Question de M. CAZEAU Bernard (Dordogne - SOC) publiée le 17/12/2009

M. Bernard Cazeau attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur la situation préoccupante de la filière tabacole.

Ce secteur compte 2 800 exploitants dans notre pays. Il emploie près de 10 000 salariés saisonniers et représente plusieurs centaines d'emplois dans la recherche et le développement technique. La diminution brutale des aides directes de l'Union européenne destinées aux producteurs de tabac, à compter du 1er janvier 2010, plonge la filière dans une difficulté profonde.

Si aucune décision compensatoire n'est prise en faveur de la filière tabacole dans des délais rapides, il n'y aura plus de planteurs en Périgord comme dans toute la France dès l'année prochaine. À la fin des années 1960, la Dordogne comptait 1 500 producteurs; ils ne sont plus que 350 aujourd'hui alors que cette culture garantit la survie des petites exploitations de sa région.

Pour les tabaculteurs, les perspectives de reconversion sont étroites, voire inexistantes, compte tenu de la structure des exploitations et de la situation économique générale de l'agriculture. À ce jour, l'Europe ne produit que 25 % du tabac qu'elle consomme. Demain, si rien n'est fait, elle en importera 100 %, mais elle aura au passage supprimé des milliers d'emplois.

Dans un contexte agricole extrêmement difficile, le risque est grand de voir disparaître une filière particulièrement bien organisée, employeuse de main-d'œuvre et qui participe au maintien des actifs dans le monde rural. En conséquence, il lui demande les mesures qu'il compte prendre pour éviter la disparition de cette filière

- page 2910


Réponse du Secrétariat d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation publiée le 03/02/2010

Réponse apportée en séance publique le 02/02/2010

M. Bernard Cazeau. Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce – ma question s'adressait à M. le ministre de l'agriculture, mais je constate que, aujourd'hui, vous êtes polyvalent ! –, je voudrais attirer votre attention sur la situation très préoccupante de la filière tabacole dans notre pays.

Ce secteur compte près de 3 000 exploitants en France. II emploie 15 000 à 20 000 salariés saisonniers chaque année et représente des centaines d'emplois dans la recherche et la transformation, comme à l'usine de Sarlat, où 150 personnes conditionnent chaque année 20 000 tonnes de tabac.

Depuis le 1er janvier 2010, les règles européennes d'aide aux exploitations ont changé et plongent la filière dans des difficultés profondes. En pratique, la quasi-totalité des producteurs se trouvent privés de 50 % des subventions qui leur étaient versées jusqu'alors. Dans ces conditions, si aucune décision compensatoire n'est prise dans des délais rapides, il n'y aura plus de planteurs en France dès l'année prochaine.

Dans mon département, on comptait 1 500 producteurs il y a trente ans. Ils ne sont plus que 350 aujourd'hui, mais, dans ce secteur très particulier du Sarladais, sur de très petites exploitations, seule la culture du tabac peut leur permettre de vivre dans des conditions normales.

Pour les tabaculteurs, les perspectives de reconversion sont étroites, voire inexistantes, compte tenu de la structure de leurs exploitations et de la situation économique générale de l'agriculture.

À ce jour, l'Europe ne produit que 25 % du tabac qu'elle consomme. Demain, si rien n'est fait, elle en importera 100 %, mais elle aura au passage supprimé des milliers d'emplois.

Dans un contexte agricole extrêmement difficile, le risque est grand de voir disparaître une filière particulièrement bien organisée, employeuse de main-d'œuvre, je le répète, et qui participe au maintien des actifs dans le monde rural.

En conséquence, je souhaite connaître les mesures que le Gouvernement compte prendre pour éviter la disparition de cette filière.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le sénateur Cazeau, je tiens tout d'abord à vous présenter les excuses de Bruno Lemaire qui est aujourd'hui en déplacement avec le Président de la République, en Corse. C'est la raison de ma polyvalence ce matin. (Sourires.)

Je confirme les chiffres que vous avez cités. Avec plus de 2 200 exploitations sur une surface supérieure à 6 700 hectares en 2009, la filière tabacole joue un rôle important pour nos territoires et notre économie. Cependant, elle est confrontée cette année, pour la première fois, aux conséquences de la diminution des aides à la production de tabac : l'Organisation commune des marchés, l'OCM, allouait en effet depuis 2006 des aides aux producteurs, pour un budget total de 80 millions d'euros.

Le compromis qui a été obtenu à l'issue du bilan de santé de la politique agricole commune à la fin de 2008, reprend le transfert, prévu en 2004, de la moitié des aides allouées au secteur au financement des actions qui sont cofinancées par le Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER.

Tout au long de l'année 2009, les contacts pris entre les professionnels et le ministère de l'agriculture ont permis de préciser un certain nombre de mesures d'aides disponibles à partir de cette année.

Tout d'abord, la France, durant sa présidence du Conseil de l'Union européenne, a obtenu un dispositif transitoire d'aide à la restructuration, qui prévoit une aide forfaitaire pour les exploitations perdant plus du quart des aides en 2010. Le montant de cette aide sera de 4 500 euros au maximum en 2011, de 3 000 euros en 2012 et de 1 500 euros en 2013. Le budget global de cette aide sur ces trois années est de 18,6 millions d'euros. Près de 60 % des exploitations sont ainsi éligibles à cette aide.

La production de tabac pourra aussi bénéficier dans le cadre du programme de développement rural hexagonal, ou PDRH, de deux mesures agro-environnementales : la MAE « rotationnelle », d'une part, et la MAE « territorialisée », d'autre part.

Les exploitations qui seront concernées peuvent également bénéficier de subventions à la modernisation des exploitations et à l'investissement, d'une part, dans le cadre des mesures communautaires destinées à favoriser le développement de cultures régionales spécialisées, d'autre part, par le dispositif national d'aide à l'investissement qui vient d'être reconduit.

En 2009, les tabaculteurs ont investi massivement dans leur outil de production. Les demandes de subvention ont atteint un montant deux fois supérieur au montant de l'enveloppe qui avait été allouée initialement. C'est la raison pour laquelle, afin d'optimiser ce dispositif, une analyse plus précise du nombre de dossiers, des montants nécessaires et des critères de sélection est en cours avec les représentants de la filière.

Enfin, les tabaculteurs pourront, en 2010, s'ils sont confrontés à des difficultés financières, bénéficier du plan de soutien exceptionnel de l'agriculture qui a été annoncé par le Président de la République à Poligny.

Vous le voyez, le Gouvernement reste très vigilant sur le devenir de la filière tabacole. II ne méconnaît évidemment pas ses difficultés, et des travaux se poursuivent avec les représentants de la filière afin d'identifier de nouvelles pistes de renforcement ou de soutien.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez commencé de manière un peu pessimiste en acquiesçant à mes propos et puis vous avez essayé de démontrer de manière plus optimiste que les choses ne vont pas si mal qu'on le pense.

Pour ma part, je me fais simplement l'écho des inquiétudes du secteur de la tabaculture : je n'invente rien !

Il est vrai qu'en 2010 le soutien aux prix, c'est-à-dire la moitié des aides, a disparu. Les petites mesures qui ont été prises ne compensent pas les 500 millions d'euros de la PAC. Bien sûr, des aides à la reconversion ont été prévues, mais elles n'ont pas été « fléchées » vers les tabaculteurs.

Par ailleurs, il n'est pas véritablement possible, aujourd'hui, de développer, hormis le tabac ainsi que quelques productions très spécifiques mais auxquelles notre secteur ne se prête guère, une production agricole qui soit rentable sur des exploitations de six à sept hectares.

Je souhaite donc que ce problème, entre autres d'ailleurs, puisse être réexaminé et que les planteurs de tabac du Périgord n'aient pas à supporter les conséquences des atermoiements des instances communautaires. Je demande par conséquent à M. Lemaire – et je vous prie, monsieur le secrétaire d'État, d'être mon interprète auprès de lui – d'agir au plus vite : c'est aujourd'hui une question de vie ou de mort pour ces petits producteurs français de tabac.

- page 764

Page mise à jour le