Question de Mme SCHILLINGER Patricia (Haut-Rhin - SOC) publiée le 10/12/2009

Mme Patricia Schillinger attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur les frais de découverts facturés par les établissements bancaires.

Selon une étude récente, les banques facturent des frais de découverts exorbitants à leurs clients. Les taux appliqués seraient erronés, voire illégaux. En effet, le découvert s'apparente souvent à un véritable crédit avec des intérêts, les agios, et un taux effectif global (TEG) flirtant souvent avec le seuil de l'usure. À cela peuvent s'ajouter des frais divers et variés : commission d'intervention, frais de gestion sur compte en anomalie, action de recouvrement, lettre de mise en demeure, mise en place du risque... L'étude montre que les commissions d'intervention, appliquées lorsque le découvert n'est pas autorisé, sont particulièrement élevées et présentent une tarification d'autant plus injuste que les banques ne tiennent visiblement pas compte de la jurisprudence. Ainsi, dans son arrêt du 5 février 2008, la Cour de cassation estime que les commissions d'intervention doivent être incluses dans le calcul du TEG, conformément à l'article L. 313-1 du code de la consommation, ce qui n'est jamais appliqué. Le TEG indiqué est donc erroné et est la plupart du temps illégal. De plus, dans un rapport en date du 22 septembre 2009, la Commission européenne a remis en cause les pratiques tarifaires des banques françaises, en raison de l'opacité de leur tarification, ainsi que des frais trop élevés qu'elles prélèvent.

En conséquence, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles mesures le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour que les commissions d'intervention soient incluses dans le TEG et pour obliger les banques françaises à pratiquer de justes prix vis-à-vis des services qu'elles rendent à leurs clients, prisonniers d'un système dénué de réelle concurrence.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation publiée le 28/04/2010

Réponse apportée en séance publique le 27/04/2010

Mme Patricia Schillinger. Ma question porte sur les abus bancaires, et plus particulièrement sur les frais de découverts facturés par les établissements bancaires.

Aujourd'hui, cinq banques se partagent 80 % du marché de la distribution des moyens de paiement et de crédit. Ces établissements se trouvent donc en position dominante à l'égard des clients. Cette situation d'oligopole conduit les banques à des abus et à des dérives, tels que la perception de frais de découvert exorbitants.

En effet, le découvert s'apparente souvent à un véritable crédit, assorti d'intérêts, d'agios et d'un taux effectif global, ou TEG, flirtant généralement avec le seuil de l'usure. Une étude fait apparaître que les commissions d'intervention appliquées lorsque le découvert n'est pas autorisé sont particulièrement élevées : elles sont comprises entre 5,90 euros et 10 euros par opération, selon les banques.

Cette tarification paraît d'autant plus injuste que les banques ne tiennent pas compte de la jurisprudence : dans son arrêt du 5 février 2008, la Cour de cassation estime que les commissions d'intervention doivent être incluses dans le calcul du TEG, conformément à l'article L. 313-1 du code de la consommation, ce qui n'est jamais pratiqué. Le TEG indiqué est donc erroné.

De plus, aux termes des conclusions d'un récent rapport de la Commission européenne, les banques françaises ont les pratiques tarifaires les plus onéreuses et les plus opaques pour les consommateurs. C'est ainsi que, en moyenne, la gestion d'un compte courant est facturée 154 euros dans notre pays, contre 58 euros en Belgique et 46 euros aux Pays-Bas. Les tarifs appliqués pour les découverts bancaires sont également supérieurs à la moyenne européenne.

De surcroît, malgré le plan de sauvetage de 360 milliards d'euros du Gouvernement, les banques françaises ont dû admettre qu'elles ne tiendraient pas leur engagement d'augmenter le volume des crédits accordés de 3 % à 4 % sur l'année 2009.

Pour le CERF – Créateurs d'emplois et de richesse de France – et la FNACAB – la Fédération nationale des associations contre les abus bancaires –, les banques ont en réalité délaissé leur métier traditionnel de sécurisation des fonds déposés et de distribution de crédit, pour investir des domaines plus rentables. Au final, ce sont les ménages et les TPE-PME qui paient les conséquences de la crise financière.

Monsieur le secrétaire d'État, les clients étant mal informés et désarmés, quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour favoriser l'instauration d'une tarification bancaire transparente et raisonnable et renforcer les moyens de contrôle des établissements bancaires ? Pouvez-vous nous dire si les commissions d'intervention seront enfin incluses dans le calcul du TEG ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Madame la sénatrice, la question que vous soulevez, relative aux frais facturés par les banques en cas de dépassement d'une autorisation de découvert et au calcul du taux effectif global, est importante et préoccupe depuis longtemps tant les associations de consommateurs que les pouvoirs publics.

S'agissant de l'assiette du TEG, le code de la consommation pose aujourd'hui une règle claire : sont intégrés au TEG l'ensemble des frais, directs ou indirects, intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du crédit. Le juge a l'occasion de rappeler régulièrement la portée de cette règle, et c'est à juste titre que vous avez cité l'arrêt de la Cour de cassation du 5 février 2008 à propos des frais de forçage.

Cette jurisprudence, mentionnée dans votre question, ne s'applique qu'aux frais de forçage qui sont directement liés aux crédits accordés. En revanche, elle ne s'applique pas aux commissions d'intervention. En effet, ces dernières sont facturées quel que soit le sort réservé à l'incident et que cela se traduise ou non par une acceptation du dépassement de découvert. Ces frais ne sont donc pas liés à l'opération de crédit.

Comme la Cour de Cassation, le Gouvernement considère que les frais qui ne sont pas accessoires au crédit ne doivent pas entrer dans le calcul du TEG. Cela risquerait de faire perdre à celui-ci sa signification et son efficacité.

Pour autant, les frais bancaires pèsent effectivement sur la situation financière des consommateurs, en particulier des plus fragiles d'entre eux. Le Gouvernement est favorable à une tarification des services bancaires qui soit à la fois juste et adaptée. C'est la raison pour laquelle nous avons déjà adopté une série de mesures visant à encadrer les frais bancaires.

Ainsi, le décret du 16 novembre 2007 a prévu un dispositif de plafonnement des frais pour incidents de paiement qui est entré en vigueur en mai 2008.

S'agissant des frais pour chèque impayé, le décret prévoit que le montant maximal des frais bancaires dans le cas du rejet d'un chèque d'un montant supérieur à 50 euros est fixé à 50 euros. Dans le cas du rejet d'un chèque d'un montant inférieur ou égal à 50 euros, le plafond est fixé à 30 euros.

S'agissant des frais pour incident de paiement autre qu'un chèque impayé, le décret prévoit que le montant maximal des frais bancaires dans le cas du rejet d'un virement ou d'un prélèvement est inférieur au montant de l'ordre de paiement pour les paiements de moins de 20 euros et à 20 euros pour les paiements d'un montant supérieur.

Plus largement, et au-delà de la seule question du plafonnement, le Gouvernement a mis récemment en œuvre plusieurs réformes importantes visant à accroître l'information des consommateurs sur les frais bancaires.

Depuis le 1er janvier 2009, les consommateurs reçoivent chaque année un récapitulatif annuel des frais bancaires qui ont été facturés durant l'année écoulée.

En outre, le 28 mai 2008, les banques ont pris l'engagement de mettre en place un nouveau service d'aide à la mobilité bancaire, destiné à faciliter le changement de banque.

Par ailleurs, Christine Lagarde a demandé à Emmanuel Constans, président du comité consultatif du secteur financier, et à Georges Pauget, ancien directeur général du Crédit agricole, de réaliser une mission visant à établir, en concertation notamment avec les associations de consommateurs, un diagnostic sur l'ensemble des frais bancaires.

Cette mission portera sur les pratiques des professionnels et l'usage par les Français de leurs comptes et de leurs moyens de paiement. L'objectif est d'identifier les principales causes d'incidents et les moyens, pour les clients, de mieux utiliser les services bancaires. Les découverts bancaires et les moyens de paiement feront l'objet d'une attention particulière. La question que vous soulevez sera examinée dans le cadre de cette mission, dont les conclusions inspireront le Gouvernement pour réformer, si cela s'avère nécessaire, les règles de tarification des frais bancaires.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, mais je tiens à souligner l'existence de certaines pratiques regrettables. Ainsi, le montant d'un chèque n'est crédité sur le compte en banque que trois ou quatre jours après le dépôt, alors que, entre-temps, des prélèvements automatiques ont pu intervenir et entraîner la perception d'agios en cas de découvert, fût-il d'un faible montant. C'est là que le bât blesse. Il faut absolument remédier à ces situations, dont pâtissent, en période de crise, les ménages aux budgets modestes. J'attends donc avec impatience les conclusions de la mission que vous avez évoquée.

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