Il a décidé d'augmenter les moyens qui y sont consacrés en 2009 pour la développer dans les secteurs les plus exposés, comme les fruits et légumes ainsi que la viticulture, en portant le taux de subvention à 40 % et à 45 % pour les jeunes.

Dans le même temps, la couverture des risques climatiques et sanitaires a été inscrite dans le cadre du premier pilier de la politique agricole commune, la PAC. C'est une avancée majeure qui va permettre en 2010 de mobiliser 100 millions d'euros de crédits communautaires. Une nouvelle impulsion pourra ainsi être donnée au développement de l'assurance récolte en portant le taux de subvention à 65 % pour l'ensemble des secteurs agricoles concernés – grandes cultures, fruits et légumes, viticulture.

Cette évolution constitue une perspective pour l'après-2013 pour développer d'autres dispositifs assurantiels, de type assurance revenu ou chiffre d'affaires. À cet effet, le Gouvernement souhaite mettre en place rapidement une expérimentation de produit d'assurance couvrant les productions fourragères. Cette position de principe soulève la question de la réassurance publique. C'est la raison pour laquelle Bruno Le Maire préconise que les assureurs se lancent dans l'expérimentation de terrain. Au vu des résultats, nous pourrons, en toute connaissance de cause, examiner la question de la réassurance.

En parallèle, le Gouvernement prépare aussi – vous le savez d'ailleurs – un projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, qui a notamment pour priorité de stabiliser et de mieux garantir les revenus des agriculteurs et des pêcheurs. Ce projet permettra d'organiser l'indemnisation des calamités agricoles climatiques et le développement des assurances récolte, notamment fourragère, en inscrivant dans la loi l'examen de la question de la réassurance, privée et publique.

Enfin, vous demandez, monsieur le sénateur, que, pour leur imposition sur le revenu, les agriculteurs puissent bénéficier, comme pour leurs charges sociales, d'un dispositif d'étalement sur trois ans. Je vous confirme que ce mécanisme existe déjà : il s'agit de la moyenne triennale prévue à l'article 75-0 B du code général des impôts, qui permet de lisser les revenus imposables pour tenir compte de l'irrégularité des bénéfices agricoles. Ainsi, sur option du contribuable, le bénéfice agricole est déterminé en retenant la moyenne des bénéfices de l'année d'imposition des deux années précédentes.

Tels sont les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter au nom de M. Bruno Le Maire, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert.

M. Alain Houpert. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

L'entreprise agricole n'est en effet pas une entreprise comme les autres. Sa croissance et sa décroissance sont non pas linéaires, comme celles des autres entreprises, mais sinusoïdales. La situation est d'ailleurs paradoxale : quand la production est bonne, elle l'est partout, ce qui entraîne une chute des cours, et donc des revenus ; quand la production baisse, les cours chutent partout également !

Vous parlez d'assurance récolte. Il est important de la requalifier en la faisant davantage porter sur le revenu. En effet, comment assurer une récolte comme la dernière qui a été excellente et pour laquelle les revenus ont été très bas ?

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