Question de M. SIGNÉ René-Pierre (Nièvre - SOC) publiée le 24/12/2009

M. René-Pierre Signé attire l'attention de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche sur la question du prix des aliments peu transformés. La dérégulation constatée s'explique par l'abandon des prix agricoles aux lois du marché et de la concurrence, ce que mettent à profit les prédateurs de la grande distribution.

Selon une enquête portant sur les prix de produits agricoles, tels la volaille, le porc ou le lait, il a été enregistré une hausse en rayon depuis septembre alors que dans le même temps on notait une baisse significative chez les producteurs. Suivant les différents distributeurs, on constate des écarts sur les marges bénéficiaires et une grande opacité à propos des étapes intermédiaires. Faute de transparence et de données publiques bien des opérations restent inexpliquées et mal comprises ; elles aboutissent à un véritable et indécent pillage.

Pour que le consommateur ne soit plus victime de ces dérèglementations sur lesquelles il s'interroge, il serait nécessaire de fixer le prix de vente d'un produit en se fondant sur son prix agricole. Les agriculteurs qui répondent à toutes les exigences de l'Union européenne veulent vivre de leurs produits justement valorisés.

Il lui demande s'il est envisageable de prendre des dispositions pour lutter contre ces marges injustifiées et si le coefficient multiplicateur déjà appliqué aux fruits et légumes peut être étendu aux produits bruts ou peu transformés.

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Réponse du Ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche publiée le 28/04/2010

Réponse apportée en séance publique le 27/04/2010

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, je veux appeler votre attention sur la hausse vertigineuse des prix en rayons des aliments peu transformés au regard de la stagnation ou de la baisse des prix à la production.

L'abandon des prix agricoles aux lois du marché et de la concurrence a entraîné une dérégulation, mise à profit par les prédateurs de la grande distribution qui, en vérité, fixent les prix.

Une enquête portant sur les prix agricoles, tels que ceux de la volaille, du porc ou du lait, relève une hausse à la vente alors que, dans le même temps, on note une baisse du prix payé aux producteurs ; pour le lait, particulièrement, on observe une baisse de 7 % des prix à la production et une hausse de 5 % à 11 % des prix de vente. On constate évidemment des écarts suivant les distributeurs, mais on retrouve toujours la même opacité pour les étapes intermédiaires.

Pour que le consommateur ne soit plus victime de ces déréglementations qui l'inquiètent, il paraît nécessaire de fixer le prix de vente d'un produit en se fondant sur son prix agricole. Les agriculteurs, qui répondent à toutes les exigences de l'Union européenne, veulent, c'est bien le moins, vivre de la vente de leurs produits estimés à leur juste valeur, d'autant que la prochaine révision de la PAC risque de les pénaliser.

Monsieur le ministre, le Gouvernement peut-il envisager de prendre des dispositions pour lutter contre ces prix et ces marges injustifiés ? Le coefficient multiplicateur, déjà appliqué aux fruits et légumes, peut-il être étendu aux produits bruts ou peu transformés, même si je n'ignore pas qu'il ne favorise pas la concurrence ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Signé, vous avez raison : il faut redonner une plus grande part de la valeur ajoutée aux producteurs agricoles, qui sont aujourd'hui les acteurs les plus lésés au sein de l'ensemble de la filière alimentaire. Toute la politique du Gouvernement vise à renforcer leur pouvoir dans les négociations et à faire en sorte qu'ils récupèrent une part plus importante de la valeur ajoutée.

À cette fin, le Gouvernement présentera un certain nombre de dispositions dans le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, qui sera examiné en première lecture au Sénat à partir du 18 mai prochain.

Une première mesure consistera à renforcer l'Observatoire des prix et des marges, aujourd'hui simplement présent sur internet et dont les travaux ne donnent lieu à aucune suite. Je souhaite qu'il puisse à l'avenir couvrir l'ensemble des produits agricoles, prendre en compte les coûts de production et commander des études spécifiques sur la formation des marges. Il devra remettre chaque année un rapport au Parlement, qui exercera un droit de suite.

Une deuxième mesure visera à instaurer, dans chaque filière, le recours obligatoire au contrat écrit, ce qui permettra de négocier un prix plus rémunérateur qu'actuellement pour les producteurs.

Une troisième mesure tendra à renforcer le rôle des organisations de producteurs. Elles pourront alors négocier en position de force pour conclure des contrats efficaces. Une telle évolution suppose une modification du droit de la concurrence européen, car en son état actuel le droit communautaire ne permet pas aux producteurs de se regrouper de manière plus cohérente pour mieux négocier les prix, et donc les marges, avec les industriels et les distributeurs.

J'ai déjà demandé à M. Joaquin Almunia une telle modification du droit de la concurrence, dont je parlerai demain à M. Dacian Cioloş, commissaire européen à l'agriculture et au développement durable. Je souhaite que nous avancions sur ce sujet. La bataille sera longue et difficile, mais il me paraît indispensable de la livrer.

Enfin, je suis réservé sur l'extension du coefficient multiplicateur, car je crains que les inconvénients ne l'emportent sur les avantages. Les prix risqueraient de s'établir à un niveau trop élevé, au détriment du consommateur. Il convient de trouver un équilibre entre la défense des intérêts des producteurs et la valorisation de leurs marges, d'une part, et la préservation du pouvoir d'achat des consommateurs, d'autre part.

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, je prends bonne note de votre réponse encourageante. Sur l'essentiel, nous sommes d'accord.

J'insiste sur le fait que le maintien de prix de vente élevés n'a, a priori, aucune justification. Cela ne profite qu'à la grande distribution et pénalise les consommateurs.

Par ailleurs, la chaîne de commercialisation des produits agricoles et le mécanisme de formation des prix doivent devenir plus transparents. À cet égard, il me paraît en effet nécessaire de renforcer le rôle des organisations des producteurs et de développer un système de nature réglementaire permettant d'encadrer les marges, dont la progression peut être injustifiée.

Enfin, si le dispositif du coefficient multiplicateur présente à l'évidence certains défauts, son extension, fût-ce pour une période limitée, pourrait néanmoins avoir pour effet bénéfique de freiner l'envolée des prix en rayons et de stabiliser le système de commercialisation.

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