Question de Mme BLONDIN Maryvonne (Finistère - SOC) publiée le 12/11/2009

Mme Maryvonne Blondin attire l'attention de M. le ministre de la défense sur les possibilités d'assouplir les conditions de levée du secret défense dans le cadre d'une instance juridictionnelle.

Les débats qui ont précédé le vote de la loi d'indemnisation des victimes des essais nucléaires ont montré combien celles-ci ont rencontré de difficultés pour faire entendre leur cause, compte tenu, parfois, de la protection d'informations par le secret défense.

L'inviolabilité qui caractérise ce principe hypothèque également le travail d'élucidation auquel se livre la justice dans l'enquête sur le naufrage du bateau de pêche Bugaled Breizh survenu le 15 janvier 2004. L'implication d'un SNA (sous-marin nucléaire d'attaque) a été jugé probable par un juge d'instruction mais les pleines vérifications n'ont pu être conduites faute de pouvoir lever l'intégralité du secret défense couvrant l'ensemble des SNA en exercice le jour du drame.

Or les tribunaux devraient être en mesure d'obtenir tout élément utile à une instruction car leur rôle consiste à faire jaillir la vérité.

Considérant qu'il n'est pas concevable d'attendre les soixante années de délai qui permettent l'accès libre aux archives de la défense, elle lui demande comment il compte améliorer l'accès des tribunaux à toutes les informations soumises au principe du secret défense.


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Réponse du Ministère de la défense publiée le 04/02/2010

Aux termes de l'article L. 2312-4 du code de la défense, une juridiction française, dans le cadre d'une procédure engagée devant elle, peut demander la déclassification et la communication d'informations, protégées au titre du secret de la défense nationale, à l'autorité administrative en charge de la classification. Une déclassification ne peut intervenir qu'après un avis de la commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), autorité administrative indépendante composée de trois hauts magistrats et deux parlementaires. Les pouvoirs de la CCSDN et de son président leur permettent d'avoir accès librement à l'ensemble des documents classifiés. Ainsi, les magistrats peuvent être assurés que tous les documents classifiés se rapportant à leurs investigations sont examinés par une autorité indépendante avant d'être soumis à la décision de l'autorité administrative. Les dispositions législatives du code de la défense imposent des délais particulièrement contraints pour cette procédure. En effet, en cas de demande de déclassification d'informations formulée par une juridiction française auprès d'une autorité administrative, celle-ci doit saisir sans délai la CCSDN (art. L. 2312-4), laquelle doit rendre son avis dans les deux mois suivant sa saisine (art. L. 2312-7). L'autorité administrative doit ensuite notifier sa décision à la juridiction ayant demandé la déclassification dans le délai de quinze jours à compter de la réception de l'avis de la CCSDN (art. L. 2312-8). Comme le prévoit l'article L. 2312-7 de ce code, l'avis de la CCSDN « prend en considération les missions du service public de la justice, le respect des droits de la présomption d'innocence et les droits de la défense, le respect des engagements internationaux de la France ainsi que la nécessité de préserver les capacités de la défense et la sécurité des personnels ». Dans son rapport pour les années 2005 à 2007, la CCSDN indiquait que 80 % de ses avis avaient été rendus dans un sens favorable à la déclassification totale ou partielle des documents ou informations soumis à son examen. Bien que l'avis de la commission ne lie pas l'autorité administrative, la pratique montre que les ministres ont très largement suivi les avis de la CCSDN lorsqu'elle proposait une déclassification. En tout état de cause, le ministre de la défense a toujours suivi ces avis. En outre, la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense a renforcé les prérogatives de la CCSDN, mais aussi de l'autorité judiciaire, en offrant un cadre juridique sécurisé aux perquisitions et saisies effectuées dans des lieux classifiés ou susceptibles d'abriter des informations classifiées. Le code de procédure pénale a ainsi été complété, permettant désormais les perquisitions nécessaires à l'autorité judiciaire dans sa recherche de la manifestation de la vérité, dans des lieux sensibles déclarés à la CCSDN ou abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale. En l'État actuel du droit et de la pratique administrative, le processus de déclassification semble donc parfaitement adapté aux investigations judiciaires, et il n'apparaît pas nécessaire d'en modifier le fonctionnement. S'agissant plus particulièrement du dossier judiciaire relatif au naufrage du Bugaled-Breizh, le ministre de la défense a saisi à trois reprises la CCSDN. Sur ces trois demandes, la commission a rendu deux avis favorables à des déclassifications et un seul avis partiellement défavorable, motivé par le caractère très sensible de l'activité des sous-marins de la force nucléaire stratégique. Ces avis ont tous été suivis par le ministre de la défense.

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